Il restait ce dimanche seulement 24,6 kilomètres à parcourir pour venir à bout de la Vuelta. Mais ces 24,6 kilomètres, dans les rues de Madrid, revêtaient une importance capitale pour Stefan Küng. Déjà auteur de trois top-5 lors de ce séjour hispanique, le Suisse s’élançait à 18h06 pour la première place, et rien d’autre. « Depuis une semaine, on lui demandait de mettre un peu moins d’engagement sur les étapes, de s’économiser au maximum car on savait que ce chrono lui convenait à merveille, initiait Thierry Bricaud. Mais aussi fallait-il avoir les ressources nécessaires. Depuis 48 heures, il s’était mis un peu en veille dans le but de tout mettre aujourd’hui ». « Pendant toute la Vuelta, j’ai essayé de gagner une étape en ligne, j’étais très actif et j’ai dépensé beaucoup d’énergie, confiait Stefan. Je savais qu’il y avait deux étapes intéressantes pour moi en dernière semaine, mais pour le reste, j’ai essayé d’y aller le plus tranquillement possible, en particulier les deux derniers jours ». En pleine possession de ses moyens ce dimanche, Stefan Küng a démarré tel un boulet de canon, au point de coller vingt secondes au temps de référence lors du premier pointage intermédiaire. « Je savais qu’il était important de démarrer très fort sur ce parcours car la deuxième partie était très rapide et qu’il serait difficile de faire la différence, complétait le Suisse. Je suis parti fort, et je peux vous dire que quand on part fort, il faut énormément souffrir, mais je ne voulais pas avoir de regrets sur la ligne d’arrivée. Je voulais vraiment gagner ».

La dynamique du rouleur helvète ne s’est pas enrayée, et il a atteint le deuxième point intermédiaire avec quarante secondes d’avance, un écart relativement similaire à celui enregistré à l’arrivée : « Je me suis dit : tu ne peux pas exploser, tu ne peux pas exploser, c’est la fin de ton Grand Tour, n’explose pas ! Il fallait juste surmonter la douleur, c’est ce que j’ai fait ». Après avoir surclassé les meilleurs rouleurs, Stefan Küng ne devait se méfier plus que des coureurs du classement général, Primoz Roglic en tête. Mais le Slovène n’a pas été en mesure de réellement approcher la performance du spécialiste suisse. Sur les coups de 19h30, « King Küng » a donc officiellement été déclaré vainqueur d’étape, une grande première pour lui sur une course de trois semaines. Une délivrance, forcément. « Enfin, c’est incroyable, lâchait-il dans un grand sourire. Je courais après depuis si longtemps. Je suis tellement heureux d’avoir remporté ma première victoire d’étape sur un Grand Tour. Ça a mis du temps. Il a fallu que je me batte, je suis passé près tellement de fois, alors c’est un soulagement d’enfin l’obtenir. J’étais dans le dur tout l’été. Je suis tombé malade avant le Tour de Suisse, pendant le Tour, sur les Jeux Olympiques. Je voulais juste retrouver de bonnes sensations, et c’est ce qu’il s’est passé sur cette Vuelta. Et puis, plus on est en forme, moins on souffre en course, et plus on est frais sur le contre-la-montre du dernier jour ! »

La recette Stefan Küng a donc enfin payé, et son bonheur était partagé par l’ensemble de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ, à Madrid ou ailleurs. « Toutes les planètes étaient alignées aujourd’hui pour que ça lui sourit, disait Thierry Bricaud. Il n’a pas été souvent en réussite, pour des petites secondes ou des détails. Ce soir, il a un chrono de Grand Tour à son actif, et ça compte dans un palmarès. Aujourd’hui, tout le monde est content pour lui, tout d’abord parce que l’homme est apprécié et aimé dans l’équipe. On sait qu’il n’est souvent pas récompensé à sa juste valeur, car c’est quelqu’un met beaucoup d’engagement dans tout ce qu’il fait. Enfin, c’est surtout très important de gagner après trois semaines sur un chrono avec les échéances qui arrivent derrière. On le sent serein et très motivé ». Et Stefan Küng d’abonder : « C’est toujours mieux de gagner avec une demi-minute d’avance, ça montre que tu étais vraiment le meilleur et que ce n’était aucunement une coïncidence. Ça récompense enfin tout le travail que nous avons fait avec l’équipe et avec Wilier pour développer ce nouveau vélo. On a travaillé très dur, et j’ai moi-même toujours travaillé dur pour essayer de tirer le maximum de moi-même. Je veux dire un grand merci à l’équipe pour son soutien tout au long de ces dernières années. Ils ont toujours cru en moi, c’est agréable de leur rendre la pareille ».

« J’ai rarement pris autant de plaisir », David Gaudu

Cette cerise, au bout de trois semaines d’efforts, était d’autant plus savoureuse ce dimanche car elle avait bel et bien un gâteau sur lequel se poser. Ce gâteau, c’est le dernier mois de compétition de David Gaudu, finalement sixième du classement général après avoir vaillamment mais sans succès bataillé pour conserver son top-5 face à Mathias Skjelmose. « Il a mis l’engagement nécessaire pour garder sa cinquième place, mais on ne va pas retenir cette bataille du dernier jour, soulignait Thierry. On va retenir qu’on a retrouvé David, et c’est ce qu’on voulait avant toute chose. On l’a même bien retrouvé, car il a repris énormément confiance et repris sa place dans le peloton international. Ça va le booster pour la suite de sa carrière, mais aussi pour la belle fin de saison qui s’annonce ». « Si quelqu’un avait dit que je terminerais sixième avant la Vuelta, je pense que beaucoup de monde aurait signé, que ce soit moi, l’équipe ou les supporters, ajoutait le principal intéressé. Que je sois cinquième ou sixième, ma Vuelta est réussie. J’ai retrouvé des sensations, des résultats au sommet, et j’ai pris énormément de plaisir. Je pense que j’ai rarement pris autant de plaisir que lors des trois dernières semaines. Ça faisait tellement longtemps que j’étais à la recherche de cette sensation de titiller les meilleurs dans les cols. C’est presque un soulagement car je suis passé par des moments très difficiles depuis un an et demi. Cette Vuelta va me faire énormément de bien ».Le Breton va désormais mettre le cap sur une fin de saison italienne, son collègue suisse va s’aligner avec ambition sur les championnats d’Europe et du monde du contre-la-montre, et en attendant, c’est une Vuelta très aboutie qui a pris fin ce dimanche. « L’objectif était d’aller chercher le top-10 à la pédale avec David, et d’aller chercher une étape, ponctuait Thierry. On a certes attendu le dernier jour, mais peu importe ! C’est grisant de terminer de cette manière, mais j’ai toujours eu en tête qu’on pouvait finir la Vuelta sur une victoire. On savait que ce chrono pouvait venir récompenser l’équipe et Stefan. Avant tout, un Grand Tour est une vraie aventure humaine, et on a vécu un mois avec beaucoup de sourires et de professionnalisme. Quand, en plus, ça se termine avec une gagne comme aujourd’hui, c’est d’autant plus beau pour le staff et les coureurs ».

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