C’est une édition de la Flèche Wallonne qui restera dans les annales. En direction du Mur de Huy, emprunté à quatre reprises ce mercredi, les coureurs ont enduré des conditions abominables. La pluie, la grêle, le froid, et même la neige se sont invités en Belgique, le tout conduisant à un scénario bien plus débridé qu’à l’accoutumée. Bien représentée dans la deuxième partie de course, l’Équipe cycliste Groupama-FDJ a pu encore compter sur Romain Grégoire et Valentin Madouas dans l’ascension finale du Mur de Huy, où tout s’est décidé. Le Franc-Comtois s’est arraché pour entrer dans le top-10 (7e) pour sa première participation tandis que le champion de France a pris la 15e place. Dernier rendez-vous « ardennais » dimanche, avec Liège-Bastogne-Liège.
C’est un tout nouveau parcours qui était proposé aux coureurs ce mercredi sur la 88ème Flèche Wallonne. Avec le retrait de la côte de Cherave, le circuit final se résumait « simplement » aux ascensions de la côte d’Ereffe (2,2 km à 5,4%) et du Mur de Huy (1,3 km à 9,8%), mais il était en revanche à boucler à quatre reprises. Si le tracé semblait plus abordable sur le papier, la course s’annonçait plus délicate cette année en raison de prévisions météorologiques menaçantes. « Dans les 80 premiers kilomètres, on en est venus à se dire qu’on avait de la chance de ne pas avoir pris la pluie, souriait Romain Grégoire. On a même eu un petit bout de soleil ». Lilian Calmejane, Alan Jousseaume, Igor Chzhan, James Whelan, Johan Meens et Txomin Juaristi ont mis à profit ce début de course clément pour prendre quatre minutes d’avance, mais les choses ont pris un tout autre tournant après deux heures de course. « C’est tombé d’un coup, à l’entrée du circuit, relatait Benoît Vaugrenard. En l’espace de cinq kilomètres, on est passé de 11 à 2 degrés. C’est devenu dantesque. On savait qu’il allait pleuvoir. Ce qu’on n’imaginait pas, c’est la grêle et la neige ». À plus de cent kilomètres du terme, le peloton s’est ainsi retrouvé assailli par les éléments. « On s’attendait à de la pluie, et on avait tout prévu pour, mais prendre de la grêle et de la neige aussi violemment et subitement, ça a surpris tout le monde, moi le premier », confiait Valentin. « Franchement, c’était incroyable », tranchait Romain Grégoire.
« On voulait se lancer dans le match assez tôt », Benoît Vaugrenard
Il a dès lors fallu composer avec ce nouveau facteur. « Je ne pense pas que beaucoup de coureurs aient bien géré la chose aujourd’hui, ajoutait le jeune Bisontin. Pour ma part, j’ai payé l’inexpérience. Je suis parti bien habillé, au final j’ai eu trop chaud pendant deux heures. Puis je me suis déshabillé avant le circuit en me disant que ça allait faire la bagarre et je me suis retrouvé frigorifié ». « C’était une histoire de couches, ajoutait Benoît. Beaucoup se sont fait avoir, comme l’équipe UAE qui s’est déshabillée pour faire la course. Au final, ils se sont tous arrêtés sur le bord de la route. Beaucoup ont été piégés par cette météo ». « Couvrir les extrémités c’est le plus important pour pouvoir garder la chaleur », abondait Valentin Madouas. Cela a notamment été fatal à David Gaudu à plus de 70 kilomètres du but. « Ça a été très compliqué pour ceux qui ont gardé les gants courts, comme David, indiquait Benoît. Il était transi de froid ». Alors que le Breton devait, comme beaucoup de grands favoris, se résoudre à laisser filer le peloton, ses coéquipiers prenaient la tête des opérations. « On voulait se lancer dans le match assez tôt s’il pleuvait, car on savait que ça allait être une hécatombe, reprenait Benoît. Dès qu’il pleut ici, c’est glacial. Quitte à sacrifier des mecs, il fallait absolument être aux avant-postes, car on voyait qu’on perdait des grappes de trente mecs dans les descentes. Je pense qu’on a bien fait. On a sauvé quelques coureurs de cette manière. Ça nous a permis d’aller assez loin dans la course, d’avoir des équipiers. C’était une bonne chose ».
« C’était de la survie », Benoît Vaugrenard
À la suite des relais de Clément Russo et Lorenzo Germani, Rémy Rochas a opéré la sélection dans la deuxième des quatre ascensions du Mur de Huy. Au sommet, son coéquipier champion de France a lancé les hostilités. « J’ai été acteur à deux tours de l’arrivée, se satisfaisait le Breton. Ce sont des cartouches que j’ai peut-être laissées à ce moment-là, mais je me sentais bien et j’avais encore de la marge ». Il a d’ailleurs retenté par la suite, mais c’est finalement Soren Kragh Andersen qui s’est détaché seul d’un premier peloton d’une trentaine d’unités. Le Danois a peu à peu fait le trou alors que Quentin Pacher opérait son retour, tout comme Romain Grégoire à quarante-cinq kilomètres du but au prix d’un bel effort. « Pendant deux tours, je ne pouvais rien faire, signifiait le jeune homme. Après avoir pété dans le Mur de Huy, j’ai réussi à récupérer une veste à la voiture, et à partir de là, ça allait un peu mieux. Mais on s’est davantage battus contre le froid que contre les autres aujourd’hui ». « Ça s’est fait au courage, confirmait Benoît. C’était de la survie. Romain était congelé, mais il s’est vraiment bien battu avec Lorenzo et ils sont rentrés. Bravo à eux ». À l’entame de l’avant-dernière ascension du Mur de Huy, l’Équipe cycliste Groupama-FDJ disposait donc de cinq coureurs dans un peloton réduit à peau de chagrin. Néanmoins, aucun d’eux n’a pu accompagner les offensives au plus dur de la pente, et un dangereux quintet s’est donc intercalé pendant quinze kilomètres dans le dernier tour.
« Rendez-vous est pris pour les prochaines années », Romain Grégoire
La jonction avec l’homme de tête a été opérée peu après, dans la côte d’Ereffe, et malgré quelques accélérations, le peloton est demeuré compact pour filer vers l’ultime ascension du Mur de Huy. Seuls trente coureurs étaient encore en lice, dont Valentin Madouas et Romain Grégoire. Avant les 1300 derniers mètres à 9,3% et les pentes à plus de 20%, les deux hommes ont tenté de se positionner pour la bagarre finale. « J’étais vraiment en mode diesel dans la dernière montée, expliquait Romain. J’avais tellement froid aux pieds que j’avais du mal à faire mon effort. Plus on avançait dans les ascensions, plus je me réchauffais et mieux ça allait, mais de fait, je n’étais pas très bien placé au pied donc il n’était pas possible de jouer tout devant ». En deuxième rideau avec son coéquipier lorsque Stephen Williams a posé son accélération décisive à 300 mètres, Romain Grégoire s’est arraché pour rejoindre le sommet le plus rapidement possible. Sur la ligne, cela s’est concrétisé par une septième place. « Quand je me dis que j’ai pété au premier passage du Mur, ce n’est pas mal, souriait-il. Au vu des conditions, c’est un bel accessit. C’est une bosse que je ne connaissais pas mais qui me plait vraiment. J’ai presque des regrets de ne pas avoir pu faire mon effort maximal car je me suis plus battu contre les conditions que contre le Mur. Mais rendez-vous est pris pour les prochaines années ».
Valentin Madouas a lui davantage souffert et pris la 15e place. « Dans le dernier tour, j’ai senti que ça m’avait lâché complètement, disait-il. Je n’avais plus d’énergie. Je me suis battu avec ce que j’avais ». « Je suis satisfait, concluait Benoît. On était dans le match, dans la course. On était encore quasiment au complet quand beaucoup d’équipes n’avaient plus personne ou presque. On s’est battus, et l’équipe a été aux avant-postes ». Ce qu’elle tentera de reproduire dimanche, sur la Doyenne.
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