Nous avons discuté avec William Bonnet, quatre mois après sa terrible chute dans la troisième étape du Tour de France. Le solide équipier du Trèfle est toujours en phase de reconstruction et de rééducation mais il a le moral. Il devrait reprendre l’entraînement sur route au début du mois de décembre.
William, quatre mois après ce terrible accident, comment vas-tu ?
Ça va. Bien mieux. La rééducation se passe bien. J’ai porté un corset pendant deux mois. Une minerve pendant un mois mais je l’ai retirée il y a 2 ou 3 semaines.
As-tu encore des douleurs ?
Dans la vie de tous les jours, je ressens encore des raideurs et notamment quand je tourne la tête. La kiné n’a pas servi à retrouver de l’amplitude parce que je ne l’avais pas vraiment perdue mais à effacer les conséquences de l’immobilisation parce que j’ai perdu de la musculature. Le plus difficile (mais c’est relatif) reste de tourner la tête, j’entends encore des craquements mais j’aurais ça à vie. Comme s’il y avait encore des grains de sable qui rappellent que cette chute est bien arrivée.
Si ce n’est les vertèbres, tu as d’autres séquelles ?
Je me suis fracturé le scaphoïde mais ce n’était rien d’important…
Es-tu déjà remonté sur son vélo ?
J’ai rapidement fait du home trainer en rentrant de l’hôpital et puis j’ai respecté une pause comme s’il y avait eu la trêve de fin de saison. Je n’ai rien fait pendant trois semaines. J’ai repris il y a deux jours. Je fait du home trainer et de la marche. De la rééducation avec plus de musculation. Je peux aussi nager et courir.
Dans le timing que tu t’étais fixé, tu es à l’heure ?
Depuis le départ je fais confiance au chirurgien. Il est seul maître à bord. A chaque rendez-vous on fait le point et le programme pour le mois suivant. Dans mon esprit, je voulais reprendre l’entraînement sur route le 15 novembre mais ce sera plutôt début décembre. La sécurité prime. Je dois passer des examens à ce moment-là pour vérifier de la solidité des vertèbres. Une plaque m’a été posée pour relier les deux vertèbres fracturées et cette plaque, je l’ai à vie. Quand je vais reprendre l’entraînement, je verrai comment ça se passe. Après une sortie de 3 heures, puis de 4 heures, puis de 5 heures. Forcément, je pense que le cou va devoir réapprendre la posture, le maintien dans cette position pendant plusieurs heures.
D’un point de vue psychologique, as-tu encore des images qui te reviennent ?
Je n’y pense pas sans cesse et je n’en rêve pas la nuit. Ces images je les ai beaucoup revues après l’accident mais je ne suis pas perturbé.
Seras-tu présent au stage de ton équipe du 18 au 20 novembre ?
Non parce que je suis en arrêt de travail jusqu’au début du mois de décembre et parce que mes équipiers vont avoir des activités extra-sportives que je ne peux pas me permettre de faire. C’est impossible que je prenne le moindre risque.
Dans l’idéal, quand imagines-tu ton retour à la compétition ?
J’ai envie de revenir en bonne condition avant de penser à la compétition. Je sais d’ores et déjà que je ne vais pas disputer les classiques flandriennes parce qu’elles sont plus risquées au niveau des chutes. Toute la journée il faut garder ta place pour être dans le coup dans le final, il faut être dedans à 100% et pour moi, en 2016, il faudra éviter les accidents. Arnaud Démare sait que je ne serai pas à ses côtés dans les classiques qui nous tiennent à cœur.
Cette année, il y a eu de très graves chutes. La tienne dans le Tour de France mais aussi dans la Ruta del Sol et dans la Vuelta ? Y-a-t’il des raisons ?
J’en discute souvent… Je pense qu’il y un plus grand manque de respect dans le peloton entre les coureurs. D’anciens m’ont dit qu’avec le casque devenu obligatoire, ils n’avaient plus peur de rien et prenaient plus de risques. Plus de vitesse et moins de sécurité. Qu’ils ne laissaient plus une marge d’un mètre avec le coureur de devant mais de 50 centimètres. Franchement, je ne pense pas que les oreillettes changent beaucoup de choses. De toute façon, après le briefing du matin, nous savons tous les moments où il faut être placé et nous avons tous nos mémos pour nous en souvenir. Il y a le mobilier urbain, la route n’est plus faite pour le cycliste. Il est question aussi du matériel mais quand je suis tombé nous allions très vite et à cette vitesse il faut un laps de temps pour s’arrêter. Il se dit que les freins à disques vont arriver mais ce n’est pas une bonne idée. Ce sera même plus dangereux pour le coureur parce qu’ils seront chauds et coupants au moment d’un impact. Et si tout le monde n’a pas le même matériel pour freiner, il y aura beaucoup de dégâts.
Au moment de ta chute, tu étais en fin de contrat. As-tu eu peur pour ton avenir ?
Le soir même, à l’hôpital, Marc Madiot m’a dit de ne pas m’inquiéter, que j’aurais un contrat. Il m’a rassuré mais il n’avait pas à le faire parce que je sais que l’équipe FDJ ne laisse jamais tomber les gens.
As-tu un rêve pour 2016 ?
Revenir à la compétition, retrouver mon niveau mais puisque la dernière étape du Tour de France s’élancera de Chantilly, tout près de chez moi, ce serait sympa d’être là. En bon Picard… Il faut agir étape par étape. Je ne sais pas comment se passera mon retour dans le peloton, je ne peux pas deviner quelle sera ma place et si je vais avoir une appréhension quand ça va freiner fort. Aujourd’hui j’ai très envie de dire qu’il n’y aura pas de problème mais en réalité je n’en sais rien !
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