Jimmy, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Le cyclisme est une hérédité familiale car mon grand-père maternel en faisait déjà à très haut-niveau, en cyclo-cross notamment. Mes parents se sont aussi rencontrés à travers les courses de vélo. Mes deux parents ainsi que tous mes oncles le pratiquaient. Naturellement, je me suis aussi mis au cyclisme et à la compétition dès mon plus jeune âge. J’ai commencé vers 5-6 ans puis j’ai franchi tous les échelons et toutes les catégories pour arriver jusque chez les professionnels. C’est une passion que j’ai aussi partagée et que je partage toujours avec mes deux frères, Anthony et Tanguy. J’ai couru six ans chez les pros avant de devoir arrêter pour des raisons de santé. En parallèle de ma carrière, j’ai passé mes diplômes universitaires, avec une licence et un master STAPS. À la suite de mon arrêt, j’ai rapidement basculé vers ma deuxième passion : l’entraînement. J’ai alors exercé pendant trois ans dans d’autres équipes professionnelles.

Te prédestinais-tu à devenir entraîneur ?

Initialement, j’hésitais entre kiné et entraîneur, puis je me suis orienté sur la deuxième option. Mon projet de vie était d’être coureur cycliste un maximum de temps, puis de passer entraîneur. Ce projet a été accéléré pour les raisons que l’on connaît. Il est arrivé dix ans plus tôt que ce que j’espérais. Officiellement, je n’ai commencé à exercer le métier d’entraîneur qu’en 2021, mais c’est quelque chose que je faisais déjà beaucoup par le passé, notamment avec mes frères. Je suis l’aîné de la famille, mon rôle est aussi « de prendre soin » d’eux, et ça passait également par l’entraînement. J’essayais de les aider au mieux pour qu’ils soient les plus performants possibles dans leur pratique. J’ai entraîné Anthony des cadets jusqu’à son passage chez les professionnels, et j’ai « drivé » Tanguy sur l’entraînement tout au long de sa carrière jusqu’à ce qu’il soit lui aussi contraint d’arrêter. C’est quelque chose que je faisais déjà au quotidien. J’essayais aussi d’aider mon père au maximum quand des jeunes de son club voulaient s’investir un peu plus. Ça m’a suivi tout au long de ma carrière. J’étais coureur mais j’essayais de transmettre quelques notions d’entraînement et ma passion aux jeunes.

Que gardes-tu de tes six années chez les pros qui te sert aujourd’hui ?

Je garde la connaissance du milieu, le vécu de coureur, de ce que ça demande sur le plan mental, sur le plan physique, mais aussi sur l’investissement personnel et l’équilibre entre vie privée et vie sportive. Ça me permet vraiment d’avoir une vision globale de l’athlète, étant passé par là moi-même. Je peux vraiment me projeter à sa place, et avoir conscience que même si la priorité est de faire du vélo et de s’entraîner, il faut tenir compte de la vie sociale à côté pour être le plus performant possible sur le vélo. Ce vécu me permet d’être le plus pertinent possible dans mes choix.

As-tu retenu les erreurs à ne pas commettre en tant qu’entraîneur ?

C’est plutôt le contraire. J’ai gardé ce qui m’avait plu tout au long de mon parcours. Je ne me suis pas dit « il ne faudra pas ça faire », mais plutôt « ça c’est super bien, ça aussi, ça aussi ». J’ai essayé de garder le meilleur de chaque entraîneur que j’ai pu croiser. Je me suis dit que ça pouvait être bien de tout couvrir, à savoir être capable d’avoir une facette scientifique et apporter un contenu très précis, mais être à la fois dans l’échange avec le coureur, avoir cette proximité qui aide à la bonne relation.

Quelle serait ta philosophie en tant qu’entraîneur ?

Je pense être quelqu’un qui s’adapte. Le coureur est certes un coureur, mais il est aussi et surtout un être humain. J’essaie d’installer une vraie relation de confiance avec lui pour être le plus pertinent dans mes choix en prenant en compte les différentes sphères qui naviguent autour de lui : le plan social, le plan familial, le plan scolaire. Je sais que quand on est coureur, on doit déjà s’adapter à beaucoup de choses quand on arrive dans une équipe, donc je pense que c’est aussi le rôle de l’entraîneur de s’adapter au coureur afin qu’ils trouvent ensemble la meilleure façon de fonctionner dans cette relation entraîneur-entraîné. Quand je leur présente ma manière de faire, je leur dis qu’il faut surtout qu’il y ait de la communication, et qu’elle ne soit pas seulement sur le plan sportif. Si un athlète passe des examens, ça m’intéresse de savoir si ça s’est bien passé ou pas, car ça peut avoir un impact sur son mental, et forcément sur l’entraînement. J’aime bien être au courant, si tant est que l’athlète veuille bien se livrer. Le but est d’avoir un maximum d’échanges et de communication de façon à ce que la relation soit la plus saine possible.

Qu’est-ce qui t’a motivé à rejoindre l’Équipe cycliste Groupama-FDJ ?

Plusieurs choses. Il y a d’abord la structure en tant que telle. La Groupama-FDJ est une équipe qui est implantée dans le paysage cycliste depuis près de trente ans. Pour moi qui suis passionné de vélo, c’est quelque chose de quasi mythique d’intégrer l’une des plus anciennes équipes, et la plus grosse structure française. C’est aussi une formation qui a toujours mis l’accent sur l’entraînement. Fred Grappe a été l’un des précurseurs dans les années 2000. C’est quelqu’un dont j’étudiais les travaux en cours, donc ça signifie quelque chose de rejoindre une équipe qui est encore associée à lui. Julien Pinot est aussi quelqu’un que je connais depuis mes années jeunes car j’ai presque le même âge que Thibaut. En tant qu’entraîneur, c’est plaisant de savoir qu’on rejoint une structure qui met vraiment l’entraînement au cœur du projet sportif. Puis, il y a le projet qui m’a été présenté, autour des jeunes, avec la possibilité de mettre ma patte, ma façon de voir les choses et transmettre mon amour du vélo. Nos jeunes sont concernés par le double projet scolaire-sportif, ils savent que je suis passé par là, donc je pense que ça collait vraiment bien. Enfin, ce qui est intéressant quand on accepte de nouveaux projets, c’est aussi de travailler avec de nouvelles personnes qui nous tirent vers le haut. Il y a des entraîneurs de qualité dans l’équipe, et je collabore également avec Yann Le Boudec qui opère auprès des jeunes depuis quelques années.

Avais-tu déjà cette volonté de travailler avec les jeunes ?

J’ai toujours aimé entraîner des jeunes, car c’est à ce stade de leur carrière où je pense qu’on peut les façonner pour l’avenir. Quand on a des jeunes pépites, c’est forcément intéressant de les entraîner et de les voir progresser. C’est toujours plaisant de polir un diamant brut. Chez les juniors, je m’étais dit qu’il y aurait forcément des pépites à former, non seulement sur le plan de l’entraînement mais aussi sur le plan de l’investissement qu’il allait falloir mettre pour progresser. Le « projet jeunes » m’a toujours beaucoup plus, on m’a en l’occurrence proposé les juniors, ce qui a encore plus accentué la chose.

C’est aussi un nouveau défi pour toi, étant donné que tu seras coordinateur du Programme Juniors.

Ce qui est très stimulant, c’est justement le fait qu’il n’y ait pas que de l’entraînement. Depuis quelques années, j’étais vraiment focalisé sur ça. Il y a désormais tout un aspect qui n’est pas lié à l’entraînement, mais plus sur le management de groupe, le management d’un projet sportif. Il y a tout un axe externe à l’entraînement, nouveau pour moi, et qui me challenge. On a huit coureurs chez les juniors, et le but est de créer un vrai esprit de groupe, ce qui n’est pas évident car ils ne vont pas souvent courir ensemble. Il y a aussi le défi d’élaborer un calendrier pertinent au regard de l’effectif dont on dispose et des obligations qu’ils ont avec leur club. On a à cœur de travailler main dans la main avec les clubs, et on a beaucoup d’échanges pour que le club s’y retrouve aussi. J’aurai aussi à ma charge le rôle de directeur sportif sur les courses. Il faudra les rendre performants grâce à l’entraînement, mais il y aura aussi des choses à apprendre durant les courses. La coordination du projet, c’est aussi être proche des coureurs car ils ont un cursus scolaire, donc il faut adapter notre programme, de stages ou de courses à celui-ci, en lien avec leurs parents et leurs clubs. Il s’agit d’avoir une vision globale pour leur fournir le meilleur projet sportif.

Quelle est votre vision pour le Programme Juniors ?

Un vrai choix stratégique a été fait. On s’est concentré sur huit coureurs et on a vraiment un projet à long terme avec eux. Ils ont été détectés par leurs résultats ou leurs prestations, et on va essayer de leur apporter un maximum de choses pour qu’ils continuent de progresser, afin qu’ils passent d’abord dans la Conti. Il y a vraiment ce projet à long terme. Certaines équipes prennent vingt jeunes puis ne gardent que les meilleurs. Ce n’est pas notre projet ni la vision qu’on a du vélo. On en prend huit, on croit en eux, on va tout faire pour qu’ils progressent au mieux, qu’ils arrivent à franchir les différents caps et que tout le monde en ressorte gagnant. C’est cette idée qui est au cœur de notre projet de formation. On est dans cette démarche de franchir les étapes une à une avec le coureur et l’accompagner au mieux durant ces étapes. Le staff s’est aussi renforcé dans cette perspective de qualité.

Que souhaitez-vous insuffler chez ces jeunes coureurs ?

On veut avant tout leur faire comprendre qu’il y a des étapes à franchir une à une, qu’il faut être rigoureux sur l’entraînement, qu’il faudra ensuite l’être sur le plan nutritionnel etc. C’est cette idée qu’il faut y aller progressivement mais qu’il faudra mettre en place des choses pour arriver là où ils souhaitent arriver. On est là pour leur faire comprendre qu’il va falloir qu’ils travaillent avec nous pour atteindre des micro-objectifs afin d’arriver à leur rêve. Ils doivent réaliser qu’une carrière est comme une pyramide. Il faut bien construire la base et prendre le temps de bien assimiler certaines choses pour pouvoir monter les étages les uns après les autres. Plus ils prendront en maturité, plus ils seront exigeants avec eux-mêmes, et plus ça leur permettra d’atteindre le haut niveau. On veut aussi leur transmettre les valeurs de l’équipe, et leur donner ce sentiment d’appartenance à une grande famille. Sur le plan physiologique que psychologique, beaucoup de choses se passent à cet âge, pendant la puberté. Il y a vraiment un travail important à faire à ce niveau.

Que serait une formation réussie ?

Une formation est réussie si le coureur qui arrive dans le Programme Juniors progresse sur le vélo et valide ses études. Une formation est réussie si le coureur n’a pas de frein au niveau technique, tactique, physique quand il arrive chez les professionnels, et qu’il peut alors gagner des courses ou remplir un vrai rôle au haut-niveau. C’est le parcours parfait et celui qu’on souhaite à tous nos jeunes : arriver chez les pros avec toutes les connaissances, compétences, le meilleur physique possible, et avec un bagage qui leur assure quelque chose derrière.