Il n’était pas le plus attendu, mais au bout du long-faux plat d’arrivée sur le Grand Prix de Québec, sa ténacité a payé. Comme un signe, huit mois après sa grave chute sur le Tour Down Under. Pour la toute première fois de sa carrière, ce vendredi, Rudy Molard s’est donc offert un podium d’envergure sur une Classique WorldTour, grâce à un sprint interminable et tout en résistaance sur le premier acte canadien remporté par Michael Matthews. Il s’agit du premier podium de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ à Québec depuis Anthony Roux en 2016 (3e).
Sur les rives du fleuve Saint-Laurent, aucune nouveauté n’attendait les coureurs vendredi pour la treizième édition du Grand Prix de Québec. Le traditionnel circuit de 12,6 kilomètres, incluant les courtes mais explosives côtes de la Montagne, de la Potasse et de la Fabrique, était reconduit, avant le dernier kilomètre en faux-plat montant sur « la Grande Allée ». Un tracé à couvrir seize fois, généralement favorable aux puncheurs-sprinteurs, et sur lequel une échappée de six hommes a rapidement pris les devants. Frank van den Broek, Artem Shmidt, Félix Hamel, Jonas Walton, Antonio Polga et Filippo Ridolfo ont cumulé jusqu’à six minutes, puis à l’approche du final, le groupe de tête s’est résumé aux deux premiers cités. Le peloton a quant à lui sereinement géré la chasse, puis éteint une première agitation à une soixantaine de kilomètres de l’arrivée. À deux tours du terme, le paquet demeurait ainsi relativement conséquent, Matteo Jorgenson a ensuite tenté un solo dans l’ultime boucle, mais la meute était à ses trousses au moment d’aborder les ultimes bosses. « On misait sur Romain et Valentin, mais on a eu un souci à deux tours de l’arrivée quand ça a commencé à rouler, racontait Yvon Caër. Romain a dû changer de vélo sur crevaison et ça nous a un peu désorganisés. Olivier et Clément l’ont repositionné, mais sans doute un peu précipitamment. Finalement, quand ça a attaqué dans la dernière ascension, Romain et Valentin n’étaient pas suffisamment bien placés au virage. En revanche, grâce à son expérience et à sa condition, Rudy a réussi à relativement bien se positionner ».
« Je me suis dit : vas-y, saisis ta chance », Rudy Molard
Les derniers coups de fusils ont été l’œuvre de Julian Alaphilippe et Tadej Pogacar, un groupe de six hommes s’est légèrement détaché, mais les derniers hectomètres ont vu un regroupement s’opérer, et un sprint se profiler, comme souvent. « Il n’y a pas eu beaucoup de temps morts, expliquait Rudy. UAE a imprimé un gros rythme pour fatiguer tout le monde et au final, ça a été à mon avantage, car ça a un peu fatigué les purs sprinteurs. Je sais que je peux être rapide sur ce genre d’arrivée, mais l’objectif était d’emmener Romain. Je devais me préserver pour être le dernier lanceur, mais quand je me suis retourné au kilomètre, je ne l’ai pas vu. À 800 mètres, j’ai encore jeté un coup d’œil, et je ne voyais pas remonter. Entre-temps, ça s’est ouvert devant moi et je me suis dit : vas-y, saisis ta chance, et au pire il reviendra un peu plus tard dans le sprint. Une fois lancé, j’ai tout donné jusqu’à la ligne ». En prenant l’initiative de démarrer tôt, le puncheur français de 34 ans s’est immédiatement installé dans les premières positions, et il ne les a plus abandonnées. Un temps au contact de Michael Matthews, il s’est finalement doté d’une superbe troisième place sur la ligne. « Il a livré un sprint de très haut niveau, saluait Yvon Caër. Il a eu une très grande intelligence dans le final, en se disant que c’était à Romain de remonter, et non pas à lui d’aller le chercher. Quand il a vu que ça devenait compliqué vu la dynamique du peloton, il a pris l’initiative de faire le sprint. Les grands coureurs savent prendre de bonnes décisions et se manifester quand il le faut ».
« Une vraie leçon d’abnégation, de patience et de travail », Yvon Caër
Après treize ans dans le peloton professionnel, et deux petites semaines après avoir accueilli son premier enfant, Rudy Molard a ainsi conquis son premier podium dans une Classique WorldTour, dans une année pour autant loin d’être linéaire. « Ce résultat se range dans le top-5 de mes performances derrière la victoire à Paris-Nice et mes deux maillots rouge à la Vuelta, avançait-il. Me retrouver à côté des meilleurs sprinteurs du monde dans ce genre d’arrivée, ça classe ma performance. Je suis un peu surpris, mais j’éprouve aussi beaucoup de satisfaction. Je reviens de loin avec ce début de saison compliqué et cette chute au Tour Down Under. J’ai mis plus de trois mois à revenir et c’est une belle revanche sur ce qu’il s’est passé. Je me sens de nouveau à 100%, c’est derrière moi une bonne fois pour toute, et je veux juste profiter. Être capable de finir sur le podium ici, sur une Classique WorldTour, c’est beaucoup de plaisir ». « Je tiens à souligner qu’il n’a pas couru depuis huit semaines, à l’exception de Hambourg la semaine dernière, ajoutait Yvon. C’est vraiment un exemple car il s’est entraîné pour arriver au niveau WorldTour et il est immédiatement opérationnel. Chapeau à lui. On repense aussi à son début de saison, lors duquel il a été sacrément handicapé par cette chute. Il n’a jamais rien lâché mentalement. C’est une vraie leçon d’abnégation, de patience et de travail ».
Romain Grégoire s’est également hissé dans le top-20 (19e) de ce premier round canadien, en espérant que le second dimanche à Montréal sera d’aussi bonne facture pour l’Équipe cycliste Groupama-FDJ. « Sur le papier, ça nous correspond mieux, concluait Yvon. On est en grande confiance, Romain et Valentin seront sans doute un peu revanchards, et Rudy peut également aller chercher une bonne performance avec la confiance et la forme qu’il tient ».