La sortie d’un long tunnel de pépins semble enfin se dessiner pour Lars van den Berg. Malchanceux lors de ses deux premières années au sein de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ, le Néerlandais de 25 ans s’avance aujourd’hui vers son deuxième Tour d’Italie, deux ans après une première participation encourageante. Complètement relancé après un solide triptyque ardennais, le jeune homme espère non seulement faire sa part pour Thibaut Pinot, mais aussi lancer une véritable dynamique en vue du reste de sa carrière.
Lars, comment te sens-tu à quelques jours du départ du Giro ?
Je suis vraiment excité. J’avais vraiment hâte de faire mes valises et de faire partie de cette équipe qui sera au départ. J’espère qu’on va réussir de belles choses. L’année dernière, j’ai dû faire une croix sur la Vuelta à la dernière minute, donc c’est génial de faire mon retour dans l’équipe pour un Grand Tour. C’est aussi super de revenir à mon niveau d’origine, après toutes les chutes que j’ai eues ces dernières années. C’est aussi une belle opportunité pour enfin atteindre mon plus haut niveau.
« Je suis convaincu qu’on peut faire quelque chose de grand sur ce Giro »
Était-ce ta volonté de refaire le Giro ?
On a parlé de mon programme cet hiver, et c’est l’équipe qui m’a d’abord parlé du Giro. J’étais immédiatement emballé, mais j’ai ensuite chuté à Bessèges, j’ai eu une fracture au bras et j’ai eu un peu peur. Au final, tout s’est bien passé et j’étais en forme lors des dernières courses, donc rien ne pouvait m’empêcher d’être au départ. C’était mon objectif principal ces six derniers mois, donc je suis heureux d’être ici.
Quelle est ton ambition au moment de prendre le départ ?
Je sais que Thibaut sera là pour le classement général, et j’espère pour lui que nous pourrons bien faire de ce point de vue, aussi parce que ce sera son dernier Giro. Je serai là pour l’épauler, mais j’ai aussi un œil sur les étapes qui peuvent me convenir. S’il y a des opportunités, je ne manquerai pas de les saisir. J’essaierai de prendre les échappées et d’accrocher un beau résultat. L’équipe est très claire sur les objectifs et je suis complètement en phase.
Ressens-tu une excitation particulière à l’idée de courir avec Thibaut pour son dernier Giro ?
C’est certain. Quand j’étais jeune, je regardais Thibaut à la télévision réaliser de grandes choses. Aujourd’hui, je suis son coéquipier et je dispute son dernier Giro avec lui, donc c’est vraiment spécial. J’espère que lui, moi et toute l’équipe en profiterons autant que possible. Pour être honnête, c’est juste une grosse motivation. Je ne ressens pas de stress supplémentaire. C’est peut-être son cas, mais pas le mien. Moi, je viens pour performer de toute manière, que ce soit son dernier ou son premier Giro. Au final, l’important pour moi est de bien faire, l’aider et aider l’équipe. J’ai le Giro en tête depuis le début de l’année, donc je suis très motivé, et je pense sincèrement qu’on peut faire de belles choses. Dès cet hiver en stage, j’ai vu que Thibaut était vraiment très motivé et qu’il s’entraînait dur. Dès le début de saison, j’étais convaincu qu’il allait réaliser une belle dernière année, et je suis encore convaincu qu’on peut faire quelque chose de grand sur ce Giro.
« Je me sens vraiment prêt et frais »
Qu’as-tu appris du Giro il y a deux ans qui te sera utile cette année ?
Peut-être le fait que je doive finir plus tranquillement une fois mon travail terminé, et d’économiser de l’énergie pour les jours où je veux m’échapper, où cette énergie est nécessaire. En 2021, j’étais dans une échappée qui est allée au bout, mais je n’avais pas les jambes ce jour-là. Pour le reste, c’est une course comme les autres, juste un peu plus longue (sourires). Le niveau sera très élevé, c’est certain, mais je pense que ça se passera bien si je fais ce que j’ai l’habitude de faire.
Et en quoi es-tu différent d’il y a deux ans ?
Je pense que je suis plus fort aujourd’hui. La dernière fois, je revenais tout juste de blessure et il me manquait un peu de forme. Là, je pense sortir d’un très bon bloc. Je me sens vraiment prêt et frais avant ce Giro. C’est la grande différence en termes de niveau. Je suis aussi un peu plus mature maintenant, c’est évident. J’ai fait deux ans de plus au plus haut niveau, et je vais aussi emporter ça avec moi sur la course.
Ta condition est-elle là où tu souhaitais qu’elle soit ?
Les Ardennaises se sont bien passées. Il me manquait encore un peu de rythme de course, mais je pense que la première semaine du Giro m’aidera en ce sens, puis j’espère être vraiment bien dans les deuxième et troisième semaines. Après les Ardennaises, j’ai fait deux jours sans vélo, des sorties tranquilles, puis quelques entraînements. C’était davantage pour maintenir la forme jusqu’au départ, je n’ai pas fait de travail spécifique. J’ai aussi eu l’occasion de passer du temps avec la famille et c’était vraiment sympa.
« Je n’ai pas eu la sensation de pouvoir apporter à l’équipe ce que je serais capable d’apporter habituellement »
Avoir joué devant sur les Ardennaises t’a-t-il rassuré à l’approche du Giro ?
Oui, j’étais plutôt content d’être à l’attaque sur l’Amstel Gold Race, mais j’ai aussi senti que les jambes commençaient à être vides après 200 kilomètres, ce qui est je pense normal quand on voit la préparation que j’ai eue. Je pense avoir fait une bonne course pour ce qui m’était possible de faire à ce moment-là, et je me sentais déjà mieux par rapport à la distance une semaine plus tard à Liège, où j’ai pris l’échappée. On progresse très vite avec quelques courses dans les jambes, et je pense qu’il ne me manquait que quelques petits pourcentages. C’était vraiment une bonne chose d’avoir fait ces courses avant le Giro, surtout que mon début de saison a été vraiment décevant. Après avoir déjà manqué une belle partie de l’an passé, j’ai de nouveau raté le début de saison après ma chute à Bessèges. C’était frustrant, mais j’ai essayé de rester positif et je me suis entraîné très dur pour revenir à la compétition avec un niveau acceptable. Au final, c’est aussi parfois la vie de cycliste. Il faut l’accepter, continuer à aller de l’avant, rester positif et en tirer le meilleur parti possible.
Dirais-tu que ce début de saison reflète ton début de carrière avec l’équipe, fait de plusieurs malheureux déboires ?
Les deux ans et demi jusqu’à maintenant ont évidemment été difficiles. Je n’ai pas eu la sensation de pouvoir apporter à l’équipe ce que je serais capable d’apporter habituellement. Forcément, c’est compliqué. Quand c’est juste six mois, ça va, mais quand c’est plus de deux ans, ça devient vraiment dur. Mais comme je l’ai dit, ce n’est pas en étant négatif qu’on va arranger les choses. Donc, j’ai travaillé très dur, également avec le préparateur mental de l’équipe qui m’aide beaucoup. Je me suis bien entraîné sur le vélo afin de pouvoir enfin apporter quelque chose de spécial.
As-tu eu l’impression d’être maudit à certains moments ?
J’ai eu ce sentiment, et le plaisir disparaît aussi peu à peu lorsque qu’on se bat pour revenir, qu’on retrouve un niveau correct et qu’on chute de nouveau… Il y a eu des courses lors desquelles je me suis bien senti, mais je n’ai jamais pu entretenir la dynamique en raison d’une chute ou autre. En 2021, je suis tombé à Bessèges et j’ai eu des problèmes de dos. Je suis revenu, j’ai fait le Giro, j’ai fait un stage en altitude, j’ai pris le départ du Tour du Limousin où je me suis disloqué la clavicule. L’année dernière, j’ai chuté en Algarve et j’ai subi une commotion cérébrale. Il a fallu beaucoup de temps avant d’en être complètement rétabli. Je n’étais vraiment pas bien de février à juin. Ensuite, le reste de la saison s’est plutôt bien passé, mais je continuais de voir que je ne roulais pas de manière complètement normale, que mes sensations ne l’étaient pas non plus. La commotion cérébrale a complètement gâché la saison. Après l’intersaison, je me suis enfin senti mieux avec une montée en puissance progressive, mais j’ai ensuite subi cette fracture à Bessèges. Ces quatre événements ont en quelque sorte pourri mes deux premières années avec Groupama-FDJ. C’était vraiment une lutte. Aujourd’hui, je parle du fait d’être positif, mais il est clair que j’ai vraiment eu des moments difficiles. Cela étant, l’amour du vélo est trop fort, et il nous force à continuer. J’essaie aussi de laisser cette période derrière moi autant que possible, et je suis vraiment optimiste pour l’avenir et pour ce qui m’attend désormais. L’équipe m’a toujours soutenu, et je pense que c’est la raison pour laquelle je suis encore sous contrat. Ils croient en mon potentiel et au fait que je suis capable de bien mieux.
« Il est important que je conserve cette dynamique »
Te sens-tu sur la bonne voie aujourd’hui ?
Oui, je pense que je suis désormais de retour. Le niveau que j’ai atteint lors des Ardennaises est bon, et je dois maintenant enchaîner sur le Giro. Ce sera très important pour la suite de la saison, et peut-être pour la suite de ma carrière, d’avoir un Grand Tour dans les jambes. Ça me rendra beaucoup plus fort. Il est vraiment important que je conserve cette dynamique.
Quelles seront les prochaines étapes de ta progression ?
Après le Giro, je ferai probablement de plus petites courses, et pour moi, il sera important d’y être aussi performant personnellement. Dans les grandes courses, je veux pouvoir soutenir David, Thibaut et les grands leaders de l’équipe. Je connais mon rôle et je n’ai aucun problème à être équipier pour les gars dont je sais qu’ils peuvent gagner. Au final, je suis un compétiteur et je veux prendre le départ pour gagner. Et si je sais que je ne peux pas gagner, alors je veux aider celui qui est capable de le faire. Par chance, nous avons plusieurs gars dans l’équipe qui sont super forts et qui peuvent se battre pour la victoire au niveau WorldTour. Le grand objectif est d’atteindre le meilleur niveau possible, et j’espère aussi obtenir quelques résultats personnels. Je veux d’abord me concentrer sur cette saison et voir le niveau que je suis capable d’atteindre. Je suis vraiment à ma place ici chez Groupama-FDJ, je me sens très bien, je connais tout le monde dans l’équipe. J’ai vraiment l’impression d’être dans une famille. J’ai aussi la tranquillité d’esprit d’avoir un contrat pour l’an prochain, donc c’est vraiment important que je me concentre sur cette saison pour le moment.
« On ne peut pas tous être le nouveau Pogacar »
Quel type de coureur aimerais-tu devenir ?
Chez les pros, je me décrirais surtout comme un coureur polyvalent. Je peux grimper, et je peux rester avec le peloton assez longtemps, mais le niveau chez les pros est tellement élevé que je ne me présenterais pas comme un pur grimpeur. En revanche, des courses comme Liège ou des étapes vallonnées dans un Grand Tour pourraient me convenir. Je suis également capable de bien me placer, tout simplement parce que j’ai grandi aux Pays-Bas. J’étais un petit grimpeur, mais je devais quand même courir dans le vent, dans les bordures. Je pense que c’est juste devenu une qualité naturelle. J’essaie de l’utiliser à mon avantage autant que possible. À l’avenir, j’aimerais donc me concentrer un peu plus sur les courses vallonnées, et pouvoir faire encore mieux dans les Classiques comme les Ardennaises. Mais il sera aussi très important de rester polyvalent car je connais mon rôle. Dans les grandes courses, il est d’aider les leaders. On ne peut pas tous être le nouveau Pogacar, et parfois il faut être celui qui épaule les autres.
Tu as été l’un des premiers à passer de la Conti à la WorldTeam. Qu’est-ce que ça fait d’être aujourd’hui entouré de coureurs plus jeunes ?
Je me sens un peu plus vieux (sourires), aussi parce que je n’ai pas roulé à La Conti avec la plupart des mecs qui ont fait la transition l’hiver dernier. Je vais bientôt avoir 25 ans, c’est ma dernière année pour le classement des meilleurs jeunes, donc je commence progressivement à me sentir un peu vieux, mais c’est vraiment sympa de me retrouver avec les jeunes. Ils ont tous beaucoup de talent, ils sont tous motivés et je pense que ça motive toute l’équipe. Je pense que c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles l’équipe atteint un si haut niveau.
« Dans notre podcast, on parle de choses dont on ne parle pas trop dans le cyclisme »
Tu as également lancé un podcast il y a quelques mois. Peux-tu nous en dire plus ?
Cela s’est aussi présenté parce que depuis deux ans et demi, malgré le fait que je m’entraînais beaucoup pour revenir à un bon niveau, la vie était parfois un peu ennuyeuse. Je voulais vraiment avoir quelque chose à côté pour me distraire, être un peu occupé et ne pas revenir de l’entraînement pour regarder Netflix toute la journée. Je ne pensais pas vraiment faire un podcast, mais le gars avec qui je travaille a eu cette idée. Au début, je n’étais pas vraiment convaincu, car tout le monde lance son podcast aujourd’hui, et je ne savais pas ce qu’on pouvait apporter d’autre. Au final, il m’a convaincu, et je suis maintenant très content de le faire. On parle de choses dont on ne parle pas trop dans le cyclisme. Nous avons discuté avec l’organisateur de l’Amstel Gold Race pour savoir tout ce qu’implique une organisation. Nous avons parlé avec quelqu’un qui a monté sa propre équipe et tout ce qui va avec. Nous avons parlé avec Bram du fait de supporter la pression en tant que sportif. Tous les sujets dont nous parlons sont liés au cyclisme, mais on en parle généralement peu. On essaie de divertir les gens de cette manière. Il s’agit plus d’histoires et de coulisses que de résultats et de performances.
Auras-tu le temps de tourner un podcast pendant le Giro ?
Non, mais nous avons déjà enregistré quatre épisodes il y a dix jours, et ils sortiront pendant le Giro. En attendant, quand je serai allongé dans mon lit le soir, je préparerai les prochains, mais c’est vraiment tranquille. Je peux passer au mieux une heure par jour dessus, et ce n’est pas un problème non plus si je ne fais rien. Le but est avant tout d’y prendre du plaisir, de l’avoir à côté et d’apporter quelque chose de nouveau que les gens n’ont pas encore entendu.
Et aurons-nous des épisodes en Français ?
Je ne pense pas (rires). Peut-être en anglais un jour, mais ce serait trop difficile en français. Je parle maintenant un bon français, et j’aurais pu répondre à cette interview sans problème si elle avait été en français, mais raconter des histoires, c’est quand même quelque chose de tout à fait différent.
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