C’est une journée mémorable, de bout en bout, qui s’est achevée ce dimanche pour l’Équipe cycliste Groupama-FDJ. Quelques heures seulement après la victoire de Laurence Pithie en Australie, l’écurie hexagonale a décroché son deuxième succès de la saison lors du Grand Prix cycliste de Marseille-La Marseillaise par l’intermédiaire de Kevin Geniets. Lui aussi ancien pensionnaire de « La Conti », le Luxembourgeois de 27 ans s’est imposé dans cette course d’ouverture du calendrier français au terme d’une échappée avec Alex Baudin, et après un relais prépondérant de Rémy Rochas. L’équipier modèle accroche par la même occasion son premier succès professionnel hors championnat national. Quentin Pacher a ponctué cette belle journée avec une sixième place.
Ce dimanche matin, les membres de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ présents à Marseille se sont levés avec une petite pression. Celle mise par leurs collègues à l’autre bout du monde, victorieux pendant leur sommeil de la première Classique WorldTour de la saison. « C’était de la pression positive, s’enthousiasmait Yvon Caër, le directeur sportif du groupe. Un front a gagné, et on s’est dit « maintenant, c’est à nous ». Ça nous porte ! On avait tous le sourire au petit déjeuner. On appartient à un même groupe, ça crée une dynamique positive, même inconsciemment. Ça n’enlève pas une pression, mais ça détend, et avec le groupe très déterminé qu’on avait, ça a ‘’matché’’. Personnellement, ça me détend plus qu’autre chose, et derrière on ne prend pas de décisions dans la nervosité ». La journée était d’ores et déjà une franche réussite pour la formation hexagonale, mais elle ne comptait pas en rester là. Et à l’occasion de la première manche de la Coupe de France FDJ, le plan de bataille était limpide. « L’idée était d’abord de filtrer au départ avec nos petits jeunes de la Conti Maxime [Decomble] et Thibaud [Gruel] pour ne pas laisser filer une échappée importante », présentait Yvon. Chose faite puisque seuls cinq coureurs ont pris les devants, et ont été aisément muselés par le peloton. « Ensuite, il fallait être placés au pied de la Route des Crêtes et on a sacrifié Thibaud, Maxime, Marc [Sarreau] et Cyril [Barthe] pour que nos trois grimpeurs/puncheurs soient en bonne position à ce moment-là », ajoutait le directeur sportif breton.
« On est parvenu à remplir la to-do list à 100% », Rémy Rochas
À quarante kilomètres, le peloton a basculé au sommet du Pas d’Oullier, les coureurs de la Groupama-FDJ sont passés au travers d’une chute dans la descente et la stratégie a pu être enclenchée dès les premières rampes de l’ascension majeure de la journée, quelques minutes plus tard. « Rémy avait pour mission de dynamiter la course dans la route des Crêtes pour taper fort et faire la sélection, exposait Yvon. Il devait initier la démarche offensive, puis Kevin devait suivre ceux qui réagissaient ». De la théorie à la pratique, il n’y a eu qu’un pas. « On avait un plan très précis qui était de ne pas arriver au sprint et de jouer les cartes offensives, en particulier avec Kevin qui sort d’un stage en altitude et qui est en forme, reprenait le grimpeur de poche sudiste. On est parvenu à remplir la to-do list à 100%. C’est rare que ça se produise. Chacun a fait son travail à la perfection, on est arrivés très bien placés au pied des Crêtes et je devais ouvrir les festivités pour lancer l’offensive. Ensuite, Alex Baudin est sorti du peloton avec Kevin dans la roue, j’ai un peu levé le pied pour les attendre puis j’ai roulé au maximum ». Le nouveau-venu au sein de la Groupama-FDJ a tenu les rênes jusqu’à un kilomètre du sommet. « C’était du tableau noir, poursuivait Yvon Caër. Mais le tableau noir dépend aussi de ce qu’ils ont dans les jambes et Kevin et Rémy étaient parmi les plus forts physiquement. La preuve quand on a dynamité. Rémy a continué sur un tempo très élevé et l’idée était de creuser au maximum pour démobiliser les groupes derrière. Il s’est tellement engagé qu’il a dû s’écarter sur l’attaque de Baudin. Kevin n’a pas réagi de suite mais je sais que c’est un gros moteur, plutôt bon grimpeur, et je ne me suis pas inquiété. Il a très bien géré son effort et ils sont partis à deux ».
Au sommet de la route des Crêtes, le duo franco-luxembourgeois comptait un avantage d’une vingtaine de secondes sur un peloton composé d’une vingtaine d’unités à peine, parmi lesquels Quentin Pacher et Rémy Rochas. « On était présents à tous les échelons, ça nous a permis d’être solides et d’atténuer les attaques ou la poursuite derrière », se félicitait Yvon. À l’entame de la dernière difficulté du jour, le Col de la Gineste, l’écart était ramené à quinze secondes, mais sur un groupe de chasse réduit de moitié et qui a commencé à se désorganiser. Le duo de tête a pu faire gonfler son avance à quarante-cinq secondes, et seul Kévin Vauquelin est parvenu à s’isoler en contre et se rapprocher à une vingtaine de secondes à l’approche du sommet. S’est alors présentée la descente en direction de Marseille, sans qu’un temps de répit soit permis. « J’ai dit à Kevin de collaborer le plus longtemps possible et de rouler à bloc jusqu’aux 500 derniers mètres car il y avait quand même la pression derrière », continuait Yvon. Kevin Geniets et son compère d’escapade ont finalement échangé des relais jusqu’à la flamme rouge, moment où le Français a décidé de ne plus quitter la roue du Luxembourgeois. Ce dernier a donc mené le sprint à deux censé juger du vainqueur. « Je me suis dit : c’est aujourd’hui ou jamais, commentait Kevin. J’avais assez confiance dans mon sprint pour lancer assez tôt. Ma force, c’est vraiment l’effort lactique, donc je me suis dit qu’il fallait que je fasse un sprint vraiment long pour le battre sur cette fibre-là ».
« Ce sont des moments très fondateurs », Yvon Caër
Il s’est donc appliqué, et a démarré son sprint à près de 300 mètres. Alex Baudin s’est efforcé de garder la roue, mais a été contraint de se rasseoir à 50 mètres du but, permettant à Kevin Geniets de laisser exploser toute sa joie. « Avec le vent de dos, on sait que c’est la fraicheur et la force qui font la différence, confiait Yvon. Je n’étais même pas inquiet ». Le principal intéressé, pour sa part, était par-dessus tout soulagé par ce triomphe personnel tant attendu. « C’est ma sixième saison professionnelle et j’ai très souvent travaillé pour les leaders, donc ça fait du bien de finalement gagner une course, confiait-il. Dans ce début de saison, j’ai ma chance. L’équipe m’a mis un peu la pression, mais je me la suis mise également. Je voulais vraiment enfin gagner une course. C’est une journée importante dans ma carrière ». « C’est toujours beau de voir ce profil de coureur être récompensé, argumentait Yvon. Un protocole a été mis en place cette année pour qu’il soit en forme tout d’entrée, car on sait qu’il marche très bien à cette période. Il a fait en sorte d’arriver encore plus en condition pour fin janvier/début février car la période et les profils lui correspondent bien. Il y a eu une vraie stratégie d’équipe, et le fait d’être un petit mieux sur ces courses-là lui permet de gagner car il est costaud de base. Étant plus souvent équipier, on pouvait craindre qu’il tergiverse un peu. Mais non, il était très déterminé ».
À 27 ans, le coureur du Grand-Duché a ainsi conquis son premier succès hors de ses frontières, sur une épreuve internationale, et apporté la deuxième victoire de la saison à la Groupama-FDJ en moins de 12 heures. « On a fait une super journée et la victoire de Kevin vient nous récompenser, ajoutait Rémy. C’est vraiment sympa et motivant de débuter comme ça, et ça donne envie de retourner au combat avec l’équipe très prochainement. Il y a une belle dynamique et on espère qu’elle va continuer ». « Ce sont des moments très fondateurs dont il faut profiter, concluait Yvon. Le vélo est parfois irrationnel. On gagne deux courses dans la même journée, puis il y a des périodes plus difficiles. Quand on a gagné très tôt, ça amène de la sérénité et la banane ! Et avec ça on peut aller très loin ».