La stratégie de formation de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ continue de monter en gamme. Après le lancement de l’équipe « Conti » en 2019, le programme juniors a vu le jour en 2021, et une nouvelle fonctionnalité viendra enrichir ce dernier la saison prochaine, pour la quatrième année d’existence du projet. Superviseur de celui-ci aux côtés de Benoît Vaugrenard, Joseph Berlin-Sémon nous en expose la teneur, tout en dressant un premier bilan.
Joseph, la troisième année du programme Juniors vient de s’achever. Comment s’est-elle déroulée ?
Elle s’est plutôt bien passée. On suivait quatre Juniors cette année et on disposait d’un groupe assez jeune avec trois Juniors première année : Eliott Boulet, Aurélien Kayser et Mattéo Moncoutié. À eux s’ajoutait Titouan Fontaine, qui était déjà suivi l’an passé. Pour trois d’entre eux, c’était donc la découverte d’un nouveau niveau alors que Titouan avait pour sa part des ambitions plus importantes avec l’équipe de France, au niveau international, en plus de la motivation d’intégrer l’équipe Conti. Ils ont tous gagné des courses, ce qui est important chez les jeunes car ça rassure toujours d’être capable de lever les bras. On a obtenu de très bons résultats, notamment avec Eliott qui a remporté le titre de champion national de chrono. On a mis en place ce projet il y a trois ans. L’idée est de passer un cran supplémentaire chaque année, et de le faire évoluer en ajoutant des petites choses. Ce sera encore le cas l’année prochaine.
« Cette stratégie a fait ses preuves depuis vingt ans »
Quel bilan tirez-vous après les trois premières années du programme ?
On a en tous les cas atteint les objectifs qu’on s’était fixés. Rappelons que le projet est d’identifier les coureurs en juniors ou cadets, puis de les former et de les accompagner vers le haut niveau. Dans un premier temps vers la Conti, puis à terme en WorldTour. Les résultats sont une chose, mais ce qui nous intéresse est la progression des jeunes et leur projet à moyen et long terme. Certains s’inquiètent un peu de l’avenir des coureurs étant donné qu’ils arrivent jeunes, mais il faut savoir que nous avons bel et bien en tête la vision à moyen et long terme du coureur. Aujourd’hui, on peut notamment être fiers de voir que deux coureurs ont atteint le niveau WorldTour en trois ans : Lenny Martinez et Eddy Le Huitouze. On en a aussi trois au niveau Conti avec Jens, Colin et Titouan. À côté de ça, on a trois autres coureurs en WorldTour dans des équipes différentes. On est donc satisfaits du travail de formation qu’on fournit, car c’est le socle même de ce projet. Je ne sais pas si on peut déjà parler de succès car la carrière de tous ces jeunes ne fait que commencer, mais c’est pour nous une satisfaction, et étant donné que la philosophie de l’équipe a toujours été la formation, on va continuer dans ce sens. D’autant que cette stratégie a fait ses preuves depuis vingt ans.
Peux-tu nous rappeler en quoi consiste le programme Juniors ?
Le but du programme est d’apporter un suivi et un accompagnement aux jeunes, qu’on détecte à la fois sur le plan national et international. Notre but n’est en revanche pas de faire de la quantité, mais de proposer une aide concrète et efficace sur un groupe de jeunes plus réduit. On intervient sur plusieurs volets. Il y a d’abord le plan sportif, avec la mise à disposition d’un entraîneur, différents stages à Besançon, en Espagne et en Mayenne, avec des entraînements collectifs ou spécifiques pour préparer les objectifs de la saison. Pour optimiser aussi la performance, on travaille aussi la position, le testing à Besançon. On propose un accompagnement matériel, avec la mise à disposition d’un vélo route et d’un vélo chrono, et tout le matériel dont ils ont besoin pour s’entraîner et être performants en compétition. On fournit également un accompagnement humain, de par l’entraîneur qui est en relation avec le club, la famille et le coureur lui-même. Ce dernier a aussi accès à la plateforme de l’équipe, qui est désormais identique des Juniors à la WorldTour. Enfin, le dernier axe sur lequel on intervient est l’accompagnement éducatif. On propose les mêmes formations qu’à l’équipe Conti et on tâche de faire de la sensibilisation sur des sujets importants comme la communication, la nutrition, la performance ou encore la mécanique. En plus de tout ça, l’équipe met à disposition une subvention annuelle d’un montant de 1000 euros pour l’athlète afin qu’il puisse financer son accompagnement scolaire. C’est important pour nous. Le but final est d’inclure le coureur dans le noyau de fonctionnement de l’équipe.
« Proposer un projet qui donne envie aux jeunes »
Le « recrutement » est-il désormais aussi difficile dans cette catégorie d’âge ?
On observe clairement cette tendance. Je suis dans l’équipe depuis six ans, et je m’occupe beaucoup de scouting pour la Conti et aussi un peu pour le programme Juniors. Je peux dire que ça a énormément évolué ces dernières années, avec la création de beaucoup d’équipes de développement, mais aussi avec des structures juniors qui se professionnalisent de plus en plus, grâce souvent au soutien d’équipes professionnelles. La professionnalisation est louable, mais il devient de fait plus difficile de recruter. Aussi, beaucoup d’équipes qui n’ont pas de suivi chez les jeunes ou d’équipe continentale mettent les moyens pour recruter les meilleurs Juniors Mondiaux. Le top-10 Mondial en Juniors est sollicité pour passer directement en WorldTour, alors qu’il pourrait être nécessaire d’effectuer une année de développement supplémentaire en continental. Or, cette tendance se décale de plus en plus chez les jeunes. Il y a désormais une « bataille » pour recruter les meilleurs cadets, même si on ne souhaite, pour notre part, pas s’inscrire dans cette démarche. On propose un projet au jeune. Il y adhère tant mieux, sinon, il ira autre part. Il y a effectivement une rude concurrence entre les équipes car tout le monde veut les meilleurs coureurs, de plus en plus jeunes. On avait la meilleure équipe de développement en 2022, mais ce n’est pas pour autant qu’il a été simple de recruter l’an passé car les jeunes étaient sollicités par le niveau WorldTour. C’est à nous de proposer un projet qui donne envie aux jeunes, leur montrer nos forces.
Est-il encore possible de dénicher la perle rare de nos jours ?
Les équipes suivent globalement toutes les mêmes coureurs, ceux qu’on voit dans les résultats et qui apparaissent souvent dans le top-10. Néanmoins, je crois aussi à ce talent qui va mettre un peu plus de temps à éclore, qui sera passé sous les radars, mais qu’on arrivera à détecter. C’est aussi ce que j’aime dans cette mission : trouver ce coureur particulier, qui n’est pas forcément numéro 1 mondial aujourd’hui, mais qui pourrait le devenir en travaillant et grâce à ce qu’on pourrait mettre en place avec lui. Aujourd’hui, le modèle du cyclisme vise à recruter les meilleurs et les plus jeunes, mais pour moi, tant qu’il y aura des équipes de développement, il faut aussi garder de la place pour ces coureurs à maturité plus tardive, qu’on pourra former pendant 2-3 ans. Je pense qu’il y en aura.
« Être représenté sur les courses à trois niveaux, c’est une satisfaction »
Tu peux nous présenter le cru 2024 ?
On aura donc sept coureurs. On garde les coureurs qui étaient avec nous l’an passé, hormis Titouan qui passe dans la Conti. Eliott, Aurélien et Matteo seront donc Juniors 2. Viennent se greffer quatre nouveaux. Il y a Baptiste Grégoire, qui sera junior deuxième année et qui est le frère de Romain. L’idée est évidemment qu’il suive la même route que son frère (sourires), même s’il n’a pas du tout le même profil. Il est davantage grimpeur. On aura un autre junior deuxième année, Axel Vuillier, également originaire de la région et licencié au CC Étupes. Il a un profil grimpeur. On aura enfin deux coureurs juniors première année : Johan Blanc, qui est issu du VTT et du cyclo-cross. Il a été vice-champion de France de VTT en 2023 et vainqueur de la Coupe de France cadets de cyclo-cross l’an passé. Il est orienté puncheur/grimpeur, et assez polyvalent du fait de ses différentes activités. Enfin, il y a Karl Sagnier, quatrième du Trophée Madiot cette année, vainqueur d’une manche, et champion de France sur piste. Le concernant, c’est un coureur qui va vite au sprint.
Tu évoquais en début d’entretien une nouveauté pour 2024…
Effectivement. On avait depuis quelque temps l’idée de proposer, au-delà des stages et des regroupements, un programme de courses cohérent et complet à l’athlète, en fonction de ses autres obligations avec son club, l’équipe régionale ou la sélection nationale. Les coureurs sont déjà beaucoup sollicités, mais on souhaitait ajouter quelques courses nationales ou internationales, auxquelles ils pourraient donc participer sous les couleurs de l’équipe l’année prochaine. L’idée n’est pas de proposer quinze jours de course sous le maillot de l’équipe, mais de se limiter à 5-6 courses, qui seraient réparties d’avril à septembre. Six courses, ça ne parait pas énorme, mais il n’y a pas non plus beaucoup de place dans le calendrier pour caler des courses supplémentaires. Le but est surtout de proposer des courses qui s’intègrent dans leur formation et leur apprentissage. Cela signifie aller sur des courses avec des profils : des Classiques pavées, des courses par étapes, avec des chronos, éventuellement par équipes, des parcours montagneux… Il est important que les coureurs découvrent un peu tous les terrains, même si ce n’est pas leur profil, afin d’être plus à l’aise par la suite chez les Espoirs notamment. L’année prochaine, il y aura aussi plusieurs courses où seront réunis WorldTour, Espoirs mais aussi Juniors. On pourrait donc avoir les trois niveaux représentés sur un même événement, comme à Plouay ou Roubaix. Ça permettra aussi au coureur de bénéficier d’une bonne expérience avec l’entourage de l’équipe.
Cette innovation constitue-t-elle une petite fierté pour vous ?
Cela montre en tous les cas que le programme est en pleine évolution depuis trois ans. Être représenté sur les courses à trois niveaux, je pense que c’est une satisfaction pour l’équipe. Cela étant, je tiens à souligner qu’on ne veut pas être omniprésent avec un maillot chez les juniors. On reste en soutien du club et du coureur, et ça reste très important pour nous. On est très heureux qu’il puisse porter le maillot de l’équipe sur les courses et les stages, mais on ne veut pas faire d’ombre aux structures qui forment les jeunes car on sait aussi qu’elles sont primordiales. Le programme Juniors est là pour proposer un plan de formation et de carrière adapté dès chez les juniors, de sorte à ce qu’il puisse se projeter. Ça peut aller très vite ou prendre le temps qu’il faut, le but étant que l’athlète passe les étapes en fonction de son apprentissage et de sa progression. Il n’y a pas de pression ou d’objectifs de résultats chez les juniors. Le but à long terme est que le coureur apporte une plus-value à l’équipe WorldTour grâce à son passage dans le programme juniors et dans la Conti.
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