Benoît Vaugrenard a 35 ans, il vit sa quinzième saison professionnelle avec le Trèfle sur le dos et si son rôle a évolué au fil des ans, il est un maillon essentiel de l’équipe dirigée par Marc Madiot. Au même titre, par exemple, que William Bonnet ou Jérémy Roy. Parfait dans son rôle d‘équipier auprès de ses leaders, exemplaire auprès des jeunes sur qui il veille, le Breton fait toujours preuve d’un enthousiasme formidable. Il sera demain au départ de la Classic Sud Ardèche afin d’aider Arthur Vichot à gagner.
Benoît, tu nous donnes l’impression de rajeunir ?
(il rit). Ça va, impeccable. Il n’est pas trop mal mon début de saison. J’ai commencé dans le Grand Prix « La Marseillaise » que l’on a gagnée avec Arthur Vichot. J’ai enchaîné avec le Tour de la Communauté de Valence auprès de Thibaut Pinot puis le Tour d’Algarve avec Arnaud Démare. Les sensations sont bonnes. En janvier, j’avais des doutes, je n’avais pas été transcendant dans les stages.
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En stage tu ne semblais pas avoir les mêmes sensations que lors de La Marseillaise où tu as roulé une grande partie de la course en tête de peloton ?
Après 15 ans de carrière, on commence à se connaître. Dans les stages tu te fais moins mal qu’en course. En Espagne, j’ai travaillé, je faisais des kilomètres et je savais qu’en course on compterait sur moi. Mon rôle est différent que par le passé. Avant on m’attendait dans le final des courses. C’était les années où on avait plus souvent nos chances et ça ne donnait pas grand-chose. Maintenant, il y trois leaders connus et chacun sait ce qu’il a à faire auprès d’eux. C’est important de le faire bien. C’est aussi un rôle plus facile. Dans le Tour d’Algarve, la semaine dernière, la deuxième étape était un peu dure et j’ai été un peu protégé par mes équipiers. C’est un rôle que je n’avais pas tenu depuis longtemps. Et bien j’étais perdu ! Arnaud Démare me protégeait, je n’avais aucun repère ! Après l’arrivée, je me suis dit qu’être leader c’est difficile. J’étais paumé.
« Désormais, à la FDJ, on a la chance d’avoir de grands leaders […] Ils sont top et tirent le groupe vers le haut »
Avec l’équipe FDJ, tu as connu ce rôle de coureur protégé il y a quelques années. N’est-ce pas difficile de se satisfaire d’être équipier ?
Non, pour moi ça n’a pas été difficile. J’ai 35 ans. Je peux comprendre que les Olivier Le Gac, Jérémy Maison ou Arnaud Courteille aient envie d’avoir une liberté de temps en temps. Pour eux, ce serait difficile de ne jamais l’envisager. Dans le cyclisme actuel, t’es dans une case mais désormais, à la FDJ, on a la chance d’avoir de grands leaders. A une époque, chez nous, on ne les avait pas.
Benoît Vaugrenard en tête de peloton lors du Grand Prix La Marseillaise
Il semble que l’ambiance soit très bonne cette année, c’est ce qui ressortait des débriefings des courses du dernier week-end ?
Oui, nous étions sur trois fronts et tout a bien fonctionné. Depuis le début de saison, ça se passe bien mais ce sont des courses du mois de février. Maintenant on va aborder les courses importantes. Bien entendu, il faut gagner en début de saison. Il y a deux ans, la première victoire est venue au Circuit de la Sarthe avec Anthony Roux et c’était tendu mais il est important de réussir les vraies courses. Il faut valider en mars et avril ce qu’on a fait en février. Réussir le Het Nieuwsblad et Tirreno-Adriatico par exemple. En attendant, il y a une super ambiance, les leaders sont top et tirent le groupe vers le haut. Chacun des équipiers sait ce qu’il a à faire, presque mètre par mètre. Sans faire offense aux directeurs sportifs, on connaît aussi le scénario des courses par cœur. C’était vrai dans le Tour du Haut-Var avec un sprint le samedi et la décision dans la côte des Tuillières le dimanche. A la Ruta del Sol et au Tour Algarve aussi on savait ce qu’il se passerait. Ce sera pareil dans les courses World Tour. Samedi, dans la Classic Sud Ardèche, je sais ce qu’on va faire.
« J’aime bien transmettre ce que je sais […] C’est mon rôle »
Cette saison tu as tourné avec les trois leaders, tu n’es pas affecté à un groupe précis ?
Avec Arnaud, Thibaut et Arthur, oui, j’ai déjà bossé avec les trois leaders. Je vais un peu partout et ça ne me dérange pas. Je suis sûr que je n’aurais pas de lassitude. Arnaud Démare marche très fort, le contre la montre en Algarve (6e) dit où il se situe. Il va arriver dans les deux années qui seront le sommet de sa carrière. Il a de la force et je suis sûr qu’on va avoir du bon Arnaud dans les classiques. J’en suis même convaincu. Avec un peu de chance, s’il n’a pas de pépins, il sera dans les billes. Thibaut Pinot je l’ai vu malade dans le Tour de Valence mais ce n’était pas plus mal, le Giro est encore loin, au mois de mai. Depuis il s’est rassuré en Andalousie.
Tu prends à cœur ton rôle auprès des jeunes ?
Oui j’aime bien transmettre ce que je sais. Au Portugal, j’ai fait chambre avec David Gaudu. J’ai essayé de lui donner des conseils sur et en dehors le vélo. Dans la dernière étape, à trente kilomètres de l’arrivée, je lui ai dit ‘’tu prends ma roue et tu ne bouges plus’’. Je l’ai placé au pied de la bosse et sa quinzième place lui a fait du bien. C’est mon rôle. Il a 20 ans. Les jeunes sont un peu intimidés mais ils écoutent bien. Je dois dire qu’ils ont plus de bagages qu’à mon époque. Sur le thème de l’entrainement, de la diététique, ils savent beaucoup plus de choses que moi à leur âge. En course, ils ont besoin d’apprendre. David a roulé samedi dans l’étape de Tavira où Arnaud a fini quatrième. Il a monté les bosses à bloc et faisait péter les autres. Dans le bus, je lui ai dit de ne pas faire ça quand il s’agit de rouler pour son leader et derrière une échappée ou bien les autres ne viendront plus rouler avec lui. Il a été habitué à ce qu’on roule pour lui mais là, il a appris des choses.
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Tu as eu un bon souci de santé il y a deux ans mais cela semble contribuer à ce que tu te sentes si bien aujourd’hui dans ton métier ?
Oui, j’avais consulté après Paris-Nice et j’avais été opéré de l’artère iliaque en septembre. J’ai été chanceux durant ma carrière, je ne me suis jamais rien cassé, je n’ai jamais eu de points de suture – je touche du bois-. J’ai eu ce problème d’artère mais ça m’a permis de remettre les choses à plat, ça m’a fait du bien. Aujourd’hui, j’ai de l’enthousiasme, toujours la passion, l’envie de m’entrainer mais l’équipe a évolué dans le bons sens aussi. On a le bon matériel, le cuistot, le diététicien, on a tout ce qu’il faut. Il y a huit ans de ça, on n’avait pas tout ça. Les jeunes ont tout pour réussir. On évolue dans de super conditions. Je ne sais pas s’ils s’en rendent compte. Je leur fais des rappels de temps en temps, je leur dis la chance d’être dans une super équipe. ‘’Surtout ne faites pas les cons, surtout soyez sérieux !’’ J’aimerais éviter qu’ils se disent, s’ils devaient nous quitter, que c’était mieux à la FDJ, qu’ils aient un sentiment de gâchis.
Benoit Vaugrenard lors des Championnats de France 2015
Au cours de cette saison, tu te fixes des échéances personnelles ?
Oui, le Tour d’Italie. Je l’ai fait en 2016, ça m’a plus. A moi d’aller chercher ma sélection, c’est un bel objectif. Et puis être bien dans les classiques ardennaises où cela fait quelques années qu’on passe à côté. Dans les Flandriennes aussi d’ailleurs… On a besoin de résultats dans ces courses-là, de ne plus passer à côté. Dans les Flandriennes, Arnaud Démare sera là. Dans les Ardennaises, avec Arthur et puis on s’est renforcés avec Rudy Molard qui y a déjà signé des Top 20, Odd Eiking qui a de grandes capacités, bien sûr Anthony Roux… On a un groupe sympa. Perso, je n’envisage plus le super résultat, je n’ai plus les jambes pour faire top 10 mais pour bien travailler, oui. Bon, on ne sait jamais… Quand je vois Sam Dumoulin, pro depuis une paire d’années, qui marche très fort encore ! L’an dernier, il a fait peut-être sa plus belle saison. Il a 37 ans. C’est un exemple.
Il y a quelques mois, tu nous disais que tu allais de nouveau te pencher sérieusement sur le chrono. Alors ?
J’ai de bonnes sensations sur mon vélo de chrono mais le résultat ne vient pas. Le matériel est bon, tout est bon. En course, j’ai l’impression d’avancer et quand je vois le résultat (il rit). Ça ne me prend pas la tête…
Quel est ton programme ?
Je suis donc en Ardèche samedi et puis peut-être Paris-Nice, avant le Tour du Pays-Basque et les classiques ardennaises.
Par Gilles Le Roc’h
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