La malchance de Michaël Delage, sérieusement blessé dans une chute lors de la Cyclassics à Hambourg le 21 août, a fait le bonheur de Marc Sarreau. Le coureur de 23 ans, apprenti sprinteur depuis ses débuts professionnels il y a deux saisons, est devenu le lanceur d’Arnaud Démare. Certes sans que son leader ne parvienne à lever les bras mais en démontrant de vraies qualités de solidité et de justesse en course. Des qualités qui lui permettent d’obtenir sa première sélection au championnat du monde, dimanche à Doha. Il ne se résigne toutefois pas à tourner le dos à sa carrière de sprinteur.
Marc Sarreau, vous avez loupé la victoire d’Arnaud Démare à Binche ?
J’ai en effet fait l’impasse sur cette course belge pour disputer Paris-Bourges qui me tient à cœur. Plus on approche de l’arrivée à Bourges, plus on approche de chez moi. L’an dernier, j’y avais travaillé pour Arnaud. Ne pas être à Binche, c’était frustrant, parce que cette année, j’ai beaucoup couru et travaillé avec lui. J’en ai rigolé : ‘’je porte la poisse ou quoi ?’’ Non bien sûr, c’est le cyclisme. Arnaud marchait bien, il lui manquait confiance et réussite, notamment pendant l’Eneco Tour. Pour lui, gagner juste avant Doha, c’est un super timing.
Justement, toi aussi tu es du voyage de Doha ?
Je ne m’y attendais pas. Je n’y pensais même pas et puis avec la blessure de Mika (Delage) à Hambourg, j’ai tenu un rôle plus important dans le dispositif d’Arnaud. Ca s‘est bien passé, il est content de moi et a souhaité que je sois à côté de lui pour le Mondial.
Tu as déjà disputé un Championnat du Monde ?
Un championnat d’Europe sur route chez les espoirs en 2014, le Mondial sur piste chez les juniors, scratch et américaine, quelques années avant mais jamais le championnat du monde sur route. Je suis heureux, fier aussi de porter le maillot bleu.
Tu vas disputer ce Mondial dans quel état d’esprit ?
Sans me mettre de pression. Je l’ai bien préparé. La forme est bonne. J’ai un peu peur de la chaleur parce que cette année, il n’y en a pas eu beaucoup sur le vélo et quand il y en a eu, je n’ai pas aimé. En ce moment, on fait du travail pour ça, pour s’adapter mais j’ai hâte d’être au départ de cette course.
Cela permet de mieux pointer tes progrès cette année ?
Physiquement, c’est évident, j’ai passé un palier. Pourtant ma saison en terme de résultats est de l’ordre du néant. J’en suis frustré, j’avais eu une victoire et quelques places en 2015. Cette année, je n’ai pas eu souvent ma carte mais c’est bien de travailler pour Arnaud et de finir au Mondial. Quand même, si je finis l’année sans victoire, ce serait la première fois.
Comment expliques-tu que tu n’aies pas eu ta carte ?
J’ai souvent été sur le même front qu’Arnaud et fatalement, c’est lui le sprinteur. En fait, j’ai quelquefois eu ma carte mais ce n’est pas facile de prendre occasionnellement le rôle de leader et avec une équipe qui n’avait pas forcément confiance à 100%. Pour eux, je parle de mes équipiers, l’absence d’Arnaud donnait aussi l’occasion de se montrer. Dans le groupe, ça se passe bien mais c’est moins facile d’être aidé. Il y a plus de réticences que pour un leader affirmé. Le rôle de sprinteur n’est pas simple, ça s’apprend et ça se travaille. Gagner d’un coup ce n’est pas facile. Quand il y a dix sprints pour Arnaud, il y en a un pour moi et ce n’est pas évident.
Tu dis apprécier le rôle de lanceur ?
Oui, lancer, j’aime bien. C’est être presque sprinteur. Quand je dois faire mon effort, il y a encore des turbulences, il y a de la tension, on ne peut pas se louper, à ce moment précis, un détail fait la différence. Il y a la pression du risque à prendre en ayant compté sur le travail de mes équipiers avant. Arnaud a confiance en moi et c’est plaisant.
Cela signifie que tu ne veux pas t’enfermer dans un rôle de poisson-pilote ?
Je suis opérant dans ce rôle mais je ne veux pas m’enfermer dans une case. Je dois dire que ce job me plait et me donne des satisfactions mais j’aimerais avoir une saison à jouer ma carte. Pour ne pas avoir de regrets plus tard.
Le fait que l’équipe FDJ ait engagé Jacopo Guarnieri et Davide Cimolai pour renforcer le train d’Arnaud peut te donner aussi quelques opportunités ?
Dans les premiers temps ce ne sera pas forcément simple, Arnaud a des habitudes avec Mika et moi, il va donc lui falloir s’adapter à de nouveaux pilotes mais si ça se passe bien, ça peut en effet me libérer et me donner l’occasion d’avoir un autre programme de courses. Quand cette saison sera terminée, je vais aller au debriefing du staff mais de toute façon, ils ont conscience que ce n’est pas le moment de me laisser enfermé dans le ce rôle. J’ai montré que je suis capable d’aller vite, capable de m’exprimer.
Tu en parles avec Yvon Madiot ?
Non, avec Yvon on n’a pas abordé le sujet. On a vu que j’ai progressé mais le but est de rester concentré jusqu’au Mondial. Le bilan, on le fera plus tard, après la dernière échéance passée. J’ai signé deux ans et on verra ce qu’on attend de moi.
Comment te sens-tu aujourd’hui ?
Par le passé, souvent j’ai peiné à terminer mes saisons, je ressentais la fatigue, la forme était en dents de scie. Là, j’ai senti avant et pendant l’Eneco Tour que la forme était vraiment bonne. C’était une première pour moi. C’est lié au fait que j’ai une nouvelle saison chez les pros dans les jambes, avec de plus grosses courses et dans un rôle important. Je suis présent dans le final des courses. En 2015, je travaillais souvent le premier, c’était difficile de terminer. Cette année, j’ai fini beaucoup plus de courses, j’ai fait aussi des courses plus longues, j’ai abandonné dans le Giro après 15 jours. Une fois assimilé ces deux semaines, j’ai pu faire une bonne fin de saison.
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