La campagne des Classiques pavées arrivait à son terme ce dimanche, sur la Reine d’entre elles. En réussite ces dernières années sur Paris-Roubaix, l’Équipe cycliste Groupama-FDJ espérait bien remettre le couvert cette saison. Après 259 kilomètres, dont 55,7 sur les pavés, elle y est tout à fait parvenue en plaçant à la fois Stefan Küng et Laurence Pithie dans le top-10. Sur le vélodrome, le Suisse a obtenu la cinquième place, soit son troisième top-5 de suite dans l’Enfer du Nord. Pour sa première participation, le Néo-Zélandais s’est lui offert une épatante septième place, alors qu’une chute l’a privé de la bataille pour le podium. Mathieu van der Poel s’est adjugé cette édition 2024, la plus rapide de l’histoire.
Les coureurs avaient rendez-vous avec l’Enfer du Nord peu après 11 heures, ce dimanche 7 avril, pour la 121ème édition du Monument français. Se dressaient devant eux près de 260 kilomètres (fictif exclu) mais surtout vingt-neuf secteurs pavés dont les mythiques et terrifiants passages d’Arenberg, Mons-en-Pévèle et Carrefour de l’Arbre. Avant cela, près de cent kilomètres sur le bitume étaient à parcourir, mais ils n’ont en rien été une partie de plaisir. L’échappée a eu du mal à se détacher alors que Clément Davy était pris dans une chute après quarante kilomètres. Sept hommes sont finalement parvenus à prendre un temps d’avance sur le peloton, mais leur avantage était d’à peine plus d’une minute au moment d’attaquer le premier secteur à Troisvilles. « Avec le vent de dos, on savait que ça allait partir très vite et que ça allait rouler toute la journée, indiquait Frédéric Guesdon. En revanche, on a été surpris qu’il y ait beaucoup de cassures dès les premiers secteurs. La course s’est lancée très tôt ». Après à peine trois secteurs, un peloton d’une quarantaine d’unités s’est ainsi détaché du reste de la concurrence. « Les mecs ont fait le boulot pour placer nos leaders dans les premiers secteurs, reprenait Frédéric. C’est ce qui leur a permis d’être devant. On avait nos trois meilleures cartes avec Stefan, Laurence et Lewis. C’était quasiment parfait. Ensuite, il fallait aller jusqu’à Arenberg sans encombre, puis on savait que c’était la jambe qui allait parler ».
« J’ai certainement laissé des cartouches », Stefan Küng
Le premier peloton s’est même réduit à une trentaine d’unités avant d’atteindre la fameuse Trouée d’Arenberg, à 95 kilomètres du terme. Lewis Askey s’est démené pour placer ses coéquipiers avant la chicane mise en place à l’entrée du secteur, permettant à Stefan Küng et Laurence Pithie d’entamer la Trouée dans les toutes premières positions. Mathieu van der Poel a lancé la première estocade, et les leaders de la Groupama-FDJ ont cédé quelques mètres avant d’opérer la jonction dans les kilomètres suivants. À peine rentré, Laurence Pithie a tenté d’accélérer, sans succès, au contraire de Stefan Küng, qui a pris les devants avec Nils Politt et Gianni Vermeersch. « Le but était de lire la course du mieux possible, ce qui n’est jamais évident, confiait Frédéric. Il fallait suivre les coups, sans se découvrir trop tôt. L’idéal était de sortir avec un Alpecin-Deceuninck et un Lidl-Trek pour ne pas qu’ils roulent derrière. Quand Stefan est sorti, ce n’était pas un mauvais coup, mais il n’y avait pas de Lidl-Trek et ce sont eux qui ont roulé derrière ». Avec le seul soutien de Politt en tête, le coureur helvète a compté jusqu’à quarante secondes d’avance, mais leur aventure a pris fin à 68 bornes du terme, après quasiment vingt kilomètres d’escapade. « Je suis passé à l’offensive tôt, peut-être trop tôt, mais on ne sait jamais, disait Stefan. J’y ai certainement laissé des cartouches qui m’ont manqué à la fin ».
« Une erreur stupide a ruiné ma course », Laurence Pithie
En revanche, le premier groupe ne comptait plus qu’une vingtaine d’hommes, dont les deux représentants de la Groupama-FDJ, à l’approche d’Orchies. Après une nouvelle sélection par l’arrière, c’est par l’avant que tout s’est éclairci à soixante kilomètres du but, dans le seizième secteur de la journée. Le champion du monde a placé un démarrage supersonique et s’est immédiatement envolé. « Avec Pedersen, on n’était pas loin quand il a accéléré, mais on n’a pas pu suivre, et derrière il a encore creusé alors qu’on roulait, témoignait Stefan. Face à lui, il n’y avait rien à faire ». L’écart avec le Néerlandais est rapidement devenu trop conséquent, et la bagarre pour le podium s’est lancée dans le secteur de Mons-en-Pévèle, à 48 kilomètres du terme. Cinq hommes ont alors réussi à se détacher, dont Pedersen, Philipsen, Politt… et les deux protégés de Frédéric Guesdon. « Quand j’ai vu Stefan et les trois autres devant à Mons-en-Pévèle, je savais que je devais faire l’effort pour revenir aussi vite que possible, afin qu’on puisse jouer nos cartes dans le final », disait Laurence Pithie. Le quintet a ainsi collaboré, à l’exception de Philipsen, pour repousser le reste des adversaires. Le trou sur le groupe suivant s’est clairement établi à environ trente bornes de la ligne, mais quelques instants plus tard, les cartes ont malheureusement été rebattues pour la Groupama-FDJ.
À l’entrée du secteur de Templeuve, Laurence Pithie a chuté alors qu’il emmenait le groupe de poursuite. « Je suis arrivé trop vite dans un virage en gravier, expliquait-il. Je l’ai mal jugé et ça m’a éjecté du groupe. C’est une erreur stupide qui a ruiné ma course. Je suis reparti et j’ai roulé aussi vite que possible pour revenir, mais quand Pedersen et Politt se relaient devant, c’est compliqué. Le plan était d’être en supériorité devant et c’était le cas. Malheureusement, on n’a jamais pu exploiter cette situation à cause de ma chute ». Bien que rapidement de retour sur sa selle, le Néo-Zélandais n’a jamais pu rentrer et a au contraire retrouvé la compagnie de Vermeersch à un troisième échelon. « On croyait au podium, mais on a perdu une bonne carte quand Laurence est tombé, confirmait Frédéric. Ensuite, le podium restait jouable, mais avec des coureurs rapides comme Philipsen et Pedersen, il fallait que Stefan les lâche. Malheureusement, ça a été l’inverse ». Dans le Carrefour de l’Arbre, à onze kilomètres du but, le spécialiste du contre-la-montre a vu ses espoirs s’envoler. « J’étais complètement vidé dans le final, je ne pouvais plus suivre, confessait-il. C’est un peu dommage. C’était un coup dur, mais je me suis dit je n’avais pas fait toute cette journée pour rien ». Isolé dans les dix derniers kilomètres, Stefan Küng est revenu à quelques secondes du trio à l’approche du vélodrome de Roubaix, avant de s’octroyer une très solide cinquième place. « Ce n’est certes pas un podium, mais ça reste un top-5 et j’ai donné mon maximum », confiait-il.
« C’est bien de finir sur une bonne note », Frédéric Guesdon
Quelques secondes plus tard, son jeune coéquipier Laurence Pithie en a terminé en septième position, juste derrière Vermeersch, avec une certaine amertume. « Quand j’y repenserai, je serai content de ma septième place, mais je pense que j’aurais pu me battre pour le podium, expliquait-il. J’avais de très bonnes jambes, et à chaud, c’est vraiment une déception ». « On espérait un très bon résultat de Stefan car c’est une course qui lui convient, on savait qu’il était en forme et c’était très ouvert derrière Van der Poel, ajoutait Frédéric. Mais je n’aurais pas parié sur la septième place de Laurence. Il m’épate de course en course. C’était son premier Roubaix chez les pros et il était là dans le final. Et s’il n’était pas tombé, le podium était jouable. Pour nous, c’est un Paris-Roubaix satisfaisant. On avait jusque-là réalisé une bonne campagne de Classiques sans vraiment conclure. C’est bien de finir sur une bonne note, surtout sur Paris-Roubaix, qui est un Monument qui compte vraiment pour nous. En mettre deux dans les dix, c’est parfait ».