Ma saison s’est finalement terminée assez tard car on a prolongé avec l’équipe après le Tour de Lombardie pour deux belles courses en Vénétie. Ensuite est venu le moment de couper et de profiter un peu des vacances. Nous n’avons pas fait de grand voyage car notre petit est né le 15 février, et il était donc encore un peu jeune pour cela. On en a donc profité pour rendre visite à la famille de ma compagne en Lozère. On est aussi allés passer un peu de temps à Chamonix. Ce n’est pas très loin de la maison, mais ça permet de couper et de changer d’ambiance. J’ai aussi un peu profité de sorties extra-sportives avec mes amis et ma famille. En vue de l’Australie, j’ai en revanche observé trois semaines de coupure au lieu d’un mois. J’ai repris progressivement, mais pas que par le vélo. J’aime beaucoup courir également, surtout en trail, et la région où j’habite s’y prête bien. Ça m’a permis de me changer les idées.

Comment se sont déroulées ta reprise et ta préparation ?

J’ai dû adapter ma préparation, mais sans que cela engendre de grands bouleversements. La reprise s’est faite de manière progressive mais elle a aussi été plus spécifique plus rapidement. Ça m’allait bien, car je n’aime pas trop « perdre mon temps » quand je reprends l’entraînement. Je suis allé sur Nice avant le stage de décembre et on avait déjà commencé le travail spécifique avec mon entraîneur Nicolas Boisson. Ensuite, le stage de décembre à Calpe s’est déroulé légèrement différemment pour le groupe « Australie ». On a fait un peu plus de spécifique et aussi un peu plus d’heures. J’ai même prolongé le stage de trois jours pour ensuite bien couper pour les fêtes et éviter d’engendrer de la fatigue. Je suis vite retourné sur Nice après le Nouvel An, afin de faire un dernier bloc de travail très spécifique en préparation du Tour Down Under. Ça s’est relativement bien passé, même si j’ai connu une chute qui a décalé mon bloc d’entraînement d’un jour. C’était une chute bête mais j’ai eu assez mal sur le moment. Ça m’a mis un coup au moral sur le coup car je me suis dit que je devais peut-être déjà faire une croix sur la campagne australienne. Mais le lendemain, une fois sur le vélo, je me suis rendu compte que tout allait bien. J’ai pu reprendre ma préparation, bien travailler, le voyage s’est très bien passé, tout comme les premiers jours en Australie. Pour l’instant, tous les voyants sont au vert.

Faire cette campagne australienne justement, c’était un souhait de ta part ?

Je m’y suis intéressé assez rapidement en cours d’année passée. J’en ai discuté une première fois sur le Tour du Pays Basque en plaisantant avec Jussi, qui était mon directeur sportif référent. Au fil de l’année, j’ai continué à dire que j’étais motivé, et ça fait aussi partie de la beauté de notre métier de pouvoir voyager et découvrir de nouveaux horizons. J’ai aussi pu demander à Jussi de me renseigner sur le parcours, et je me suis rendu compte ces derniers temps que c’est sur ce type de profils punchy que je m’exprimais le mieux. C’était une vraie motivation, et je l’avais en tête depuis un bon moment. Ça correspondait aussi parfaitement aux plans de l’équipe, donc on est partis là-dessus et j’en suis très content.

L’acclimatation à la météo locale s’est-elle faite sans difficultés ?

J’ai toujours adoré la chaleur et on a aussi beaucoup travaillé en préparation sur le cycle d’acclimatation chaleur. J’ai notamment fait des séances de bain chaud/sauna, qui n’est pas ce qu’il y a de plus désagréable. En revanche, l’inconvénient est qu’il a aussi fallu faire des séances sur home trainer en étant un peu sur-habillé. Or, je ne suis vraiment pas fan du home trainer, mais il fallait passer par là. Depuis notre arrivée, on n’a pas eu de vraie canicule. On tourne autour de 36-37 degrés, c’est vraiment très plaisant et je n’ai ressenti aucun mauvais effet.

Physiquement, comment te sens-tu ?

À l’heure d’aujourd’hui, je me sens déjà vraiment bien sur le vélo. Comme je l’ai dit, les sensations reviennent plutôt vite me concernant. Je ne calcule pas ma préparation pour faire en sorte de ne pas être à 100% tout de suite. Car si je peux être à 100%, gagner sur le Tour Down Under, quitte à rentrer à la maison un peu fatigué, ça ne me pose aucun problème ! Les entraîneurs et les directeurs sportifs ont aussi très bien travaillé, et j’ai un programme vraiment adapté par la suite. Je pense que je ne serai pas loin de mon meilleur niveau ici, si tout va bien et que ma préparation continue d’être optimale comme elle l’a été jusque-là.

Ce Tour Down Under est-il un objectif important pour toi ?

L’équipe m’a beaucoup donné l’année passée, j’ai progressé, et je pense aussi que j’ai pas mal apporté. Avec Quentin [Pacher], on sait qu’on a des occasions de pouvoir briller par nous-mêmes sur ce genre de course. Ce serait quand même dommage de se dire qu’on va en Australie juste pour le voyage et pour changer la routine. Si on est là, autant bien se préparer et essayer de viser haut. Il y a un très gros plateau en face mais on vient là avec de vraies ambitions. On va faire notre maximum. Le classement général va se décider sur les profils qu’on apprécie beaucoup, logiquement sur les étapes 3 et 5. Il y a toujours des étapes un peu piégeuses, mais sur le plan physique et sportif, ça devrait normalement très bien nous correspondre. Personnellement, j’aimerais bien remercier l’équipe avec un gros résultat ici.

À quoi aspires-tu ?

Remporter une étape serait incroyable. Et si tel est le cas, cela voudrait dire que je suis aussi en capacité de faire un très bon classement général. L’idée sera en tout cas de m’exprimer et de saisir les opportunités. Le circuit final de la troisième étape sera vraiment très accidenté, propice à des attaques. Si je peux me retrouver dans un groupe qui se joue la gagne ce jour-là, ce serait top. Et si je suis capable de jouer la gagne ce jour-là, je devrais pouvoir être de la partie à Willunga, même si ce sera probablement plus en mode « rouleau-compresseur ».

C’est aussi une occasion de tenter ta chance sur une course WorldTour ?

Je ne suis déjà pas passé loin de gagner une étape et un classement général en WorldTour, sur le Tour de Guangxi, mais j’étais à l’époque chez Cofidis (2023, ndlr). L’année passée, je me suis rendu compte, avec du recul, en fin de saison, que j’aurais pu saisir personnellement certaines opportunités, et l’équipe me l’a dit aussi. C’est vraiment le point positif de notre présence en Australie. Avec Quentin, on va vraiment pouvoir être leaders de l’équipe, et si ça fonctionne bien, ça peut nous donner confiance à titre personnel, et faire en sorte que l’équipe nous fasse de nouveau confiance plus tard dans la saison. Sur un Grand Tour, il est clair qu’on est moins capables de briller que nos leaders. On apprécie énormément de travailler pour les autres, donner de notre personne, mais ce qui nous anime, c’est aussi l’adrénaline de jouer la gagne. Je pense qu’on a vraiment l’occasion de saisir cette opportunité ici. Et puis, si les premières courses marchent bien, ça donne envie aux copains, qui sont devant la télé, de faire pareil.

Tu entames ta deuxième année avec l’équipe. Comment s’est déroulée la première ?

Déjà, je veux vraiment remercier l’équipe de m’avoir fait confiance l’année passée. Dès le départ, j’ai senti que l’équipe avait une vraie idée de la performance. Ça m’a beaucoup changé, et ça m’a aussi apporté beaucoup dès le début de saison. Ça a très bien marché d’emblée. On a gagné grâce à Kevin sur La Marseillaise, j’ai pu être acteur de sa victoire. À Bessèges, même si on n’a pas gagné, j’ai aussi pris beaucoup de plaisir personnellement et j’ai pu être performant. J’ai aussi été inclus au groupe pour le Tour avec une bonne partie des meilleurs coureurs de l’équipe. Tout se déroulait très bien. Même si je brillais moins par les résultats, je brillais dans ma façon d’aider l’équipe. J’étais performant de manière régulière jusqu’à ma reprise sur le Critérium du Dauphiné, où j’ai chuté et été victime d’une commotion. Ça a mis un petit coup d’arrêt à ma saison. Pendant un mois, j’avais du mal à mettre un pied devant l’autre. Je n’arrivais pas à monter les escaliers à la maison. Je suis ensuite reparti avec l’objectif Vuelta. La reprise s’est bien passée avec le Tour de Burgos et la Clasica San Sebastian, puis le début de Vuelta était très bon avant qu’une maladie ne me mette complètement KO. Ma fin de saison a été un peu plus compliquée, même s’il y a aussi eu du positif. En résumé, mon niveau de performance s’est élevé la saison passée, mais j’aurais aimé le traduire par davantage de gros résultats. Ce sera un peu l’objectif cette année.

Malgré les pépins, t’es-tu senti en pleine possession de tes moyens à certains moments ?

Je n’ai pas eu cette sensation de plénitude toute la saison, mais je pense que j’étais à 100% sur quelques courses. Par exemple, lors du début de saison à Bessèges. Je me suis aussi découvert de plus en plus capable de jouer la gagne sur des étapes punchy, ou des petits sprints montants. En Catalogne, j’ai fait sixième de la première étape. À Burgos, j’ai fait quatrième alors que j’ai fourni un effort de 800 mètres pour lancer notre sprinteur. Ces jours-là, j’étais vraiment à 100%.

Tu t’es aussi échappé sur les deux Monuments auxquels tu as participé…

Paradoxalement, ce sont deux périodes lors desquelles j’étais un peu amoindri. Sur Liège-Bastogne-Liège, j’avais quelques problèmes d’allergies, mais j’ai su prendre l’échappée et être performant. Sur le Tour de Lombardie, je sortais d’une belle gastro, mais je m’étais bien remis et j’avais pu faire une bonne journée à l’avant, en sortant en costaud dès le départ. Ça reste forcément de bons souvenirs.

Qu’en est-il de ton intégration et de ta position dans l’équipe ?

Je suis arrivé ici dans un rôle de pur équipier. Je me plais énormément dans ce rôle, et au fur et à mesure, on m’a aussi donné quelques opportunités de faire des résultats. J’apprécie aussi prendre un peu de leadership. J’ai aussi été quelques fois capitaine de route. C’est une mission que j’ai beaucoup aimée, car même si je ne suis pas un vieux, j’ai quelques saisons dans les jambes et un peu d’expérience, surtout sur des courses que j’ai déjà disputées. Pour ce qui est de l’intégration, je m’inclus généralement assez vite dans un groupe, et je pense aussi être inclusif pour les jeunes. Je suis un peu le boute-en-train (rires), mais ça me plaît d’être comme ça. J’ai besoin d’être optimiste et positif.

Quels objectifs te fixes-tu pour 2025 ?

D’abord de remplir mon rôle d’équipier. Par exemple, mon premier gros objectif auprès d’un leader, en l’occurrence David, sera l’enchaînement Tour de Romandie-Giro. Je veux être à 100% de mes moyens afin de pouvoir l’accompagner le plus loin possible. Mon objectif sera aussi d’être régulier dans mon niveau de performance. Si tout se passe comme je l’espère, je devrais être en mesure de saisir les opportunités qui se présentent, d’autant que je n’ai toujours pas gagné de course chez les pros. Ce sera aussi un objectif, quelle que soit la course.

La recherche de cette première victoire t’obsède-t-elle ?

Pas du tout, mais parfois, je me rends compte que j’en ai largement les capacités. Si toutes les planètes sont alignées, que j’ai de super jambes, et que tout se déroule à la perfection, je sais que je suis capable de gagner des courses. Mais ça ne m’obsède pas. Je fais mon maximum, je fais ce que je sais faire et je fais confiance à l’équipe. Quand ça devra sourire, ça sourira. La saison passée, quand je marchais fort en début de Vuelta, j’avais vraiment en tête de jouer une victoire d’étape en prenant une échappée. Malheureusement, ça s’est toujours mal goupillé. Il faut réussir à saisir les bonnes opportunités au bon moment. Quand je m’entraîne, c’est pour être le plus performant possible, et être le plus performant possible, ça veut dire gagner en fin de compte. Maintenant, tout dépend de l’équipe dans laquelle je suis, dans le groupe dans lequel je suis, avec quels leaders, et du profil de la course. Auquel cas, je peux aussi utiliser mes capacités acquises à l’entraînement pour aider un coéquipier à gagner.

Quel sera ton programme après la campagne australienne ?

En rentrant d’Australie, je partirai en Algarve, où il y a sûrement des opportunités à saisir avec Romain. J’espère qu’il pourra compter sur moi pour l’aider à gagner une étape, ou mieux. Ensuite je serai sur O Gran Camino, où l’équipe sera partagée entre coureurs de la WorldTour et de La Conti. Je prendrai du plaisir à courir avec les plus jeunes et j’aurai sûrement aussi un leadership sur une course qui me correspond très bien. Ensuite, je retrouverai des leaders sur les Strade Bianche et sur le Tour de Catalogne. Puis, je basculerai avec David sur le Tour de Romandie et le Giro, où je pourrais aussi avoir des opportunités d’aller de l’avant.

Tu es arrivé en WorldTour à 24 ans. Comment juges-tu l’évolution de ta carrière depuis ?

J’ai passé trois ans chez Cofidis, où j’ai très vite progressé, mais j’ai retrouvé un nouvel élan chez Groupama-FDJ l’année dernière. Je me sentais vraiment comme un néo-pro. L’ensemble de mon profil a progressé. Je sens que je m’améliore au fil des années, sur la répétition des efforts, sur la gestion des efforts. Je suis de plus en plus capable de fournir un effort décisif en fin de course difficile. Je sens que je rentre dans mes belles années. Déjà la saison passée, j’étais toujours prêt quand je devais l’être, mais le sujet était plutôt sur la construction de mes courses. Gagner, ce n’est pas inné pour tout le monde. Il faut comprendre comment ça se passe, et c’est en étant capable de jouer la gagne régulièrement qu’on le comprend. En écoutant des coureurs de mon profil, comme Rudy ou Quentin, je me suis aussi rendu compte que lorsqu’on a des opportunités, il faut savoir optimiser son effort tout au long de la course. Quand on sent qu’on a la jambe, parfois il faut être patient, parfois il faut savoir anticiper. Ça dépend des courses et c’est aussi la difficulté. Je peux encore gagner quelques pourcentages sur ma capacité de lecture de course dans le money time, dans les moments décisifs.