Un coup manqué mais porteur d’espoir pour Thibaut Pinot

Thibaut Pinot y a cru, et tout le monde avec lui. Au lendemain d’une journée malchanceuse sur le Tour de France, le grimpeur franc-comtois n’est pas passé loin de vivre une journée des plus heureuses. Lors de la neuvième étape, il a ainsi réussi à prendre place dans l’échappée du jour en direction de Châtel. Plus tard, grâce à une attaque fulgurante dans le Pas de Morgins, il a pu entretenir ses espoirs de victoire, mais Bob Jungels, parti bien en amont, est parvenu à résister jusqu’à la ligne. Thibaut Pinot a finalement terminé en quatrième position, mais a envoyé de vrais signes encourageants. David Gaudu a lui passé une journée plutôt calme avec les favoris pour consolider sa cinquième place au général à la veille de la deuxième journée de repos.

La première grosse semaine de la Grande Boucle version 2022 arrivait à son terme ce dimanche, à la frontière franco-suisse, après une nouvelle étape majoritairement disputée en territoire helvète. Mais surtout, le Tour entrait donc dans les Alpes. Avant d’observer une deuxième journée de repos très attendue, les coureurs prenaient la direction de Châtel après un itinéraire très escarpé comprenant notamment le Col de la Croix et le Pas de Morgins dans les soixante-dix derniers kilomètres. Les trente premières bornes étaient en revanche entièrement plates, ce qui n’a donc pas permis la formation de l’échappée. C’est donc dans les premiers petits reliefs que la sélection s’est faite, naturellement, et Thibaut Pinot venait alors se greffer aux mouvements. « Le plan ce matin était de mettre Thibaut dans l’échappée, et le but était d’essayer d’aller gagner l’étape, affirmait Philippe Mauduit. On imaginait qu’on aurait une équipe suffisamment solide à l’arrière pour encadrer David sur ce type de parcours. On pouvait donc donner sa carte à Thibaut, et le parcours lui convenait plutôt bien ». Au sortir d’une empoignade d’environ cinquante kilomètres, le peloton s’est décidé à laisser partir un groupe de quinze coureurs, bientôt rejoints par six autres dont le maillot vert Wout Van Aert. Grâce à un bel effort, Thibaut Pinot y était donc présent, mais la formation UAE Team Emirates a immédiatement maintenu l’écart sous les trois minutes en raison de la présence de Rigoberto Uran en tête. 

« Content d’avoir les jambes pour me battre », Thibaut Pinot

L’échappée n’a donc jamais réellement pu prendre le large et s’est alors présentée au pied de la première grande ascension du jour, le Col de la Croix, avec une marge resserrée. À trois kilomètres du sommet, soit soixante-quatre de l’arrivée, Bob Jungels a accéléré sans que son mouvement ne soit suivi par ses concurrents. Le Luxembourgeois a passé le sommet avec une vingtaine de secondes d’avance, puis les a fructifiées dans la descente au terme de laquelle il cumulait une minute sur ses poursuivants, dont Thibaut Pinot. « J’avais les jambes pour suivre quand il a attaqué, mais je n’y croyais pas spécialement, expliquait plus tard le coureur de Melisey. L’entente en contre était bonne mais pas exceptionnelle. Un mec tout seul roule toujours mieux dans ces circonstances, mais je ne pensais qu’on allait prendre 2’30. C’est l’erreur qu’on a commise ». Au terme de trente-cinq kilomètres de transition entre le sommet du Col de la Croix et le pied du Pas de Morgins (15 km à 6%), ultime difficulté du jour, l’homme de tête émergeait donc avec un solide avantage. Le peloton ne comptait lui qu’une grosse minute de retard sur le groupe Pinot. Après une première partie de col effectuée au train, le Franc-Comtois est justement sorti de sa réserve à neuf kilomètres du sommet. Il a d’abord éliminé les plus faibles, puis s’est flanqué d’une seconde offensive 500 mètres plus tard pour s’isoler en contre. Il lui restait alors deux minutes à combler sur Bob Jungels. 

Déchaîné, Thibaut Pinot a dès lors repris du temps à chaque mètre de pente avalé. L’écart tombait à une minute à six bornes du sommet, soit quinze de l’arrivée, et même à trente secondes à quatre kilomètres de la bascule. Toutefois, les pourcentages se sont adoucis sur le final de la montée et l’écart a dès lors stagné entre 20 et 30 secondes. « Il aurait peut-être pu attaquer un peu plus tôt, mais ça ne se joue pas à grand-chose, indiquait Philippe. Il avait aussi de bons grimpeurs autour de lui et ces grimpeurs n’auraient pas roulé avec lui après. Il fallait qu’il s’isole, et pour s’isoler il fallait que tout le monde ait un peu le couteau sous la gorge ». Au sommet du Pas de Morgins, Thibaut Pinot comptait donc une vingtaine de secondes de retard, qui demeuraient après une petite descente précédant la remontée finale (4km à 4%) vers Châtel. Sur des pentes moins à son avantage, le Haut-Saônois n’a pu recoller à l’homme de tête. Il a également été repris par deux poursuivants dans le dernier kilomètre, se contentant ainsi de la quatrième place du jour malgré un remarquable effort. « C’est frustrant, soufflait Thibaut. Si on devait refaire la course, je changerais beaucoup de choses, mais c’est la course…. Jungels était très fort.  C’est forcément dommage, mais on est arrivés avec 2’30 de retard au pied d’un col qui lui correspondait. Ça aurait été différent avec un col plus dur, mais je n’ai pas de regrets, j’ai vraiment tout donné. J’ai compris au sommet du Pas de Morgins que ça allait être compliqué car il roulait encore bien sur les parties roulantes. La fin était à son avantage. Si j’avais su que je n’étais pas si mal que ça, je serais peut-être parti plus tôt dans le col. Mais avec des si… Je suis quand même content de retrouver des sensations et d’avoir les jambes pour me battre. Ça me permet d’être assez serein pour la suite. Je vais bien me reposer demain et les deux plus belles semaines arrivent ».

« Un honneur d’avoir ces équipiers », David Gaudu

S’il n’a pu conclure sa journée à l’avant avec une quatrième victoire d’étape sur la Grande Boucle, Thibaut Pinot est tout de même monté sur le podium pour recevoir le prix du plus combatif. « Je pense que Bob Jungels a aussi fait un numéro, reconnaissait-il. J’ai relancé la course. Pour beaucoup, il n’y avait sans doute plus vraiment de suspense quant au vainqueur du jour. Mon attaque en a apporté un peu ». David Gaudu, pour sa part, a conforté sa cinquième place au classement général au terme d’une étape sans vrais bouleversements. « C’était une étape difficile, mais à l’exception du dernier kilomètre qui a vraiment fait mal, le reste de la journée a été plutôt tranquille dans le groupe des favoris, disait le Breton. Je m’attendais à ce que ça monte plus vite dans le Pas de Morgins. En tout cas, l’équipe marche super bien, on était encore trois quand il restait vingt mecs, avec en plus Thibaut dans l’échappée. C’est un honneur d’avoir ces équipiers. On a eu notre journée compliquée hier, on est repartis sur des bonnes bases aujourd’hui. On peut espérer mieux par la suite et être confiants ». « C’est pas mal pour le moment, glissait enfin Philippe, mais il faut garder les pieds sur terre ».