Arnaud Démare est rayonnant. Vainqueur convaincant de Binche-Chimay-Binche mardi, le leader de l’équipe FDJ se sait en grande condition avant Paris-Tours qu’il rêve de gagner, 10 ans après Frédéric Guesdon, et surtout le championnat du monde qu’il prépare depuis le mois de juillet. Tous les indicateurs sont au vert et il en profite même pour envisager la saison prochaine avec le renfort des deux Italiens Jacopo Guarnieri et Davide Cimolai.
Arnaud, gagner à Binche ce n’est pas gagner à San Remo mais la manière que tu as employée mardi a marqué les esprits ?
A Binche, le final était approprié avec une bosse pavée pour épailler avant le sprint. Je n’ai pas attendu pour faire 2e et 3e, j’ai lancé de loin. Et je domine Stybar et Van Avermaet. Du beau monde. Dis-moi le nom du deuxième et tu sauras la course que tu viens de gagner… Je vois que Stybar n’a pas pu me remonter. Cela faisait un bout de temps que j’avais de bonnes jambes mais que je ne gagnais pas. C’était frustrant.
Justement, il y a eu des moments ces dernières semaines où tu as douté ?
J’ai douté quand je suis tombé au Tour du Poitou-Charentes après une chute à Hambourg. Là, oui, j’ai douté. Avant, j’avais enchaîné les problèmes techniques, ça m’agaçait mais avec ces deux chutes, il y avait de quoi se poser des questions. Hambourg était un objectif et je tombe. La gamelle, le dernier jour en Poitou-Charentes, ça me met dedans pour Plouay. Je n’étais pas remis et j’ai eu de mauvaises sensations, j’ai eu peur que ce soit long. Finalement, je me suis rassuré dans la Brussels Classic (2e). J’avais les bonnes bases mais il était temps de gagner. Là, ça se voit parce que je gagne mais dans l’Eneco Tour, j’avais aussi de bonnes jambes. Je finis 21e d’un chrono de 9 kilomètres avec de vrais rouleurs du Word Tour.
Mais ça ne s’est pas vu dans les sprints ?
Franchement, c’est devenu super compliqué. Aujourd’hui, toutes les équipes ont un sprinteur et veulent prendre le manche. Avant, il y avait la guerre à 3 équipes. Là, c’est toutes les équipes. Dans le final, chacun met son bout et ça devient plus aléatoire parce que le niveau est de plus en plus homogène.
Marc Madiot a vivement renforcé ton train pour l’année prochaine ?
Je dois dire que la venue de Guarnieri que je vois vraiment travailler toute l’année auprès de Kristoff, c’est super. C’est de bon augure. Je suis super content et lui aussi est motivé. Cimolai qui a signé la semaine dernière, c’est une bonne recrue aussi. Lui est plus leader aujourd’hui et va être plus équipier et lanceur la saison prochaine. Ce sont deux vrais renforts pour l’équipe. Et ce sera bon aussi pour Marc Sarreau qui progresse et a besoin d’être guidé. Avec Guarnieri, on a des contacts de temps en temps. C’est un coureur qui connaît son job et en plus il fait les classiques. Puisqu’on parle des recrues, je veux dire que la venue de Kono (valovas) m’a fait beaucoup de bien cette année. Mon équipe m’a fait grandir depuis mes débuts et maintenant des coureurs viennent et me prennent avec ce que j’ai fait. Leur regard est différent de celui des coureurs qui m’ont vu grandir. La confiance est partagée.
La venue de Cimolaï doit te permettre de partager un peu les responsabilités parfois ?
J’ai fait toute cette année à 100%. Pour tous les sprints. A force, c’est psychologiquement fatiguant. Davide va me permettre de souffler dans certaines étapes et dans certaines courses. Je vais pouvoir courir aussi pour faire des kilomètres et me préparer. Cette année, je n’ai pas pu le faire. Enfin je pense que le renfort des ces coureurs, surtout, va me permettre de gagner plus.
En juillet, pendant le Tour de Wallonie, tu nous parlais de ta préparation au championnat du monde. Nous y sommes mais ç’a été long !
Oui, c’était long mais ne pas faire le Tour m’a laissé de la fraicheur. En Wallonie, j’étais en reprise mais j’avais senti que ça se passerait bien. J’ai enchaîné les courses, l’Arctic Race of Norway, Hambourg, le Poitou-Charentes, Plouay, Brussels Classic, Fourmies et l’Eneco Tour et j’avais des temps de passage dans les courses importantes. J’ai bien géré avec mon entraîneur Julien Pinot. Je savais devoir en garder sous la pédale en juillet et août pour m’exprimer en fin de saison. La victoire à Binche me réconforte dans mon travail.
Et quand tu passes un peu au travers comme au Tour de l’Eurométropole, tu ne te poses pas de questions ?
Une journée ça passe mais si j’avais enchainé ce genre de performances, j’aurais eu du mal. Dans cette course, dimanche, les conditions étaient spéciales, Il faisait 11° avec la pluie, j’avais froid. J’étais rassuré d’avoir pris la bonne bordure mais ç’aurait été la panique pour le Qatar si je n’en avais pas été capable. J’ai couru 3 heures mais j’ai bien bossé. Après, j’ai senti que ce n’était pas la peine d’insister dans le deuxième groupe. Moralement c’était dur mais c’est rare.
Le fait d’avoir couru souvent (et gagné) au Qatar sera-t-il un avantage ?
Le Qatar, oui je connais. Je sais où je mets les pieds. Je sais comment les bordures se montent là-bas. Dans le désert il y 30 kilomètres dans un sens, et tu tournes et tu sais que tu vas reprendre le vent. Tout le monde sait que ca va bordurer. Tout le monde veut y être et il faut le bon timing. J’ai appris à le faire avec Yoann Offredo. J’espère qu’il ne fera pas trop chaud pour que la course soit ce qu’elle est doit être. Les 150 kilomètres dans le désert, j’en ai besoin. Le défi pour moi maintenant est d’être psychologiquement prêt.
Quelle différence avec le championnat du monde à Richmond il y a un an ?
J’avais le Tour dans les pattes. J’étais épuisé. Là, je suis super bien. J’ai envie de courir. Le Tour laisse des traces et en 2015, je sentais qu’il était temps que ça se termine.
Est-ce que ça t’ennuie qu’on te pose toujours des questions sur Bouhanni ?
Ca m’embête, je vois des trucs un peu stupides comme ‘’on n’est pas capable de se parler’’, ‘’on se fait la guerre’’. Moi, je peux dire qu’on s’est parlé un quart d’heure dans une course récemment, ça va. On a marché ensemble au début de notre carrière, on nous a mis en opposition. Je le vis depuis que je suis chez les pros. Je suis habitué.
Est-ce une bonne idée que vous ayez chacun votre garde rapprochée au Qatar ?
Oui il y en aura 4 d’un côté, 4 de l’autre. Bernard Bourreau a pris les coureurs qui ont l’habitude de courir avec Démare et Bouhanni. Si Coquard avait été là, j’imagine qu’il aurait sélectionné Yohan Gène et Angelo Tulik en plus de Petit. Au Qatar, Adrien aura sa place dans les bordures et depuis le Mondial de Copenhague, on sait ce qu’il est capable de faire.
Selon toi, quelle sera la clé de ce Mondial 2016 ?
Le vent et la chaleur. Le premier adversaire c’est la météo. Il va bien falloir le gérer, on peut tomber comme des mouches. Tout est possible. Et le vainqueur ne sera pas forcément un sprinteur. Ce pourra être un mec comme Terpstra ou encore Sagan qui passe partout. Un coup de vent peut tout anéantir. Et ça peut être une course cadenassée parce que ça se court par nations. Ce ne sera comme Etixx-Quick Step en février. Oui, il peut y avoir 150 mecs au sprint ou bien 40. Tant que l’on ne sera pas sur le circuit final de Pearl, ce sera méfiance et il faudra courir devant… Et puis le circuit est sinueux, ce ne sera pas la peine de prendre des relances en centième position. Il faudra rester devant…
Comment abordes-tu Paris-Tours dimanche ?
Je suis déçu que les organisateurs aient enlevé les bosses du final, ce n’est pas le même Paris-Tours. Les organisateurs de l’Eneco Tour ont fait ça aussi, il y avait plus de sprints que d’habitude. Cette année, c’est un Paris-Tours « spécial Mondial ». L’an prochain j’espère un retour à la normale mais dimanche je vais prendre le départ, comme toujours, pour gagner. Et puis je pars au Qatar le 12 octobre. Dans une semaine.
Aucun commentaire