Maillon historique et indispensable du train d’Arnaud Démare, Ramon Sinkeldam sera tout naturellement aux côtés de l’ancien champion de France, vendredi, au départ du premier Grand Tour de la saison. Sur le Giro, le Néerlandais et ses compères n’ont qu’une envie. Celle de retrouver, par l’intermédiaire du leader picard, le chemin d’une victoire qui leur échappe depuis le début d’année, sans que cela n’ait toutefois affecté leur confiance ou leur détermination.
Ramon, comment te sens-tu à l’approche de ce Giro 2022 ?
Physiquement, je ressentais encore un peu de fatigue en début de semaine suite à notre stage en altitude. Je me suis également entraîné dur le week-end dernier, mais j’ai pu profiter de quelques jours de récupération depuis et je devrais être complètement opérationnel pour le début du Giro. Tout le monde dans l’équipe est impatient d’y être, car le début de saison n’a pas été à la hauteur de ce que nous souhaitions, de nos objectifs. On doit, et on veut, performer et gagner. Il y a de l’excitation, comme toujours avant un Grand Tour, mais aussi un peu de nervosité car nous avons des objectifs à remplir. Je pense que c’est l’état d’esprit de chacun.
« C’était du boulot, pas des vacances »
Si l’on se remémore le retentissant Giro 2020 de l’équipe, quel souvenir en gardes-tu ?
D’un point de vue personnel, ça a été l’une de mes plus grandes déceptions. J’ai souffert de problèmes d’estomac avant et pendant le Giro, et cela a affecté ma capacité de récupération. Je m’étais reposé avant la course, et je me sentais fort et en forme, mais étant donné que je ne récupérais pas de mes efforts, j’ai vite plongé. Arnaud gagnait, l’équipe était super, pendant que je luttais avec moi-même. C’était vraiment frustrant. Bien sûr que tu es heureux pour tes coéquipiers, mais d’un autre côté, tu sais que tu es inutile. C’était un moment difficile pour moi, même si les gars étaient désolés pour moi et ne me reprochaient absolument rien. J’ai disputé quelques Grands Tours où j’ai pu accomplir beaucoup de choses avec mon équipe, mais sur ce Giro 2020, toute l’équipe marchait fort, sauf moi. Cela me laisse un goût d’inachevé.
Quel objectif vous êtes-vous fixé sur le Giro à venir ?
Il nous faut au moins gagner une étape, mais en même temps, il n’y a que quatre véritables étapes de sprint. On n’a pas huit chances comme cela peut être le cas d’autres années. C’est un Giro difficile pour les sprinteurs, selon moi. Il y a, il est vrai, quelques étapes difficiles où un sprint est possible, mais ce sera le cas avec un peloton bien réduit. Je pense qu’Arnaud sera assez fort pour être là, mais moi sans doute pas. Pour le train en lui-même, il faudra tout donner sur ces quatre vrais sprints attendus.
Tu as passé deux semaines avec Arnaud sur l’Etna. C’était comment ?
Il n’y avait effectivement qu’Arnaud et moi. Miles est tombé malade avant, et Kono a fait un stage en altitude en Sierra Nevada. Sur l’Etna, nous avions aussi avec nous un entraîneur, un kiné et un nutritionniste pendant cinq jours. C’était un stage très réduit. C’est clairement différent que lorsqu’on se retrouve à trente pendant l’hiver à Calpe. On en a bien profité néanmoins, et on savait pourquoi on était là. On s’est entraînés tout autour de l’Etna, mais on dormait au sommet, là où sera d’ailleurs jugée l’arrivée de mardi. On a fait beaucoup de dénivelé, des efforts soutenus, des sprints… L’entraînement sur le plat n’est pas vraiment possible là-bas, mais je pense que nous avons réalisé un bon programme complet. On était vraiment concentrés sur l’entraînement. L’ambiance était très bonne, mais c’était du boulot, pas des vacances. Quand tu es deux semaines au sommet d’une montagne où il n’y a rien à faire, et sans ta famille, ce n’est clairement pas pour te détendre.
« On n’a jamais été super bons tous ensemble, le même jour »
Travail était donc le maître mot…
L’objectif de ce stage en altitude était d’être aussi prêt que possible physiquement pour le Giro. Je pense que désormais, on a besoin de ce genre de stage pour arriver en forme. Le niveau est d’ailleurs si élevé que tout le monde le fait. Si on n’y va pas, on prend du retard. On attend maintenant d’en voir les effets. Lundi, je ne me sentais pas extrêmement frais, mais un repos de quatre jours devrait suffire pour retrouver la bonne stimulation. On dit que ça survient généralement une semaine environ après le stage.
Que peux-tu nous dire sur le début de saison du groupe sprint autour d’Arnaud ?
Je ne dirais pas que c’était un signal d’alarme au printemps, car cela voudrait dire qu’on dormait. Ce n’était pas le cas. Simplement, nous n’avons pas réussi à gagner des courses comme on aurait dû le faire. Toute la saison printanière a été assez frustrante pour nous. On sait qu’on est capables de gagner, il n’y a pas de débat de ce point de vue. On n’a ni perdu la foi, ni la confiance. Cela n’a juste pas fonctionné comme on l’aurait souhaité. Peut-être que nous n’avons pas été assez agressifs à certains moments, mais cela se joue aussi à de si petits détails dans le final des courses… Il faut que tout s’aligne au bon moment.
Quels étaient ces petits détails ?
On sait de quoi on est capables, et de quoi Arnaud est capable, mais on sait aussi comment il doit être emmené pour s’exprimer pleinement. De fait, on ne peut pas le lâcher à deux kilomètres de l’arrivée, lui souhaiter bonne chance et s’attendre à ce qu’il gagne. Nous avons besoin que le travail collectif soit parfait pour viser la victoire. Cela dépendait donc aussi de nous, et nous n’étions pas toujours à la hauteur. Parfois, j’étais super bon, et certains gars ne l’étaient pas. Parfois, les autres gars étaient super bons, et c’est moi qui les laissais tomber… On n’a jamais été super bons tous ensemble, le même jour. Chaque fois, nous avons commis une petite erreur, et le niveau est maintenant si élevé qu’une petite erreur est déjà une erreur de trop. La seule fois où l’on a emmené parfaitement, c’était sur Tirreno-Adriatico, et Arnaud a été battu par Caleb Ewan. On peut être battu par plus rapide ou plus fort à l’arrivée, ça arrive. Cependant, notre objectif est de le mettre dans la meilleure position possible. Si on n’y parvient pas, alors notre travail n’est pas bien fait. Si on le place dans la meilleure position et qu’il ne gagne pas, on peut malgré tout être satisfaits de notre travail.
« Nous sommes tous convaincus que nous pouvons le faire »
Comment le groupe va-t-il renverser la vapeur ?
On a parlé de ce qui n’a pas marché, et je pense qu’on le fera à nouveau dans les prochains jours afin que tout le monde soit sur la même longueur d’onde. Ceci étant, je crois qu’en parler sans cesse ne résout rien. On n’a pas besoin d’une spirale négative qui nous rabaisse… On a juste besoin que tout s’aligne, et cela peut arriver sur n’importe quelle étape. Si Arnaud avait remporté le sprint contre Ewan, la roue aurait pu tourner. Et de la même manière si je n’avais pas fait d’erreur dans l’un ou l’autre final sur Tirreno. Chaque course est une nouvelle opportunité. On a juste besoin de retrouver la bonne dynamique.
L’expérience aide-t-elle dans ce type de situation ?
Complètement. J’ai vu passer une statistique la semaine dernière qui faisait état que j’avais, dans ma carrière, participé à cent victoires au sprint, et Jacopo également. Évidemment, nous en avons perdu beaucoup également, mais on a pris part à tellement de finals et de préparations de sprints… Cela ne veut pas dire qu’on est assurés de gagner de nouveau, mais cela montre quand même qu’on s’y connait un peu en la matière. Et je ne compte même pas le nombre de sprints qu’Arnaud a gagnés dans sa vie. Comme je l’ai dit, nous sommes pleinement focalisés sur le Giro. Nous avons coché les étapes que nous voulons gagner, et on doit y parvenir ! C’est aussi simple que ça. Nous sommes tous convaincus que nous pouvons le faire dans les prochaines semaines.
Aucun commentaire