Brieuc, la saison 2024 est sur le point de se conclure. Avec quel degré de satisfaction la finis-tu ?

Si on m’avait dit que je réaliserais une saison comme celle-ci l’hiver dernier, j’aurais signé direct ! C’était une saison presque rêvée pour moi. J’ai travaillé dur pour y arriver. Tout ne se passe pas toujours comme on le souhaite, mais cette saison a été vraiment exceptionnelle. Gagner la Course de la Paix, faire cinquième de Liège-Bastogne-Liège Espoirs, terminer dans le top-10 du Tour de l’Avenir… Ce sont des choses dont je rêvais l’hiver pendant que je m’entraînais. Quand tu roules sous la flotte, que les sensations sont pourries et que ça caille, tu te dis : j’espère que ça va payer.

L’hiver dernier, tu disais « vouloir transformer mes top-10 en top-5, podiums voire victoires ». Objectif rempli ?

C’est clair, et c’est gratifiant. Tout ce qui m’est arrivé, je l’espérais au plus profond de moi-même, et j’espérais passer un nouveau cap comme je l’avais déjà fait en passant du Vendée U à La Conti. J’ai aussi conscience que ce sera une tout autre histoire l’an prochain. Je me suis dit que j’allais peut-être attendre un petit moment avant de revivre de telles émotions, donc j’ai profité à fond de chaque performance et de chaque satisfaction qu’il m’a été donnée d’avoir cette année.

As-tu rapidement senti que tu avais passé un palier ?

Je passe un cap chaque année depuis les juniors, et cette saison, cela m’a permis de performer sur pas mal de courses. J’ai senti après l’hiver que j’avais vraiment franchi un palier sur plusieurs types d’efforts. Avec toutes les données auxquelles on a accès désormais, je pouvais déjà constater que j’avais bien progressé, mais rien ne vaut la course. Or, sur le Tour de Rwanda, je sentais que ça répondait vraiment bien alors que ça n’était que la reprise, puis j’ai réussi à enchaîner.

À quoi est due cette nette progression ?

Il y a déjà la maturité physique, qui je pense est plus tardive chez moi que chez d’autres. Puis, il y a évidemment le travail et cette volonté de tout le temps essayer de faire mieux. Je suis également parti à plusieurs reprises en stage personnel à la montagne ; six fois je crois entre novembre dernier et septembre de cette année. J’ai pu travailler, passer du temps dans les cols et varier les exercices. C’est un tout. J’ai aussi essayé d’être le plus professionnel possible quand les objectifs s’approchaient.

On a pu constater ta régularité. C’était une volonté ?

C’est quelque chose qu’on m’a souvent fait remarquer, et je pense que c’est finement dosé avec mon entraîneur Maxime Latourte. C’était effectivement un choix de pouvoir répondre présent durant toute l’année. L’an prochain, ce sera un petit plus compliqué avec des charges de travail un peu plus importantes. En tout cas, je ne me suis jamais senti fatigué cette année et on a réussi à surfer sur la forme tout du long sans que je n’éprouve un vrai besoin de souffler. Je pense que ça m’a aussi fait du bien mentalement de me dire qu’à chaque fois que je prenais le départ d’une course, je pouvais essayer de faire quelque chose. Ça m’a maintenu vraiment motivé. Est-ce que j’aurais parfois pu mieux faire encore en accumulant plus de charges en amont de certains objectifs ? Je l’espère, mais on n’en a jamais vraiment discuté avec Max car ce fonctionnement m’allait bien cette année.

Ta victoire sur la Course de la Paix a-t-elle agi comme un déclic ?

Elle est surtout venue confirmer le début de saison que j’avais effectué. J’étais toujours là, sans véritablement gagner, mais j’étais tout le temps là. Gagner, c’était une sorte de confirmation, de consécration. Je voulais me prouver que j’étais capable de lever les bras, mais le faire sur une telle épreuve, je ne m’y attendais pas nécessairement. Ensuite, quand la confiance s’installe, ça aide beaucoup.

Quelle est l’importance de ta troisième place sur la Polynormande avec la WorldTeam ?

C’est un beau résultat, mais même si j’étais avec l’équipe WorldTour, je l’ai abordée comme n’importe quelle course avec l’équipe de France ou La Conti. Évidemment, ça fait du bien car c’est un résultat assez important. Il intervenait juste avant le Tour de l’Avenir, c’était presque l’idéal. C’était une petite surprise pour moi, ça a de nouveau gonflé ma confiance, et ça m’a prouvé que j’étais capable d’être performant sur un terrain un petit peu différent avec un scénario également différent, en échappée.

Quelle est la plus grosse performance de ta saison, selon toi ?

La dernière étape du Tour de l’Avenir m’a marqué. Il y avait forcément un peu de fatigue accumulée, mais pouvoir terminer cinquième en haut d’un col d’une heure, c’est quelque chose qui comptait beaucoup pour moi. J’avais besoin de me prouver que j’avais des capacités pour ce type d’efforts. Ça m’a fait du bien de ce point de vue, ça a confirmé le genre de coureur que je crois être. Ça a été un jour important, c’est clair. Intrinsèquement, c’est peut-être ma plus grosse performance de la saison : une heure de montée, face à soi-même, sans aspiration, sans tactique, où il faut juste « bourriner ».

Après deux ans au sein de « La Conti », quel regard portes-tu sur ta progression ?

Je ne suis plus le même coureur que quand je suis arrivé. L’équipe m’a franchement fait passer un gros cap. J’ai progressé là où je le souhaitais. Je suis là où j’espérais arriver. Mon ambition n’était pas de gagner telle ou telle course, mais d’atteindre ce niveau. Sur les efforts type « seuil » en montagne, je sens que j’ai vraiment passé un gros cap, j’ai aussi continué de progresser dans les efforts « punchy ». J’ai la chance de pouvoir dire que tout se déroule un peu comme je le souhaitais, donc encore une fois, j’en profite. Il reste beaucoup de travail, mais je suis très bien entouré et je ne manque de rien. C’est aussi pour cette raison que j’ai souhaité continuer l’aventure avec Groupama-FDJ. Une confiance mutuelle s’est installée. Ce sont eux qui m’ont tiré vers le haut, ils m’ont vraiment développé et j’espère que je vais continuer à progresser, encore et encore, pour aller chercher le plus haut niveau mondial avec ce maillot.

Tu nous disais en début d’année que « passer au sein de l’équipe WorldTour était devenue [ta] priorité ». Maintenant que c’est acté, qu’est-ce que ça représente ?

C’est une fierté, d’autant que c’est l’équipe qui m’a offert mon premier contrat professionnel. Ils m’ont fait confiance quand je sortais d’Espoir 1. Un lien s’est créé, et ça ne me laisse pas indifférent. De toute manière, je me suis dit que s’il y avait des résultats, le contrat viendrait avec. Je ne me disais pas : il faut que je passe à l’échelon supérieur. Je me disais juste qu’il fallait que je prouve que j’avais ma place. Je devais montrer à l’équipe de quoi j’étais capable. J’ai été rassuré assez tôt via des discussions avec le staff. Quand ils m’ont dit qu’un contrat m’attendait : je me suis dit « maintenant on continue de confirmer et on met les bouchées doubles ! ». Ça enlève une petite pression, on y pense un peu moins, mais j’ai gardé la même motivation : faire des résultats. Ça n’a rien changé à ma manière d’aborder les courses ou même de les préparer.

Te visualises-tu déjà coureur WorldTour en 2025 ?

J’ai eu un peu de temps pour le réaliser, d’autant que j’ai eu l’occasion de faire plusieurs courses avec la WorldTeam, dont le Tour de Luxembourg dernièrement. Je sais aussi que ce n’est qu’un point de passage. Le but ce n’est pas juste de passer à l’échelon supérieur. Il faut garder la motivation car je fais du vélo pour faire des résultats et gagner des courses. C’est vraiment ce qui m’anime, et je sais que la marche est vraiment très haute. Tu as beau jouer avec les meilleurs Espoirs, lorsque tu arrives en WorldTour, tu n’es absolument personne. Tout est à refaire, et ça me plaît bien à vrai dire de devoir faire mes preuves.

Grâce aux échanges entre Conti et WorldTour, tu n’arriveras pas en terrain inconnu.

C’est vrai que les échanges permettent de se rendre compte d’où on en est dans un peloton professionnel, de savoir ce qu’il faut encore travailler. On se situe un petit peu mieux. Ça permet aussi de prendre des marques avec le staff et avec les coureurs, et tout ça facilite aussi le passage à l’échelon supérieur. Je n’ai peut-être pas disputé assez de grandes courses pour engranger de l’expérience à proprement dit, mais je dirais que ça m’a permis de me rendre compte du niveau requis pour performer, et c’est toujours mieux que si je n’avais pas eu ces opportunités.

Philippe Mauduit a notamment mis en avant tes qualités tactiques. C’est quelque chose qui te caractérise ?

C’est gentil de la part de Philippe. En tout cas, j’essaie toujours de rester calme en course, de me poser, d’analyser la situation, et de comprendre qui fait quoi. Ensuite, j’essaie de sentir quand c’est le bon moment, de flairer le bon coup, mais ça ne marche pas à chaque fois (sourires). Ça passe aussi par la connaissance de ses adversaires et du terrain.

Dans quel domaine souhaiterais-tu progresser dans les mois à venir ?

J’aimerais continuer à progresser en montagne et au niveau du punch. La montagne et les classements généraux, c’est ce qui me fait rêver depuis que je suis petit. C’est ce qui m’a mis au vélo. Ça passera par beaucoup de travail mais aussi par les conseils des plus anciens, comme David. J’aimerais conserver ce profil de grimpeur-puncheur. On a encore pu voir avec David au Luxembourg que le punch sert à gagner des courses. C’est une qualité importante à entretenir. Le puncheur, c’est le coureur qui gagne des courses, avec le sprinteur. N’avoir que la fibre lente du grimpeur, je ne pense pas que ce soit l’idéal.

Le profil de David t’inspire ?

C’est sûr. En plus, j’ai fait chambre avec lui au Luxembourg. C’est vraiment un coureur que j’apprécie, dans son profil et dans sa manière de courir. J’ai hâte de pouvoir travailler avec lui. En plus, il est Breton ! Au Luxembourg, il m’a donné quelques conseils en courses mais de manière générale, il était surtout là pour me rassurer, sur mon niveau, mon potentiel, et sur les échelons à franchir. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il a été comme un grand frère, mais il m’a pris sous son aile et m’a vraiment rassuré.

Qu’espères-tu de l’année prochaine ?

Avant tout de découvrir le plus haut niveau, les courses WorldTour, les Classiques, les courses d’une semaine. Évidemment, j’aimerais bien faire mon premier Grand Tour, mais seulement si mes qualités physiques me le permettent. Si tu n’as pas le niveau pour faire un Grand Tour, ça ne sert à rien de te faire taper dessus pendant trois semaines. Je vais évidemment m’entraîner pour faire des résultats parce que c’est ce qui m’anime, mais encore une fois, le niveau est extrêmement relevé aujourd’hui, et ce dès l’Australie en janvier. Toutes les courses sont très dures à gagner. Cette première année me permettra d’engranger de l’expérience, de me faire de la caisse. On verra s’il y a des résultats, mais je ne vais pas trop me prendre la tête avec ça, d’autant que je ne pense pas que ce sera mon boulot l’an prochain.

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