Jusqu’au bout, Thibaut Pinot aura poursuivi sa quête. Désireux de sortir par la grande porte de son dernier Giro, le grimpeur franc-comtois a de nouveau pris les devants ce jeudi vers Val di Zoldo, dans la dix-huitième étape, pour enfin cueillir le succès tant espéré. Et de nouveau, il est passé tout proche du but, à une place près. Dans le final, le coureur de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ s’est débarrassé de l’ensemble de ses concurrents échappés, à l’exception du champion d’Italie Filippo Zana. C’est encore un sprint qui a décidé de l’issue de l’étape, et Thibaut Pinot a dû s’incliner et se contenter de la deuxième place, comme à Crans-Montana. Déçu mais pas abattu, il a en revanche récupéré la « maglia azzurra » de meilleur grimpeur et s’est hissé au septième rang du classement général. Vendredi, place à l’étape reine du Giro vers les Tre Cime di Lavaredo.
Ce jeudi, un fameux triptyque dans les Dolomites débutait sur le Tour d’Italie. Avant une grande étape de montagne cumulant plus de 5400 mètres de dénivelé vers les Tre Cime di Lavaredo et un cronoscalata épouvantable sur le Monte Lussari, la dix-huitième étape faisait figure d’apéritif. Un apéritif malgré tout très corsé puisqu’incluant trois grandes ascensions et environ 4000 mètres de dénivelé positif vers Val di Zoldo. Ce n’est en revanche qu’après trente kilomètres que le peloton arrivait dans le vif du sujet, au pied du Passo della Crosetta. « On avait imaginé un départ très rapide avec beaucoup d’équipes motivées pour que la course se fasse jusqu’au pied du col, exposait Sébastien Joly. On avait décidé de relancer tout le temps un peu derrière, ce que les gars ont bien fait. Ça a permis d’arriver quasiment groupé au pied. On était bien dans le match dans la première partie de course et Thibaut a pu prendre la bonne échappée à la pédale ». « Pour espérer une victoire d’étape, il faut beaucoup de circonstances, reprenait le coureur de Melisey. La première d’entre elles, aujourd’hui, était que l’échappée ne parte pas avant le col. J’ai eu la chance que ça se déroule ainsi, puis c’était à mon tour d’entrer en jeu ». Très rapidement, Thibaut Pinot a affiché ses velléités dans la première ascension du jour, et on ne l’a d’ailleurs pas laissé faire. Le leader de la Groupama-FDJ a dû s’y reprendre à trois fois pour enfin prendre ses distances avec le peloton, en compagnie de Derek Gee, Marco Frigo (Israel-Premier Tech), Filippo Zana (Jayco-AlUla) et Aurélien Paret-Peintre (AG2R-Citroën).
« J’ai pris beaucoup de plaisir », Thibaut Pinot
Au sommet, il s’est octroyé la première position et quarante points pour le maillot de meilleur grimpeur, puis le groupe de tête a vu le retour de Warren Barguil (Arkéa-Samsic) et Vadim Pronskiy (Astana). « J’aurais aimé sortir avec Thibaut pour l’aider, mais on ne m’aurait pas laissé faire, il faut être réaliste, indiquait Bruno Armirail, septième du général ce jeudi matin. En haut du premier col, on n’était plus qu’une quinzaine dans le peloton. Ça a roulé très fort, puis ça s’est regroupé ». Derrière les sept échappés, le peloton s’est longtemps maintenu à tout juste deux minutes, avant de laisser le chronomètre défiler dans les cinquante kilomètres de plaine menant aux difficultés du final. « C’était une belle échappée, avec Warren, Aurélien, des mecs que j’apprécie et qui n’ont pas peur de faire des efforts, témoignait Thibaut. Même les coureurs qui étaient moins bien ou moins forts tournaient. Ça roulait sans se poser de question, c’est le vélo que j’aime. J’ai pris beaucoup de plaisir aujourd’hui ». Thibaut Pinot a même flirté avec le maillot rose virtuel à l’approche de l’avant-dernier col du jour, la Forcella Cibiana. Le peloton a toutefois mis en route derrière alors que l’échappée demeurait compacte et que le Franc-Comtois empochait quarante nouveaux points avant de basculer vers les deux ultimes bosses du jour.
En attaquant l’ascension de Coi à une quinzaine de kilomètres du but, Thibaut Pinot faisait encore face à cinq concurrents. Mais dans les rampes les plus abruptes, le grimpeur tricolore les a décrochés un à un. À l’exception de Filippo Zana. Le champion d’Italie a tenu sa roue jusqu’au sommet, et le duo a alors dévalé une courte descente avant l’ultime remontée de deux kilomètres vers la ligne d’arrivée. La bataille pour le général s’est enclenchée parmi les favoris, mais l’écart restait largement suffisant pour se disputer la victoire d’étape. Thibaut Pinot a brièvement testé son ultime adversaire, mais c’est ensemble qu’ils sont entrés dans le dernier kilomètre pour un sprint à deux décisif. Le Français a pris ses responsabilités à 200 mètres du but, mais à cinquante mètres de la ligne, l’ombre du champion d’Italie s’est hissée à sa hauteur, puis l’a dépassé. C’est ainsi que pour la deuxième fois en moins d’une semaine, Thibaut Pinot a dû se contenter d’une deuxième place d’étape. « Dans le sprint, je fais peut-être l’erreur de lancer d’un peu loin, mais j’ai quand même moins de regrets que la dernière fois, commentait-il à froid. Je n’étais pas dans une journée exceptionnelle, et pour gagner, il me faut être dans une très grande journée. J’étais dans une bonne journée mais il me manquait un petit truc pour lâcher Zana. Peut-être qu’avec plus de confiance, je lance d’un peu moins loin et ça peut le faire. Mais avec des si… Je perds encore au sprint, mais c’est un peu moins frustrant que vendredi. J’ai donné ce que j’avais ».
« Mon Giro n’est vraiment pas fini », Thibaut Pinot
Thibaut Pinot n’est d’ailleurs pas ressorti les mains complètement vides de cette nouvelle belle journée à l’avant. Malgré la déception certaine d’une nouvelle opportunité manquée, il pouvait se consoler avec la prise du maillot bleu de meilleur grimpeur et une remontée de six places au classement général (7e désormais, ndlr). C’est aussi la manière qui lui faisait esquisser un sourire. « Si on m’avait dit il y a deux jours que j’aurais pu rejouer une victoire d’étape sur le Giro, je n’y aurais pas cru, car je n’étais vraiment pas bien, expliquait-il. C’était important de pouvoir me battre pour une victoire d’étape. J’ai pris du plaisir aujourd’hui et je peux être fier de ma journée. Je reprends ce maillot bleu qui me représente bien et que je pense mériter ». Il faudra néanmoins ardemment le défendre vendredi dans une journée empruntant notamment deux cols de première catégorie et un col hors catégorie. « Je ferai le bilan samedi soir, pas avant, prévenait encore Thibaut. Demain, il reste une grosse étape de montagne, peut-être la plus dure du Giro. J’ai un maillot bleu à défendre, une belle place au général à aller chercher. À moi maintenant de bien récupérer et d’aller chercher un bon résultat. Mon Giro n’est vraiment pas fini ». Ce jeudi soir, Thibaut Pinot pointe à 4’43 du leader Geraint Thomas et à moins d’une minute du top-5. Bruno Armirail s’est quant à lui encore accroché dans cette dix-huitième étape et a simplement glissé au onzième rang du général. Le triptyque ne fait toutefois que commencer.
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