Le Tour des Flandres ne fait jamais de cadeaux, mais ce dimanche, il n’a également offert presque aucun repos. À la suite d’une première moitié de course extrêmement agitée, les grandes manœuvres ont en effet débuté à plus de cent kilomètres de l’arrivée. Stefan Küng s’est immédiatement lancé dans la bagarre, et a ainsi pu prendre un coup d’avance. Le Suisse a occupé la tête de course jusqu’à vingt-trois kilomètres du but, avant le dernier enchaînement Vieux Quaremont-Paterberg. Tadej Pogacar s’est ici envolé vers la victoire alors que le coureur de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ s’est férocement accroché à un troisième échelon pour s’accaparer de la sixième place du Ronde le plus rapide de l’histoire.
« Valentin a tout de suite compris qu’il n’allait pas pouvoir jouer devant », Frédéric Guesdon
La semaine « sainte » en Belgique arrivait à son terme ce dimanche avec le deuxième Monument cycliste de la saison, et pour certains la plus belle épreuve de l’année, comme point d’orgue. Sept ans après, le Tour des Flandres retrouvait aussi Bruges, point de départ de 273 kilomètres jalonnés de dix-neuf monts et six secteurs pavés. Cent kilomètres précédaient les toutes premières difficultés, et même cent-trente étaient à couvrir avant des enchaînements incessants. Ils n’ont pourtant pas été sans remous. Après trente bornes, une bordure a ainsi piégé Valentin Madouas, Kevin Geniets et Fabian Lienhard, et si la jonction a été établie une demi-heure plus tard, le troisième du Ronde 2022 était toutefois contraint de quitter l’épreuve, affaibli par des maux d’estomac. « Il avait un peu mal au ventre ce matin et il espérait que ça irait, relatait Frédéric Guesdon. Malheureusement, c’est parti assez vite et il s’est fait distancer dans le vent. Il a tout de suite compris qu’il n’allait pas pouvoir jouer devant et il a préféré ne pas insister. On n’a pas été surpris par ce début de course, car beaucoup d’équipes voulaient devancer les costauds et mettre un mec devant. Il était donc logique que l’échappée mette énormément de temps à partir ». Alors que la Groupama-FDJ se voyait amputée de l’une de ses cartes maîtresses, l’échappée parvenait enfin à se constituer après une centaine de kilomètres. Guillaume Van Keirsbulck (Bingoal WB), Daan Hoole (Trek-Segafredo), Jasper De Buyst (Lotto-Dstny), Filippo Colombo (Q36.5) et Elmar Reinders (Jayco-AlUla) y ont d’abord pris place, bientôt rejoints par Tim Merlier (Soudal Quick-Step), Jonas Rutsch (EF Education-EasyPost) et Hugo Houle (Israel-Premier Tech).
L’espace d’une trentaine de kilomètres, le peloton a tenté de reprendre son souffle et donc laissé l’échappée prendre jusqu’à six minutes d’avance, mais les attaques ont repris très vite après l’ascension de l’Eikenberg. « Il a fallu plus de cent kilomètres pour que l’échappée se fasse, puis ça ne s’est jamais vraiment relâché », témoignait Stefan Küng. Après que Lewis Askey s’est montré vigilant dans la première partie de course, c’est Kevin Geniets qui a accompagné un premier coup intéressant à environ cent-dix kilomètres du but. Le Luxembourgeois a malheureusement été écarté quelques instants plus tard sur crevaison, Sam Watson est reparti en contre mais le peloton s’est finalement reformé avant la montée du Molenberg. Et c’est là, à cent-cinq kilomètres du but, que la grande bagarre a éclaté pour de bon. « Je me suis rendu compte dans le Kerkgate que tout le monde était déjà pendu, expliquait Stefan. C’était la même chose dans le Molenberg, donc je me suis dit ‘’j’y vais dès que quelqu’un bouge’’ ». « On savait que les trois grands favoris allaient être difficiles à battre, donc il fallait anticiper sans complexes, ce qu’a fait Stefan, ajoutait Frédéric Guesdon. Beaucoup avaient la même idée que nous, et c’est ce qui a fait la réussite de cette échappée ». À plus de cent bornes de la ligne, le Suisse a donc formé un groupe menaçant devant le peloton en compagnie de Florian Vermeersch (Lotto-Soudal), Neilson Powless (EF Education-Easy Post), Kasper Asgreen (Soudal-Quick Step), Matteo Trentin (UAE Team Emirates), Fred Wright (Bahrain-Victorious), Jhonatan Narvaez (Ineos Grenadiers), Mads Pedersen (Trek-Segafredo), Nathan Van Hooydonck (Jumbo-Visma), puis Benoit Cosnefroy (AG2R-Citroën) et Matteo Jorgenson (Movistar).
« Personne ne pouvait produire l’effort supplémentaire », Stefan Küng
L’écart s’est rapidement creusé en faveur de ce wagon d’outsiders, et lorsque la jonction a été effectuée avec l’échappée initiale, le chronomètre affichait même deux minutes d’avance. En raison d’une organisation imparfaite dans le peloton, c’est même avec un avantage de près de trois minutes que Stefan Küng et ses compagnons de fuite ont entamé la deuxième ascension du Vieux Quaremont. Au sommet, il ne leur restait toutefois plus que la moitié en raison de l’offensive de Tadej Pogacar derrière. L’échappée s’est dans la foulée réduite à douze hommes dans le Paterberg alors que les terribles pentes du Koppenberg ont plutôt tenu le groupe uni. L’entente s’est donc entretenue pendant quelques temps, avant que Mads Pedersen ne prenne un coup d’avance dans le Kruisberg, là-même où Van der Poel et Pogacar ont distancé Van Aert avant de recoller au groupe Stefan Küng, à vingt-trois kilomètres du terme. Puis, dès le pied du « dernier » Vieux Quaremont, le Slovène et le Néerlandais ont mis les gaz, et le double vainqueur du Tour a opéré une différence jamais comblée. Derrière, Stefan Küng s’est arraché pour rester à la lutte pour les places d’honneur. À la sortie du Paterberg, dernière difficulté du jour, il prenait ainsi position dans un groupe de sept coureurs en lice pour le podium. « Je pense qu’on était tous à peu près du même niveau dans le groupe, et la course a été si dure que personne ne pouvait produire l’effort supplémentaire dans le final, confiait Stefan. C’était une course très difficile jusqu’au bout. J’ai donné mon meilleur mais je n’ai rien pu faire pour suivre Pogacar et Van der Poel. Ils étaient juste un niveau au-dessus et on était tous un peu cuit derrière ».
« On est à notre place », Frédéric Guesdon
Dans les douze derniers kilomètres menant vers Audernarde, Tadej Pogacar a donc consolidé sa victoire, Mathieu van der Poel sa deuxième place, alors que le groupe de poursuite a continué à collaborer jusqu’à la flamme rouge. Tout s’est finalement résumé à un sprint pour les places restantes dans le top-10, et Stefan Küng s’est farouchement battu pour accrocher la sixième position du jour. « On était venu chercher le meilleur résultat possible, concluait Frédéric. C’est dommage que Valentin soit tombé malade, mais sixième, ce n’est quand même pas mal. On n’a pas trop de regrets. Tout le monde marchait bien dans l’équipe et on est à notre place ». Dans un Tour des Flandres à la moyenne horaire record (44 km/h) et après plus de cent bornes en tête de course, Stefan Küng a obtenu son deuxième top-10 sur les Flandriennes 2023 (6e à l’E3 Saxo Classic) alors que son épreuve fétiche est encore à venir. « Stefan réalise une bonne campagne de Classiques, assure Frédéric. C’était difficile de faire mieux que l’année dernière, mais on fait quasiment aussi bien. Il reste encore Paris-Roubaix où on espère améliorer le classement de l’année dernière (3e). Il est bien en forme, donc on peut être confiants ».
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