Il en avait fait l’un de ses principaux objectifs de 2024. Après cinq victoires lors de sa première année professionnelle, Romain Grégoire aspirait à un succès au niveau WorldTour cette année. Après trois mois de compétition, le jeune Franc-Comtois a rempli sa mission, ce vendredi, lors de la cinquième étape du Tour du Pays Basque. Au terme d’une journée très rapide et très bosselée, le coureur de 21 ans a, de justesse, réglé un groupe d’une trentaine de coureurs au sprint avec le soutien décisif de Quentin Pacher. Désormais « libéré » d’un poids, il abordera demain l’ultime étape de l’épreuve espagnole en cinquième position du général.
La première heure de course, couverte à 54 km/h de moyenne, a d’emblée donné le ton de la cinquième étape sur les routes basques, ce vendredi. Le peloton avait décidé de bagarrer, et cela a donné lieu à une journée sans répit. « C’était très très rapide, lançait Benoît Vaugrenard. On est alors arrivés au kilomètre 80 dans une première ascension vraiment difficile, de cinq kilomètres à 10%, ça a commencé à exploser et certains leaders ont attaqué ». « C’est le type d’étape dont on n’a pas trop l’habitude, ajoutait Romain. Ça a roulé vraiment vite toute la journée, il n’y a jamais vraiment eu d’échappées. Cette difficulté en milieu d’étape a aussi vraiment fatigué les organismes et on est arrivés sur le circuit final, qui n’était déjà pas facile, bien entamés ». Sortis en costauds, Sepp Kuss et Isaac del Toro ont été repris avant que le circuit final, long de vingt-six kilomètres et comportant la bosse de Muniketagaina (3,4 km à 7,3%), ne se présente pour la première fois. La bagarre s’est poursuivie dans cette difficulté, au sommet de laquelle Quentin Pacher parvenait à accompagner les accélérations. À l’issue de la descente, son groupe était revu, mais Rémy Rochas s’est alors glissé dans un nouveau coup avec quatre hommes dont Michal Kwiatkowski. « Quentin est sorti à un tour et demi de l’arrivée, puis Rémy a aussi pris un coup d’avance, confirmait Benoît. On voulait être offensifs et iIs ont fait une très belle course ».
« C’était du tableau noir », Benoît Vaugrenard
Rémy Rochas a pu entamer la dernière difficulté avec une petite marge sur le peloton, et a même été le dernier homme de « l’échappée » à résister au retour des cadors. À l’approche du sommet, les attaques ont fusé et seulement une vingtaine d’hommes a basculé vers les treize derniers kilomètres. Présent parmi ceux-ci, Romain Grégoire a été rejoint par Quentin Pacher quelques instants plus tard. « Il a vraiment fallu s’accrocher dans chaque bosse, disait le Franc-Comtois. Je n’avais pas mes meilleures jambes, donc c’était vraiment difficile. Mais une fois que j’ai basculé dans le dernier tour, je savais que j’avais ma chance ». « On avait imaginé que ça puisse se terminer par un sprint de 30 à 50 coureurs, ajoutait Benoît. Pour nous, moins ils étaient, mieux c’était. Heureusement, la vitesse a rendu la course très difficile ». Trente-quatre coureurs ont finalement émergé de l’ultime descente, avant que Brandon McNulty ne tente un raid solitaire. L’Américain a toutefois été repris avant les trois derniers kilomètres et un sprint s’est donc profilé. « Quentin m’a vraiment bien guidé dans le final, je lui ai fait 100% confiance dans les cinq derniers kilomètres et il m’a amené jusque dans les 500 derniers mètres », relatait Romain. « J’ai essayé de le placer et naviguer au mieux pour pouvoir le mettre dans les meilleures conditions dans le dernier kilomètre, ajoutait Quentin. Il y a eu une petite attaque à un kilomètre, j’ai suivi, puis j’ai essayé de déboucher au plus près possible dans le dernier virage pour pouvoir le déposer ».
À 500 mètres, l’Occitan a finalement franchi le dernier virage en quatrième position, avec le Franc-Comtois dans sa roue. « Ils ont super bien manœuvré, saluait Benoît. Il fallait virer dans les 4-5 premiers puis tout donner jusqu’à la ligne et ne pas se poser de questions. De ce point de vue, c’était du tableau noir. Ce qu’on avait décidé s’est produit. C’était un groupe de trente, ce qui était pour nous l’idéal. Mais il fallait encore conclure ». Dans les derniers hectomètres, Romain Grégoire s’est alors efforcé de finir le travail. De ses propres mots : « J’ai dit à Quentin de lancer quand il le pouvait, mais c’était un sprint compliqué. Je pense qu’on était tous à la limite. Schachmann avait un petit écart, donc je me suis battu jusqu’à la ligne ». Revenu à la hauteur de l’Allemand, le Franc-Comtois a jeté son vélo sur la ligne, tandis qu’Orluis Aular revenait à toute vitesse de l’arrière. Si bien qu’à l’arrivée, aucun coureur n’était sûr du résultat. « J’ai franchi la ligne en pensant avoir dépassé Schachmann à gauche mais je ne savais pas du tout par rapport à Aular, disait Romain. J’ai attendu deux-trois minutes, c’était très spécial. Puis, le cameraman est venu le premier pour me dire que c’était moi, mais je ne savais pas si je pouvais le croire à 100%. Puis tout le monde m’a dit que c’était bon, et là c’était l’explosion de joie. C’est assez particulier de savourer une victoire comme ça, mais ce n’est pas plus mal (sourires). On a pu partager ça tous ensemble ».
« Je fais du vélo pour gagner des courses », Romain Grégoire
Pour quelques centimètres, Romain Grégoire s’est alors offert son premier succès de l’année, Quentin Pacher terminant lui quatrième malgré son travail préalable. « Ça s’est joué à peu de choses, mais c’est suffisant », confiait ce dernier. « La télé a coupé à un kilomètre de l’arrivée, donc on a attendu, racontait pour sa part Benoît. Quand tu commences à entendre crier dans la radio, c’est plutôt bon signe. On a vu que la télé pointait Romain, Quentin m’a demandé dans l’oreillette si on avait des nouvelles, puis on a vu s’afficher ‘Romain Grégoire vainqueur’. À partir de ce moment-là, ce n’était que du bonheur ». Pour le premier concerné, ce bonheur était palpable dans ses premières confessions d’après-course. « Elle fait beaucoup de bien, je suis vraiment soulagé, disait-il d’emblée. Je me mets une grosse pression pour gagner des courses, c’est vraiment pour ça que je fais du vélo. Tant que la première victoire de l’année n’est pas arrivée, je suis un peu sous tension. Faire une saison blanche, c’est ma plus grande peur. Ça va me soulager d’un poids et me permettre de courir plus décomplexé pour les prochaines courses. C’est aussi ma première victoire dans le WorldTour, et ça compte forcément. C’était mon objectif de la saison, donc c’est cool de pouvoir le remplir. Je vais m’en souvenir ».
L’Équipe cycliste Groupama-FDJ a quant à elle obtenu son cinquième succès de la saison. « Relancer une bonne dynamique avec une victoire, ça fait le plus grand bien, et c’est toujours ce qu’on recherche », glissait Quentin. « On a eu beaucoup de malchance depuis le début de saison, on a plusieurs blessés, et ce Tour du Pays Basque était un peu à l’image de ce qu’on vivait, avec l’abandon de David dès le deuxième jour, resituait Romain. On a su se remobiliser. L’équipe m’a protégé et m’a fait confiance. Aujourd’hui, je les remercie de cette manière et ça nous relance un peu. Benoît nous disait que la marque des grandes équipes était de savoir se relancer après les coups durs, et c’est ce qu’on a fait aujourd’hui ». « On se demandait quand ça allait tourner, disait justement le directeur sportif du groupe. Aujourd’hui, ça nous sourit, et il faut profiter de ces moments-là. Ce n’est jamais évident de gagner dans le WorldTour, ou même de gagner en général. Après l’abandon de David, il a fallu repartir et j’ai senti immédiatement que l’équipe n’était en rien abattue. C’est un point hyper important. Ça montre qu’il ne faut rien lâcher. Parfois ça sourit, parfois non, mais il faut savoir être patient et se relever. C’est ce qui fait un peu la magie de ce sport. On espère maintenant repartir sur de bons rails, ici et sur les autres fronts ».
Sur le Tour du Pays Basque, la dernière étape samedi devrait largement faire évoluer le classement général, dont Romain Grégoire occupe désormais la cinquième place grâce aux bonifications engrangées. « L’étape de demain est un vrai chantier, une vraie étape pour grimpeurs et pour costauds, concluait le Bisontin. Je suis placé donc je vais essayer de m’accrocher le plus longtemps possible et je ferai les comptes demain soir. J’aimerais bien faire un bon classement général mais la semaine est de toute façon déjà réussie ».
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