Rudy Molard est un coureur polyvalent. Capable d’être un super équipier dans le groupe de Thibaut Pinot comme dans celui d’Arnaud Démare. Une telle compétence n’est pas si fréquente et le coureur originaire de la région lyonnaise, installé à Nice depuis sept ans, a mis moins d’une saison pour être considéré comme une valeur sûre de l’équipe Groupama-FDJ. Après avoir fini troisième du Tour de Provence et du Tour du Haut-Var en février, il dispute Paris-Nice à partir de dimanche pour retrouver le niveau World Tour qu’il affectionne.
Rudy, tu es membre de cette équipe depuis l’an dernier mais c’est comme si tu en avais toujours fait partie ?
C’est vrai que dès le premier stage j’ai été à l’aise. J’avais mes repères avec Julien Pinot que j’avais connu quand j’étais au CC Etupes et j’étais content de le retrouver. Mon impression s’était confirmée dès mes premières courses en février, je me sens bien dans cette équipe.
Qu’as tu pensé de ta première année ?
Travailler pour des leaders qui gagnent, je ne l’avais pas vécu avant. Favoriser les victoires d’étapes d’Arnaud Démare dans Paris-Nice et le Tour de France, de Thibaut Pinot dans le Giro, c’était top.
Mais ce ne doit pas être évident de passer du groupe des coureurs de classiques à celui des grimpeurs ?
Pour moi, passer d’un groupe à l’autre, ça se fait naturellement. Ma force est d’être à l’aise sur tous les terrains, de pouvoir épauler un sprinteur ou un grimpeur. Mon rôle est davantage d’être avec Thibaut mais j’ai l’avantage de bien connaître Arnaud. Quand il est devenu champion du monde espoirs à Copenhague en 2011, j’étais en équipe de France avec lui. On se connait bien. Après son titre, il avait offert une journée à Disneyland à ses équipiers pour fêter ça.
« J’aime les courses dures. »
Pour autant, ce n’est pas forcément évident d’intégrer un groupe de coureurs qui ne se quittent jamais ?
C’est vrai qu’en débutant Paris-Nice, je les connaissais peu. J’avais fait le stage du mois de janvier avec les grimpeurs. Dans la première étape l’an dernier, il y a eu une grosse baston dans le vent. Le lendemain aussi. J’ai été dans la première bordure le premier jour et puis encore deuxième jour, Arnaud était content, tout le monde était content. Je n’ai pas le gabarit pour les bordures mais j’aime bien l’exercice. Je dois dire aussi que je passe bien toutes les conditions météo, j’ai une bonne réponse musculaire au froid et à la pluie. J’aime les courses dures.
Après Paris-Nice, tu avais été bon dans les classiques ardennaises et tu as ensuite enchainé Tour d’Italie et Tour de France ?
Je me suis surpris en troisième semaine du Tour. J’avais commencé le Giro avec de la fatigue, je l’avais fini bien entamé. Dans la semaine suivante, j’ai appris que je ferais le Tour et j’ai eu un petit peu de stress. Il fallait vraiment que je gère bien le mois de juin. C’était la première fois que je disputais deux Grands Tours. Finalement, le Tour s’est mieux passé que ce que j’avais pensé. J’ai fini dans la même forme qu’en première semaine. Sans souffrir. Il m’a juste manqué de l’intensité en dernière heure de course. J’étais trop juste pour aller gagner. Pas pour m’échapper.
Ta saison s’était arrêtée là ?
Pas du tout, je suis allé jusqu’au Tour de Lombardie. J’aime toutes les courses, j’ai plusieurs fois prolongé ma saison jusqu’au Chrono des Herbiers. En fait, je ne sais pas arrêter mes saisons. La Lombardie avec Thibaut Pinot c’était le pied. Avec les années, je récupère de mieux en mieux en ayant des charges de travail plus importantes. Je dois dire aussi que j’ai peut-être eu la chance de tomber malade deux jours après l’arrivée du Tour et j’avais fait le mois d’août sans vélo. J’ai fini la saison en bonne forme.
« Je vais chercher toutes mes ressources et ça me fait progresser. »
Tu as trouvé un deuxième souffle en changeant d’équipe ?
Avec Cofidis, j’avais fini Liège-Bastogne-Liège à la seizième place ou deuxième d’une étape du Tour de Catalogne mais tout était axé autour de Nacer (Bouhanni), les autres coureurs on n’en parlait pas. Là, tout le monde est mis en avant. Je me connais mieux aussi. Changer d’entraîneur m’a fait du bien et travailler pour Thibaut m’a incité à aller plus loin dans l’effort. Je vais chercher toutes mes ressources et ça me fait progresser. Cette équipe me fait progresser.
Tu t’attendais à être opérationnel dès le mois de février cette saison ?
J’ai bien coupé cet hiver, j’ai fait un petit mois de décembre. L’idée est d’avoir le pic de forme en mars – avril mais je me suis senti de mieux en mieux en janvier.
« Voir Thibaut Pinot gagner une étape du Giro après avoir travaillé pour lui, émotionnellement c’est fort. »
Compte tenu de ce que tu montres sur ton vélo, la victoire ne te manque pas ?
C’est difficile de trouver ma place pour moi mais en signant pour cette équipe, je savais que je serai un équipier, à la base c’était pour épauler Thibaut mais finalement il m’arrive de le faire pour Arnaud. Quand on a des leaders comme ça, forcément les ambitions personnelles sont mises de coté. Quand j’ai ma chance, j’essaie d’en profiter. Après mes troisièmes places au Tour de Provence et dans le Haut-Var, je peux me poser des questions mais finalement, troisième c’est ma place. J’ai gagné une étape du Tour du Limousin en 2015 et il me tarde de gagner une deuxième fois. Dans ma carrière j’ai fait dix podiums mais dans le vélo, c’est la victoire qui compte. Il faut de la réussite… La saison dernière j’ai enchainé les courses World Tour, cette année ce sera encore le cas. Je ne gagne pas mais je dois dire que voir Thibaut Pinot gagner une étape du Giro après avoir travaillé pour lui, émotionnellement c’est fort.
Tu as un gros programme mais tu ne penses pas à disputer des courses de Coupe de France pour retrouver le goût de la victoire ?
En 2017, j’ai totalisé 77 jours de course, je suis l’un des trois coureurs de l’équipe à avoir le plus couru. Sur 77 jours, il y en a eu 60 dans le World Tour. Je suis habitué à ce niveau. J’en ai discuté avec Amaël Moinard (Fortuneo-Samsic), on y prend goût. Ce sont les grandes courses, il y a la télé. Je ne suis pas rassasié, j’aimerais bien disputer le Tour des Flandres, j’aimerais bien faire Milan-San Remo aussi. J’aime tout le vélo. En travaillant sur le front Arnaud Démare, j’ai pris de l’expérience grâce à leurs conseils. Ce front-là me fait progresser aussi. Apprendre à rester placé, ça m’a aidé.
Comment abordes-tu Paris-Nice cette année ?
Je suis avec Arnaud mais je serai peut-être moins mis à contribution dans la préparation des sprints. Le but est que je réponde présent les trois derniers jours mais s’il y a un coup de main à donner, s’il y a le feu, je ferai le boulot. Je pense que l’étape de Vence, vendredi, est celle qui me convient le mieux. Je la connais pas cœur. Le samedi il y a l’ascension de La Colmiane, c’est long mais pas raide. Le dimanche, c’est l’étape habituelle.
« J’aimerais être à 100%, de mes capacités pour une bonne performance. »
Quel est ton programme après Paris-Nice ?
Je vais disputer le Tour du Pays-Basque et les classiques ardennaises. Je rentre dans ma bulle pour ces classiques. Avec l’équipe Groupama-FDJ nous avons un bon groupe mais c’est un moment particulier. Ça frotte, c’est dur, il faut être concentré, être à 100%. L’an dernier, nous avions fini à deux dans le Top 10 (Rudy avait fini huitième, David Gaudu neuvième). Cette année on va essayer de finir dans le Top 5. Dans Liège-Bastogne-Liège, l’objectif est de finir dans le Top 10. Je pense que l’Amstel Gold Race, c’est plus un truc pour Arthur Vichot et Anthony Roux. Ma classique préférée est Liège-Bastogne-Liège. J’aime bien le mur de Huy à l’arrivée de la Flèche Wallonne mais la course dure trois minutes…
Et ensuite tu vas t’atteler au Tour d’Italie ?
Ce n’est pas sûr. J’aimerais bien ne pas doubler deux Grands Tours pour me concentrer sur un des deux. J’aimerais être à 100%, de mes capacités pour une bonne performance. C’est dur de faire les classiques et le Giro.
Par Gilles Le Roc’h
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