L’Équipe cycliste Groupama-FDJ est de retour en course, du moins virtuellement. Du 22 au 26 avril, quelques uns des coureurs de l’équipe prendront en effet part à « The Digital Swiss 5 », une épreuve fictive, mise sur pied par l’organisateur du Tour de Suisse, et lors de laquelle les compétiteurs s’affronteront à distance par l’intermédiaire de leur home trainer connecté. Une innovation et un événement qui s’accompagnent forcément de quelques questionnements, auxquels Anthony Bouillot, l’un des entraîneurs de la structure, a tâché de répondre.
QUOI ?
C’est une course qui va se dérouler sur la plateforme Rouvy, sur laquelle ont été importés certains parcours du Tour de Suisse 2020. Elle comportera cinq étapes. Les première, troisième et cinquième étapes devraient être typées grimpeurs, les deuxième et quatrième auront un profil plus intermédiaire, pour rouleurs. De ce que l’on sait, les trois étapes pour grimpeurs disposeront d’une arrivée sommet. Il est bien sûr impossible de reproduire une distance de course sur route. L’étape la plus courte fera donc 26 kilomètres, la plus longue 50 kilomètres. Les organisateurs se basent sur une heure d’effort mais ça devrait osciller entre 45 min et 1h15. On aura trois coureurs par équipes sur chaque étape, et ils pourront être renouvelés ou changés d’une journée à l’autre. Sachant que ça va forcément tourner et qu’aucun coureur ne fera les cinq jours, il y aura un classement d’étape mais pas de général. Reste à voir s’ils en feront un par équipes. Il y en aura d’ailleurs 19, dont 17 du WorldTour. En théorie, cela devrait constituer des pelotons de 57 coureurs, et normalement, un des trois coureurs de chaque équipe aura une webcam pour la retransmission.
QUI ?
Bruno Armirail, Kilian Frankiny, David Gaudu, Simon Guglielmi, Stefan Küng, Matthieu Ladagnous, Fabien Lienhard, Tobias Ludvigsson, Valentin Madouas, Rudy Molard, Sébastien Reichenbach, Benjamin Thomas
On a sondé l’ensemble de nos coureurs pour savoir qui était intéressé à l’idée de participer à cet évènement. Ils ont été douze. Cela s’est fait sur la base du volontariat. Certains coureurs aiment le home trainer, du moins le supportent bien, d’autres moins. Certains apprécient les courses virtuelles, d’autres un peu moins. On ne voulait surtout pas contraindre les coureurs et d’en sélectionner un qui n’aurait pas du tout envie de faire ce genre de course. Au final, nous n’avons eu aucun mal à trouver nos 12 hommes. Certains sont d’ailleurs déjà des adeptes de ces pratiques, de ces courses, sur cette plateforme ou d’autres. Ensuite, nous les avons placés en fonction de leur profil et de celui des étapes pour que ça puisse ‘’matcher’’ de la meilleure façon possible. Là où il y a un point d’interrogation, c’est sur la tactique. Quand la plate-forme utilisée prévoit le phénomène d’aspiration, la tactique rentre forcément en jeu. Sur Rouvy, ce n’est pas le cas. C’est un peu délicat de ce point de vue car cela peut avoir une vraie influence sur la tactique.
POURQUOI ?
On a choisi de prendre part à l’événement, notamment vis à vis de l’organisateur, qui a fait l’effort de mettre cela en place. Mine de rien, tous ne l’ont pas fait. On se devait donc, au moins, de demander à nos coureurs s’ils étaient intéressés. Dans cette période assez inédite, il nous faut aussi trouver des ressorts pour que les coureurs puissent trouver un peu de plaisir dans leur pratique. On se doit donc, en tant qu’entraîneurs, de leur proposer, et non de leur imposer, de nouvelles choses auxquelles ils pourraient adhérer et qui pourraient finalement faciliter leur entraînement quotidien. Ces plateformes et courses virtuelles en font intégralement partie. Certains préfèrent réaliser des exercices assez carrés et planifiés, d’autres sont plus adeptes des entraînements sur des plateformes comme Rouvy ou Zwift. En tous les cas, l’idée générale est de trouver un bon équilibre afin que le coureur puisse continuer à s’entretenir mais sans que ne pèsent sur lui trop de contraintes. Ceux qui apprécient l’entraînement sur plateforme virtuelle se sont portés volontaires assez facilement pour participer à cette épreuve. L’idée de plaisir sera donc primordiale pour eux.
OBJECTIF ?
La notion de performance, du moins de résultats, n’est pas prioritaire. Pour nous entraîneurs, l’objectif premier est que les coureurs puissent à la fois avoir une bonne stimulation dans leur entraînement et aussi prendre du plaisir à produire cette stimulation. Cela aura un double avantage : qu’ils s’entretiennent et s’entraînent bien, le tout sans avoir énormément de contraintes. Si on parvient à prolonger cet équilibre, ça nous sera favorable lorsqu’il sera temps de reprendre l’entraînement sérieux sur la route. Les coureurs seront ainsi frais mentalement et physiquement et pourront être en capacité d’aller faire des bonnes charges pour préparer la suite de la saison. Par conséquent, ils n’ont pas eu de préparation spécifique pour cette course. De toute manière, ce sont tous des coureurs habitués à rouler, à se stimuler et à faire des courses sur plateforme virtuelle. Ils donc ont une condition relativement bonne. On va dire que l’évènement s’intègre plus dans le programme d’entraînement que l’inverse. Les coureurs auront leur vélo de route et il n’y a pas de changement particulier à noter. On sait en revanche qu’on transpire beaucoup sur home trainer par rapport à un entraînement sur la route. Il faudra donc bien s’adapter au niveau des apports hydriques et nutritionnels.
DIFFICULTÉS ?
Le plus gros problème, que l’organisateur ne peut pas gérer, c’est la calibration du capteur de puissance et du home trainer en lui-même. La résistance est établie en fonction du niveau de puissance généré par le home trainer, sauf qu’on n’en connaît pas la calibration. On peut très bien avoir un home trainer qui surestime, et a contrario un home trainer qui sous-estime, et la différence sur le terrain – ou à l’écran – se fera plutôt là-dessus que sur la valeur brut du coureur. C’est aussi pour cette raison qu’on voit des coureurs inconnus capables de courir et battre des pros sur Zwift. En raison de ces diverses calibrations, on n’est pas à l’abri de grosses différences dans les performances, y compris sur le Tour de Suisse virtuel. De notre côté, on vérifie la correspondance entre le capteur du vélo de route et celui du home trainer. Est-ce que tout le monde le fait ? Je ne sais pas, et chacun fait ce qu’il veut, ce n’est pas compétition officielle. Aussi, quand on accède à une plateforme, on peut connecter soit son home trainer, soit son pédalier. Si le home trainer fournit de faux watts, on peut très bien mettre son pédalier à la place. Est-ce que tout le monde aura ce réflexe ? Est-ce qu’un coureur ne pourrait pas se dire : « Je vais connecter mon home trainer parce qu’il me produit 10 watts de plus que mon pédalier » ? C’est ce qui est compliqué, et ingérable, pour l’organisateur. De la même façon, dans la montagne, ce qui influencera la vitesse de déplacement du coureur, c’est les watts/kg. Cela dépend donc de la précision du capteur de puissance et de la précision du poids donné par le coureur. Si l’on donne un poids trois kilos plus faible que la réalité, ça va évidemment influencer la performance. Beaucoup d’éléments peuvent intervenir et biaiser la performance réelle. C’est donc très compliqué et c’est aussi pour cela qu’on ne met pas de pression de résultats aux coureurs, qu’on va plutôt insister sur le plaisir.
1 commentaire
Hammouche
Le 8 mai 2020 à 15:41
Je vous suis sur la chaîne. Courage et à bientôt sur les routes.