Assimilé à Napoléon dans les colonnes de la Gazzetta dello Sport vendredi matin, Arnaud Démare est effectivement en conquête sur le Giro. Au terme de la septième étape à Brindisi, au lendemain de son impressionnante victoire à Matera, le champion de France – pour l’occasion paré du maillot cyclamen – a ainsi décroché son troisième succès sur l’épreuve. Le tout après un travail collectif encore remarquable et à la suite d’un sprint houleux, où il a su faire respecter son rang. Son compteur annuel grimpe à treize victoires et son maillot cyclamen s’en voit renforcé, avant une éventuelle nouvelle opportunité samedi.
« Les gars ont couru intelligemment », Sébastien Joly
C’est dans un cadre des plus somptueux, à Matera, que le départ de la septième étape du Tour d’Italie a été donné ce vendredi, en début d’après-midi. Une étape relativement courte, de 143 kilomètres, mais dont le principal danger était connu de tous. « Il y avait du vent toute la journée, rappelait ainsi Sébastien Joly. Mais dès hier, les gars étaient prêts à être dans le match. Ils savaient ce qui les attendait et ils étaient hyper motivés. Ramon, notamment, avait à coeur d’apporter sa pierre à l’édifice après deux jours difficiles. Ça a très vite borduré, ils se sont retrouvés à une trentaine devant, et la majorité de nos gars étaient là. Quand tu es d’entrée dans le match, comme nous l’avons été, c’est clairement annonciateur d’une belle journée. ». L’échappée sortie dès les premières minutes a été très vite neutralisée par le coup de force des formations Deceuninck-Quick Step et Jumbo-Visma, qui ont repoussé quelques uns des favoris au général à des échelons plus lointains. Cela a de fait bagarré pendant plus d’une heure avant que les groupes attardés ne viennent finalement regonfler le premier peloton. « Notre intérêt à nous, c’est d’avoir le maximum de gars dans le final pour le train d’Arnaud, expliquait Sébastien. Il est certain que si on met beaucoup trop de forces dans la bataille, dans ce genre de bordures, il va automatiquement nous en manquer sur la fin. Les gars ont couru intelligemment, ils étaient là, bien abrités mais n’en ont pas trop fait ».
Avant le premier sprint intermédiaire, situé après 66 kilomètres, tout est donc revenu à la normale. Simon Pellaud et Marco Frapporti, déjà à l’initiative en début d’étape, sont alors repartis de l’avant et ont ainsi devancé les sprinteurs dans leur collecte des points pour le maillot cyclamen. Porteur de cette même tunique ce vendredi, Arnaud Démare a pris la quatrième place de ce premier point chaud. « Ensuite, le vent a faibli et n’était plus franchement propice aux bordures. C’est quand même resté assez tendu et il y a d’ailleurs eu une grosse chute », détaillait Sébastien. Une nouvelle fois, un regroupement général s’est malgré tout opéré alors que Miles Scotson était également victime d’un petit accident, heureusement sans dégâts. L’Australien était de fait bien opérationnel pour le final, comme le reste de l’équipe. « Avec le vent de face, ça faisait rideau jusqu’à trois kilomètres de l’arrivée, poursuivait Arnaud Démare, encore précédé par cinq coéquipiers à l’entrée dans les dix dernières bornes. On savait que ce serait un vrai sprint aujourd’hui, où la totalité des sprinteurs seraient au rendez-vous. Naturellement, ça a donc frotté fort à l’entrée de la ville. La route est ensuite devenue plus étroite et sinueuse, et on était bien placés ». Constamment aux avant-postes dans la poignée de virages étirant le peloton dans le final, la Groupama-FDJ a toutefois dû s’ajuster en cours de route.
« Ils sont sur une belle lancée et on ne va pas les arrêter », Sébastien Joly
« On a dû inter-changer les rôles, précisait le champion de France. Ça s’est fait à l’instinct. Ramon subit un pépin à un kilomètre, et immédiatement, on échange quelques mots. Jacopo dit à Miles « prends le rôle de Ramon ». Kono, qui avait déjà fait beaucoup d’efforts au préalable, marche tellement qu’il avait encore la force de répondre présent. C’est un homme à tout faire et il était là à 800 mètres de la ligne ». « Le plus impressionnant aujourd’hui, enchaînait Sébastien, c’est que ce sont Kono et Miles qui lancent Jacopo. Miles avait sans doute à cœur de se racheter après le cafouillage de la quatrième étape, et c’était un vrai plaisir de voir Kono à ce moment-là. C’est la belle histoire du jour. Les gars sont en capacité de s’organiser en fonction de chaque arrivée. C’est une intelligence collective qui est à souligner ». En quelques mots, répétés à deux reprises sur les antennes, Arnaud Démare synthétisait : « J’ai une équipe de ouf ! C’est extraordinaire ». Alors lâché à 250 mètres du but, le Picard a d’abord pris l’aspiration de Davide Ballerini avant de se porter sur la droite de la route et résister à Sagan. « Ça a beaucoup joué des coudes, disait-il. J’ai un peu attendu, je ne voulais pas lancer trop tôt. Le vent était de 3/4 face, ce n’était pas évident. Au final, je lance bien mon sprint et je réussis à garder Sagan au pédalier. Une nouvelle fois, le sprint n’était pas parfait, mais on l’a emporté et c’est bien le plus important ».
Sébastien Joly, qui insistait par ailleurs sur le travail du néophyte Simon Guglielmi, « que l’on attendait pas à ce niveau-là dans un final », n’avait de fait « rien à redire » sur la performance collective de ses coureurs. « Ils sont sur une belle lancée et on ne va pas les arrêter », glissait-il. Dès demain, le profil n’est pas complètement propice à Arnaud Démare. Pour autant, le porteur du maillot cyclamen (pour 55 points devant Peter Sagan) n’apparaît pas rassasié. « Ça me paraît compliqué, je suis aussi un peu fatigué, mais on va évidemment se battre, a-t-il promis. Il y a des gros pourcentages en cours de route, c’est surtout ça qui me fait peur. On verra bien, mais pour l’instant, je veux savourer celle-là ».
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