Martial Gayant est un lieutenant de Marc Madiot, capital pour son équipe FDJ. Celui qui est notamment en charge du programme des coureurs représente fidélité (à son maillot, à ses amis, à ses valeurs) exigence et combat. De retour du stage de Calpe, il nous dit sa détermination pour 2016, accentuée par une année 2015 décevante. Et le moins qu’il puisse être dit est qu’il a le sourire !
Martial, il y a un an, à cette même époque, tu disais n’avoir pas de bonnes sensations, que tu ne sentais pas bien cette saison 2015 ?
Oui, dans mon regard, je regarde beaucoup les gens. Je le dis souvent, mon outil, c’est les jumelles. Et là, je n’avais pas eu besoin de prendre des jumelles, j’avais ressenti rapidement du malaise, dans le travail notamment. Je trouvais qu’on allait trop vite, qu’on ne respectait pas les bases en terme de cohésion, dans l’envie de faire quelque chose ensemble, je trouvais des groupes qui se formaient, comme partout, mais sans réel objectif et comme si on ne se demandait pas vraiment toujours comment réussir notre mission par le résultat. Je voyais les coureurs partir avec un fusil mais en oubliant la baïonnette et les balles. Ils allaient à leur perte. Je l’avais ressenti rapidement parce que je sentais des garçons perdus, malgré le bon travail effectué lors des deux stages de Calpe. Et puis surtout parce que les résultats n’arrivaient pas.
Ce fut une année difficile ?
Oui, pour tout le monde. Le succès des deux années précédentes (30 victoires en 2013 et 2014) nous avait un peu grisés. Nous voulions que ça perdure, faire évoluer l’équipe en allant plus loin dans les performances mais l’ascenseur s’est arrêté totalement en début de saison et on n’a pas trouvé le dépanneur pour monter d’un étage. On est resté à cet étage. Tout le monde cherchait les fautes, personne ne trouvait les réponses mais la clé c’était quand même eux, les coureurs, qui l’avaient.
Heureusement il y a eu Thibaut Pinot en 2015 ?
Oui mais je pense que ça n’a pas été facile pour lui non plus. Tirer à lui seul 30 coureurs, ça fait du poids. Je pense que ça l’a enrichi de se trouver seul face aux difficultés de l’équipe, de réussir et d’emmener les éléments qu’il avait près de lui à un bon niveau à chaque fois. Il s’est construit un palmarès et une place dans le Top 10 mondial. Chapeau !
Alors cette année, quelles sont tes sensations ?
Depuis nos entretiens de fin d’année qui ont duré cinq jours en octobre, il y a une vraie remise en question de chacun. On a posé le pourquoi, le comment, on a fait une autocritique et ce n’est pas forcément facile à accepter pour chaque membre de l’encadrement et pour chaque coureur. Il faut oublier cette saison. Repartir au travail. Certains mettent leur égo de côté puisqu’ils n’ont rien gagné. Il faut ouvrir plus les perspectives de toute l’équipe et non pas d’un petit noyau qui a fait le défaut d’un collectif de 30 coureurs. La force cette année est d’avoir fait venir des étrangers, ça va changer le paysage, ça va être de nouvelles étoiles. Les « vieux » ne les connaissent pas et s’ils marchent assez rapidement, ils vont avoir une place solide dans l’équipe qui s’exprimera par le talent de chacun des 30.
Aujourd’hui cette vraie remise en cause est palpable. Thibaut veut confirmer, Arthur Vichot se reconstruire, Arnaud Démare a le couteau entre les dents. Les équipiers ?
Déjà, au premier regard en les voyant arriver à Calpe, je peux dire qu’ils ont tous un corps d’athlète. Un corps de haut niveau. D’avoir fait les entretiens personnalisés en octobre les a conditionnés. Ils se sont dit « même si la saison s’arrête, je n’ai pas le temps de profiter. Mon bulletin de notes a été tellement mauvais que pendant les vacances il va falloir réviser ». Réviser en l’occurrence, c’est le travail, l’alimentation, le conditionnement pour être performant dès le premier stage, savoir donner raison aux entraîneurs au cours des tests. Là ça parle. On ne va pas faire cocorico parce que toutes les équipes étaient en Espagne et je suis sûr que les résultats des tests chez Astana ou Cofidis sont les mêmes. Il faudra passer les deux premiers mois. Fin mars, je saurai où on va. Si les résultats ont été bons d’entrée, on va faire une bonne saison. Si on se cherche sans se trouver à travers les résultats et le collectif, on va ramer. Et on se rattachera à Thibaut dans ces courses. Et bien il n’en est pas question ! Tous les ans, ça ne peut pas rigoler.
Il y a eu d’autres motifs de satisfaction quand même ?
Beaucoup de gens me parlent du Tour d’Italie où nous étions partis avec des coureurs avec un collectif incertain. Chaque coureur avait son petit sac de misères, ses problèmes. On s’est retrouvé au départ avec un contre la montre par équipes réussi et un Alex Géniez qui avait la condition pour faire un Grand Tour et réussir un Top 10. Les autres ont été poussés. Avec Fred Guesdon on a eu les phrases, l’implication et un bon leader. Le discours était facile et les a aidés mais on ne peut pas faire ça tous les ans. C’est comme la chansonnette, la première fois la chanson les étonne mais toutes les semaines la même chanson, ce n’est pas utile. Ca ne marche pas. Ils ne t’écoutent même plus et tu chantes pour les murs. Donc on doit trouver un modèle convaincant qui ne donne pas besoin de hausser le ton pour qu’ils progressent. La course n’est pas faite pour progresser mais pour obtenir un résultat. On ne s’entraine pas sur la course.
Dans l’optique actuelle où tout se passe bien, que peut-on attendre de cette saison ?
Déjà, je suis certain qu’Arthur Vichot va marcher fort. Pour Arnaud Démare, c’est la dynamique qui compte. Il y a tellement de garçons qui ont bien travaillé cet hiver que dès Bessèges avec lui ça peut marcher. Avant il y a le Trophée de Majorque avec d’autres pour obtenir des résultats. Ce ne serait pas mal de gagner en Espagne pour lancer Bessèges. En Espagne, mais c’est vrai aussi, déjà, pour le groupe du Tour Down Under, on donne une idée de nos compétences. De ce qui s’est fait durant l’hiver. Il faut que les coureurs engagés dans ces courses fassent dire aux collègues qui les regardent qu’il est urgent d’avoir un résultat à leur tour. Sous peine d’être ridiculisés. Chaque groupe doit être compétitif et convaincant.
Pour le Trèfle, ce serait quoi de franchir un palier en 2016 ?
On ne va pas choisir. Je pense qu’il faut se lancer sur février, comme dans le football avec la première journée de championnat, pour trouver les automatismes. Les coureurs doivent apprendre à se connaître en course et pas seulement à l’entraînement ou en stage. Au bout d’un mois, il faut avoir trouvé les éléments majeurs. Laissons le temps au temps. On a besoin de 5 semaines avant de décider. Viens me voir dans 5 semaines…
Arnaud Démare le reconnaît, il a eu une carrière facile jusqu’en 2015 où il a mangé sa bouillie…
Ils ont tous mangé leur bouillie. Ses équipiers ne l’ont pas toujours aidés pour le remettre sur le bon rail. Compte tenu de leur maturité et de leur expérience, ils n’ont pas répondu présents avec leur leader. Ils n’ont pas toujours assumé. Ils ont pris les primes de victoires il y a deux ans mais n’ont pas su se remettre en question même s’ils le souhaitaient. La faute à un hiver où ils s’étaient un peu trop reposés sur leurs lauriers. Gagner les 4 Jours de Dunkerque et le Tour de Picardie, ça les contentait. Ces victoires ont un prix mais il faut passer la barre supérieure. Pour y arriver, il faut faire le job l’hiver. Ils l’ont fait cette année. Ils l’ont compris. Yoann Offredo, Johan Le Bon, et Mika Delage qui l’accompagnent dans les classiques sont super bien. Ils se tous remis en cause.
Martial, il y a des petits nouveaux cette année, comment vas-tu les appeler ?
Ignas Konovalovas, c’est déjà Kono. Il m’a fait marrer un jour en stage, il n’a pas cessé de me demander des pattes de fruits. Je lui ai dit qu’il va falloir trouver un fournisseur rien que pour lui. Les deux Norvégiens, ce sera par le prénom, Christian (Eiking) et Dani (Hoelgaard). Reichenbach, ce sera Seb. Oui il y en a déjà un avec Chavanel. Ben y’en aura deux… Attention, y’a intérêt à bien écrire son nom à Reichenbach… Il aime pas les fautes. Lui va accompagner Thibaut et c’est pas le groupe que je vais beaucoup coacher.
Combien de victoires peut-on envisager cette année ?
Non je ne veux pas dire ça… Je veux une cohésion de groupe. Que chacun ne tire pas de son côté parce que personne ne profitera de ce travail. Je veux de la sérénité. Bon, c’est un groupe qui peut aller chercher 25 victoires !
Ah tu l’as dit ?
Avec ses valeurs, c’est jouable !
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