Pendant plus de cent kilomètres ce dimanche, Stefan Küng aura joué les tous premiers rôles sur la plus grande des classiques flamandes : le Tour des Flandres. À l’offensive très tôt dans ce deuxième Monument de la saison, le Suisse a occupé les rênes de la course pendant près d’une heure et demie avant que les principaux favoris n’opèrent leur retour dans le final. Le rouleur de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ s’est dès lors arraché à travers les ultimes monts pour venir concrétiser sa formidable course par un excellent top-10 sur la ligne : septième. De quoi espérer encore plus haut dimanche prochain lors de l’Enfer du Nord.
Seize monts, cinq secteurs pavés, du soleil et une ambiance survoltée. Tout était réuni ce dimanche pour la grande fête du cyclisme belge à l’occasion de la 109ème édition du Tour des Flandres. De Bruges à Audenarde, 270 kilomètres figuraient au programme du jour, avec une première moitié de parcours pratiquement dénuée de difficultés. La bataille pour l’échappée a apporté un peu d’animation durant une heure de course, puis le peloton a adopté un tempo régulier derrière les sept fuyards. Comme attendu, ce n’est qu’à l’approche du premier passage sur le Vieux Quaremont que les esprits se sont franchement échauffés alors que plusieurs chutes avaient déjà émaillé l’avancée des coureurs. Les premières tentatives d’anticipation sont intervenues quelques instants plus tard, mais à la sortie du Molenberg, à environ 110 bornes de la ligne, c’est Stefan Küng lui-même qui a surgi. « Il n’était pas prévu que ce soit lui qui attaque de si loin, confiait Frédéric Guesdon. D’autres coureurs devaient y aller à cet endroit, mais il s’est retrouvé bien placé et il a tenté sa chance. Je pense qu’il avait les jambes pour être devant même en patientant, mais c’est toujours mieux d’avoir un coup d’avance ». « Ce matin, le plan était plutôt de rester sur la défensive, mais il faut aussi suivre son instinct, reprenait Stefan. C’était une situation particulière de par les chutes et le rythme soutenu, et je me suis dit que c’était peut-être le bon moment pour attaquer. Je suis arrivé de l’arrière avec beaucoup de vitesse et j’y suis allé ».
« Il méritait un top-10 au vu de sa course », Frédéric Guesdon
Le Suisse a d’abord été accompagné de Davide Ballerini, Vito Braet et Tiesj Benoot, puis se sont joints à eux Filippo Ganna, Matteo Trentin, Daan Hoole et Quinten Hermans. Ils ont ensemble repris les rescapés de l’échappée à 90 kilomètres du terme tout en se forgeant une avance d’une minute sur le peloton. « C’était un bon groupe, certifiait Stefan. J’en faisais peut-être un peu trop, mais je voulais vraiment creuser l’écart. Malheureusement, c’est devenu un peu tactique avant le deuxième passage au Vieux Quaremont. La collaboration n’était pas idéale, et c’est pourquoi nous avons perdu un peu de notre avance ». Le Suisse s’est alors décidé à faire lui-même le forcing, réduisant le groupe de tête à sept unités alors que les grands favoris se livraient bataille quelques trente secondes derrière. Dans le Paterberg puis sur les pentes infâmes du Koppenberg, Stefan Küng a encore insisté à l’avant et n’a finalement emmené que deux coureurs avec lui : Benoot et Ballerini. « Mon objectif était d’arriver avec un coup d’avance dans le Taaienberg et c’est pour ça que j’ai commencé à forcer le rythme dans le Koppenberg, confiait l’intéressé. Malheureusement, les autres n’ont plus voulu me relayer et j’ai payé cet effort quand les gros sont revenus ».
À quarante kilomètres du terme, Tadej Pogacar, Mathieu van der Poel, Wout Van Aert, Matteo Jorgenson, Jasper Stuyven et Mads Pedersen ont repris le trio de tête, et Stefan Küng n’a pu répondre à l’attaque du Slovène dans le Taaienberg quelques minutes plus tard. « J’étais vraiment dans le dur à ce moment-là, et je n’ai pas non plus pu suivre Van Aert dans le vieux Kruisberg, précisait Stefan. J’ai eu besoin de récupérer, mais c’est quelque chose qu’on ne peut pas se permettre sur cette course ». Cinq coureurs se sont finalement détachés avant le dernier enchaînement Vieux Quaremont-Paterberg, que le rouleur de la Groupama-FDJ a lui entamé avec un duo de la Visma-Lease a Bike. Pointé à plus d’une minute de Pogacar, parti seul en tête, à l’issue des dernières difficultés, Stefan Küng a continué de s’allier avec Jorgenson et Benoot sur le chemin d’Audenarde. « Il fallait continuer de rouler pour au moins être récompensé par un bon résultat, affirmait Frédéric. Il y avait un gros groupe qui arrivait vite derrière. Il méritait un top-10 au vu de sa course, et c’est une bonne chose qu’il ait pu l’assurer ». Après un dernier effort au sprint, Stefan Küng a finalement conclu la journée à la septième place, près de deux minutes après Pogacar, et une trentaine de secondes devant le peloton incluant Valentin Madouas (17e).
« Pour vaincre les pronostics, il faut oser », Stefan Küng
Protagoniste de l’épreuve pendant plus de cent bornes, le Suisse a ainsi validé son troisième top-10 sur le Ronde et son sixième sur un Monument. « J’ai tout mis sur la route, donc je n’ai rien à me reprocher, confiait-il. Je peux être content de ma performance. Il était certes possible de faire mieux que septième, mais il faut parfois les bonnes circonstances et un peu de chance. Si j’avais couru plus défensif, j’aurais peut-être pu terminer quatrième, cinquième, mais arrive un moment où il faut jouer le tout pour le tout car je suis avant tout un compétiteur. Pour vaincre les pronostics, il faut oser. C’est ce que j’ai fait aujourd’hui. Qui ne tente rien n’a rien ». « On ne va pas cracher sur un top 10 sur un Monument, clamait Frédéric en conclusion. Je pense qu’on ne peut pas avoir de regrets. Stefan a quasiment fait la course parfaite. Il a tout fait pour être en forme ici, et c’est donc tout à fait normal qu’il soit à cette place aujourd’hui. C’est de bon augure pour dimanche prochain. Tout son début de saison a d’ailleurs été décalé pour qu’il soit vraiment prêt à Roubaix ». Épreuve où l’Helvète reste sur trois top 5 consécutifs. « D’abord il va falloir récupérer, souriait Stefan. Le Tour des Flandres est déjà une course difficile par essence, donc elle l’est encore davantage quand on passe à l’attaque à 110 kilomètres de l’arrivée… » Le rappel d’une monumentale journée, à tous égards.