Marc Madiot n’occulte rien quand il fait le bilan de son équipe en 2017. Le nombre des victoires (27) est la conséquence d’une discipline en course qui a fait la force d’un groupe. Même si la fin du Tour de France est une zone d’ombre, le manager du Trèfle aime à rappeler la constance et la solidité de ses deux leaders Arnaud Démare et Thibaut Pinot. A souligner la montée en puissance de ses jeunes éléments Olivier Le Gac, Marc Sarreau et David Gaudu. Il rappelle la justesse d’un recrutement réussi et lance déjà les bases de la prochaine saison dont il fixe les objectifs généraux.
« Nous avons obtenu des victoires dans le World Tour »
Marc, quel bilan fais-tu de l’année 2017 pour l’équipe FDJ ?
Pour nous, 2017 est dans la catégorie des bonnes années. Nous avons accumulé 27 victoires, nous avons obtenu des victoires dans le World Tour où on voulait gagner, des étapes de Paris-Nice, du Critérium du Dauphiné, du Tour d’Italie et du Tour de France. Ce n’est pas mal d’avoir obtenu une victoire d’étape sur toutes ces courses. Il faut ajouter la 4e place de Thibaut Pinot dans un Grand Tour dans lequel il a joué la victoire finale jusqu’au dernier jour et nous avons gagné le championnat de France pour la cinquième fois en 6 ans.
Quelle séquence de la saison as-tu préférée ?
La première moitié de saison a été vraiment intéressante. Dans l’engagement, dans le poids que nous avons mis sur la course, dans les automatismes autour de nos leaders Arnaud Démare et Thibaut Pinot. Le Giro a été collectivement très intéressant, nous avons fini à la troisième place du classement par équipes et Sébastien Reichenbach a été d’un très bon niveau.
« On aurait signé pour ça »
Puis il y eut le couac du Tour…
Nous avons d’abord réussi un début de Tour fracassant avec une victoire d’étape. L’objectif était atteint. Ce qui est fou avec le Tour c’est qu’on est plus dans l’explication des abandons que dans la valorisation des résultats obtenus. Notre Tour en termes de résultats, c’est une victoire d’étape, deux places de deux, le maillot vert porté par Arnaud qui a été dans tous les sprints de la première semaine. Il n’y a pas longtemps en arrière, on aurait signé pour ça. Bon, il y a donc eu quatre coureurs hors-délais le même jour et puis l’abandon de Thibaut Pinot.
« C’était l’histoire de 4 mecs […] qui ont gagné ensemble. »
La mise hors-délais de ces quatre coureurs a été choquante ?
Je comprends que cela ait pu interpeller les gens. On oublie que c’était l’histoire de 4 mecs qui ont fait toute l’année ensemble, qui ont gagné ensemble.
Tu n’as pas hésité à laisser trois équipiers près d’Arnaud ?
De toute façon, les dés étaient jetés. Ce jour-là, nous n’avons pas eu de circonstances favorables, la course ne s’est jamais arrêtée. Quand ils se sont retrouvés à 5 minutes du gruppetto, tu en envoies deux devant ? C’était mort, ils ne seraient pas rentrés. Si à l’avant il n’y avait pas eu la chute de Gesink provoquant le ralentissement du peloton, le grupetto ne serait pas rentré et peut-être alors aurions-nous pu nous en sortir. Et puis il y a eu une échappée de 30 coureurs qui ont imprimé un rythme élevé…
Ensuite il y a eu l’abandon de Thibaut ?
Ça s’enchaine mal pour lui dans le Tour… On ne va quand même pas réduire Thibaut à ça ! J’ai beaucoup apprécié sa deuxième partie de saison, le Tour de l’Ain où il fait gagner le petit Gaudu, de bonnes courses en Italie. Il a très bien réussi sa première partie de saison avec une victoire dans la Ruta del sol, une troisième place dans Tirreno-Adriatico, sa victoire dans le Tour des Alpes, bien sûr son excellent Tour d’Italie. Puis il passe à travers dans le Tour mais il finit bien l’année. Franchement, Thibaut tient la baraque, je ne vais pas le jeter avec l’eau du bain. Il est un coureur comme tous les autres, c’est un humain.
Cela signifie qu’il est impossible de doubler Giro et Tour ?
Le doublé Giro-Tour était en effet très compliqué cette année. Pour Thibaut, pour Quintana et bien d’autres. En juillet, il est tombé sur des coureurs qui avaient fait l’impasse sur le début de saison pour des raisons diverses. Sur Uran qui avait eu des ennuis de santé et a dû zapper le Giro, sur Barguil qui avait été blessé et sur Froome qui avait axé sa saison sur le Tour et la Vuelta. Tous ces gars se sont retrouvés au top en juillet. L’an prochain, après le Giro il y aura une semaine de récupération en plus puisque le départ du Tour a été décalé. Je pense qu’un jour Thibaut retournera au Giro avant de faire le Tour. C’est le futur à moyen terme de l’équipe.
Qu’as-tu pensé de ton équipe dans les classiques de printemps ?
« Cette année, Arnaud Démare a pris beaucoup de volume physique »
On n’en a pas gagné une… On ne gagnera pas Milan-San Remo tous les ans, quand tu le fais une fois dans ta carrière c’est pas mal. De très grands coureurs ne l’ont jamais gagné, Philippe Gilbert par exemple. Arnaud l’a fait en 2016 et c’est évident qu’il va gagner une autre grande classique après Hambourg et Milan-San Remo. Je pense qu’il y parviendra plus vite à Roubaix ou Gand-Wevelgem que dans les Flandres. Cette année, il a pris beaucoup de volume physique. Dans ses sprints il est fort et l’équipe a progressé autour de lui aussi. Aujourd’hui l’équipe FDJ fait partie des trois meilleures du monde dans la préparation des sprints. Avant on subissait, maintenant on impose, on a un vrai fond de jeu.
Il est vrai que les deux recrues italiennes ont été prépondérantes ?
Jacopo Guarnieri et Davide Cimolai ont apporté un vrai plus. L’an prochain Ramon Sinkeldam va le faire aussi. Dans ce groupe, c’est une vraie satisfaction, Olivier Le Gac a pris de l’ampleur. Marc Sarreau aussi et il va faire des sprints l’an prochain, il y a nécessité d’avoir deux sprinteurs. On ne peut pas oublier le poids d’Ignatas Konovalovas, ni celui de Mika Delage qui a trouvé un rôle qui lui va bien. Puisqu’il est question d’Arnaud qui a levé les bras dix fois cette année et souvent dans de grandes courses, il a eu du mal à se remettre de sa défaillance dans le Tour mais après il a quand même gagné la Brussels Classic et a fait deux à Hambourg.
Hormis le groupe Arnaud Démare, celui de Thibaut a également été très fort ?
Oui bien sûr et cela signifie qu’on est bien sur deux tableaux. C’est une progression formidable pour nous.
Il y a également le troisième tableau, moins régulier ?
« On va remettre Arthur Vichot d’aplomb »
Arthur Vichot a fait un très bon début de saison mais cela fait quelques années qu’il n’enchaine pas des saisons complètes. Il est tombé dans le Tour et s’est blessé au genou dont il a été opéré en octobre. Il est en convalescence et on va le remettre d’aplomb. En lui laissant le temps qu’il faut. On a fini la saison avec pas mal de coureurs sur la touche. William Bonnet a été arrêté en raison de sa blessure au genou contractée pendant le Giro. Mickael Delage a été contrarié par les suites de sa chute en 2016. Sébastien Reichenbach a été victime d’une agression et c’est dans les mains de la justice. En France et en Suisse. L’UCI est saisie. L’affaire suit son cours.
Quand on parle équipe FDJ, forcément on évoque son cycle détection-formation…
« Dans une grande équipe de football, un jeune n’est pas forcément titulaire »
Les jeunes sont notre marque de fabrique. Cette année, il y a eu les débuts de Léo Vincent qui est en apprentissage. Il y a l’exemple l’Olivier Le Gac qui a pris du volume et est aujourd’hui titulaire. Il y a aussi de petites déceptions comme Lorrenzo Manzin qui n’a jamais démontré qu’il pouvait être mieux que le 3e ou 4e sprinteur de la maison. Dans une grande équipe de football, un jeune n’est pas forcément titulaire. Chez nous non plus. Pour Jérémy Maison, c’est pareil. Il part pour être titulaire ailleurs. Chez nous, qui devrais-je retirer du groupe Pinot ?
Il y a évidemment la révélation David Gaudu ?
« Je veux que David Gaudu soit dans le match dans les courses de huit jours »
Gaudu, c’est un apprenti hors norme. Il a gagné sa première course en août mais était là dès le début. En 2018, il va monter d’un cran. Les plans de carrière, ça ne veut rien dire et c’est lui qui va donner un rythme à la montée des marches. Dans notre équipe, il est presque déjà incontournable. Il le sera continuellement dès l’année prochaine. Il nous a épatés dans le Tour de Catalogne. Dans le Mur de Huy et un Top 10 dans la Flèche Wallonne ça vaut une victoire dans une autre course. La saison prochaine, je veux qu’il soit dans le match dans les courses de huit jours. Il n’y a pas un Grand Tour programmé même si parfois ça peut aller vite.
Quel a été ton meilleur moment en 2018 ?
Le Championnat de France parce qu’il y a eu un investissement collectif. Arnaud Démare était attendu, il a gagné et le championnat, perso, me fait vibrer, me met en transe. Bien sûr, il y a l’étape du Tour à Vittel mais je retiens aussi le doublé au Tour de l’Ain, Gaudu devant Pinot.
Et quel a été le mauvais moment ?
La très grave chute de Sébastien Reichenbach dans les Trois Vallées Varésines, ça m’a marqué. Elle a été la conséquence de ce qui s’était passé avec Kevin Reza et ça, ce n’est pas bien. Le Tour de France n’a pas été toujours très agréable mais c’est la course, ce n’est pas très grave. On est là pour ça. Reichenbach c’est plus grave. J’espère que cette affaire ne va pas finir dans un tiroir.
Justement, quel sera l’objectif principal en 2018 ?
« Le Mondial en Autriche sera une belle carotte »
On veut prendre du volume. On veut réussir le Tour parce que nous y avons un goût d’inachevé. On y a fait quelque chose de bien qui n’a pas été terminée. Notre recrutement a été fait pour donner du volume dans tous les comportements du jeu. Avec Sinkeldam, Preidler et Duchesne mais vous verrez, un jeune comme Madouas va faire du bien. Je veux aussi qu’on soit plus présent dans les courses du calendrier français. Notamment dans les manches de la Coupe de France. On doit être plus impactant. Je pense que Romain Seigle, Bruno Armirail et Benjamin Thomas vont également être dans le coup tout de suite. Ceux qui nous rejoignent doivent être meilleurs que les garçons qui nous quittent. Je précise que nous n’avons pas perdu d’éléments indispensables. Je veux une saison complète. La Vuelta, on a envie de la réussir. Toutes les courses italiennes de fin de saison, en 2018, on va y aller. En première partie de saison, on va compter les jours de course. Il faudra être frais au départ du Tour. Et puis en fin de saison, pour nous le Mondial en Autriche sera une belle carotte.
Quel est le programme de l’équipe dans les mois à venir ?
Dans deux semaines, nous rencontrons les supporters de l’équipe. Il y aura une journée de cohésion et mon briefing général. Puis un stage à Calpe en décembre et un autre en janvier. Notre première compétition sera le Tour Down Under en janvier.
C’est dingue de ne pas t’entendre parler de cyclo-cross !
Le cyclo-cross c’est fini pour le moment mais la piste sera aussi notre actualité avec le petit Benjamin Thomas qui disputera le championnat du monde en février. Ensuite il sera opérationnel sur la route. A sa demande, il disputera la Vuelta. On a tous besoin d’un peu de repos mais pour tout ça, j’ai hâte d’y être !
Par Gilles Le Roc’h.
Aucun commentaire