Simon Guglielmi était aux premières loges la semaine passée pour voir Alexys Brunel, son copain depuis la « Conti », briller sur l’Etoile de Bessèges. Mais le Savoyard de 22 ans n’était pas là en spectateur. À l’inverse, il a largement apporté sa pierre à l’édifice en jouant l’équipier modèle dans la défense du maillot de leader pendant plusieurs jours. Une première sortie avec l’équipe World Tour pour le moins enrichissante, qui lui donne non seulement des idées pour la suite, mais qui atteste aussi selon lui de la transition à la fois limpide et efficace de la réserve à l’équipe mère.
Simon, comment te sens-tu physiquement au sortir de ta première semaine de course avec l’équipe ?
Physiquement, ça va bien. C’est une semaine qui m’a fait progresser. Je suis arrivé un peu malade, je n’avais pas fait le Grand Prix La Marseillaise en raison d’un petit virus. Dans l’immédiat, je me sens un peu fatigué mais je sens aussi que dès j’aurai récupéré, ça ira très bien. Je suis dans le bon timing et j’ai hâte d’arriver sur ma deuxième course, le Tour d’Algarve, en espérant que les sensations soient encore meilleures qu’à Bessèges. Mais je ne me fais pas trop de soucis.
« À Bessèges, j’ai déjà progressé et appris »
Ça a été une entrée en matière assez spéciale à Bessèges …
C’est clair ! On ne s’y attendait pas forcément. On gagne dès ma première course avec l’équipe, et encore plus fou, c’est Alexys qui gagne ! Quand j’ai vu le vent sur la première étape, je me suis dit que ça allait être costaud comme rentrée. Au final, j’ai réussi à être dans le match, même si je n’étais pas au top du top. Je suis resté un petit bout de temps avec Valentin [Madouas] dans la deuxième bordure. J’ai aidé à maintenir l’écart puis j’ai fait le dernier tour un peu plus tranquille et j’ai alors écouté dans l’oreillette. J’entendais les encouragements de Thierry [Bricaud], mais je ne savais pas que c’était pour Alexys ! De loin, je me suis dit que ça pouvait le faire, et quand j’ai enfin passé la ligne, j’étais heureux de voir qu’on avait gagné. On ne peut qu’être content quand ça démarre ainsi. Ensuite, ça a été une belle expérience de défendre le maillot tous les jours. Il y avait une bonne cohésion, on s’entendait tous bien. On a réussi à montrer de belles choses sur l’ensemble de la semaine et j’ai pris beaucoup de plaisir sur cette première.
Tu as d’ailleurs eu l’occasion de participer activement à la défense du maillot.
Exactement. Pour ma première course avec l’équipe, j’ai déjà pu me mettre à la planche pour jouer quelque chose d’important. J’ai pris beaucoup de plaisir à travailler, mes jambes peut-être un peu moins (sourires). Dans l’ensemble, c’était quand même super. On m’a bien « drivé », Olivier et Valentin m’ont donné de précieux conseils pour bien gérer le tempo. Au final, je suis content car j’ai déjà progressé et appris, notamment à gérer une échappée. C’était vraiment tout « bénef » pour moi. Commencer par ça, ce n’est pas forcément le plus simple, mais avoir un rôle précis, c’est aussi quelque chose que je recherchais. Je rentre de la course vraiment satisfait.
L’abandon prématuré de Matthieu Ladagnous, l’expérimenté du groupe, n’a pas semblé vous perturber, vous les « jeunes ».
C’est vrai qu’on était tous jeunes, mais le fait de bien discuter au briefing permettait d’être bien préparé en course. Olivier a aussi beaucoup d’expérience et n’hésite pas à la transmettre. Je me suis immédiatement retrouvé très à l’aise dans ce groupe, avec des gens de mon âge et que je connaissais. Je n’ai pas eu l’impression que ça changeait vraiment de l’an passé. Certes ce n’était pas la « Conti », mais je connaissais tout le monde, on rigolait bien et puis on bossait bien sur le vélo.
« Je suis encore plus motivé après cette première course »
Tes anciens collègues de la Conti, Kevin et Alexys, t’ont-ils impressionné ?
On savait ce dont Kevin était capable, il avait déjà montré de belles choses l’année dernière. Concernant Alexys, il était très fort au stage de Calpe. Je savais que physiquement il était capable de faire des belles choses, mais de là à gagner comme ça, j’ai quand même été surpris, agréablement. Ça donne surtout envie de bien continuer à travailler à l’entraînement, car on s’aperçoit que même en sortant de la Conti, le niveau a beau être élevé, il reste accessible. Il faut juste se donner les moyens d’y arriver.
Voir tes copains « performer », ça a déjà eu l’effet d’un déclic chez toi ?
Exactement. Au début, on ne sait pas trop où on met les pieds, car on n’a pas souvent couru à ce niveau l’année dernière. Mais là, après la première course, je suis encore plus motivé que je ne l’étais juste avant, car je vois qu’il y a moyen de faire de belles choses. Ça donne envie de s’entraîner encore plus, de faire encore plus attention à tous les paramètres. Désormais, j’arrive plus facilement à me projeter, à planifier ma saison, car je vois que le niveau est certes élevé mais accessible. On s’entraîne comme les autres, et même si on est jeunes, il y a toujours possibilité de s’exprimer sur certaines étapes ou certains types de course. Je pense que le déclic aurait pu être plus tardif si l’on n’avait fait aucun résultat de la semaine, qu’on avait subi tous les jours. Le fait qu’Alexys réalise ce qu’il a réalisé, ça m’a aidé à prendre confiance en moi, et de manière globale, ça a aussi gonflé la confiance de l’équipe.
« À la Conti, on était accompagné de A à Z, tous les jours »
En quoi votre année dans la « Conti » vous a-t-elle permis d’être immédiatement opérationnels selon toi ?
Sans être une imitation, la Conti reprend le fonctionnement de la WorldTour. La seule nuance, c’est que certains paramètres sont logiquement un peu moins poussés. Du coup, quand on passe dans la WorldTour, on n’est absolument pas dépaysé. Tout se ressemble. Le staff travaille de la même manière, l’accompagnement est relativement similaire. Tout prend un peu plus d’ampleur mais on arrive déjà en connaissant le fonctionnement, ce qui est très pratique pour prendre ses marques. C’est surtout ça la clé.
Concrètement, que vous a apporté l’équipe Continentale Groupama-FDJ que ne vous aurait pas apporté un cheminement classique ?
D’abord, l’aspect multiculturel, avec des coureurs venant de tous horizons, permet d’apprendre beaucoup de choses. Un Britannique, un Slovène ne voient pas forcément le vélo de la même façon que nous, et c’est quelque chose de très intéressant. Il y a évidemment le fait de courir tout le temps en classe 2. Faire de grosses courses, c’est ce qui fait progresser. Puis, là où se situe vraiment la différence avec une équipe amateur, c’est qu’à la Conti, on était accompagné de A à Z, tous les jours. On pouvait passer au service course, discuter entraînement avec Fred Grappe, les entraîneurs et le médecin était également là pour nous si on avait le moindre souci. Cet accompagnement vraiment poussé, c’est la vraie différence. On se sent constamment soutenu dans notre pratique du vélo.
Vous avez eu l’impression de changer d’équipe à l’intersaison ?
La transition est vraiment douce, d’autant plus qu’on avait déjà fait des stages avec la WorldTour. On avait donc déjà un pied dedans. Ça a peut-être été un peu bizarre au début, pendant 2-3 jours, mais à l’heure où se on parle, j’ai déjà l’impression de connaître cette équipe depuis longtemps. La marche sportive est haute, il ne faut pas se leurrer, il y a quand même deux divisions d’écart. En revanche, la marche d’intégration est vraiment facile à passer et il faut se rendre compte que c’est une chance.
« Voir Alexys performer à Bessèges, ça donne forcément envie de faire pareil »
Avez-vous le sentiment de tracer le chemin et de donner un exemple à suivre aux coureurs qui feront le saut après vous ?
C’est déjà une satisfaction de voir que cinq coureurs de la Conti sont passés pros, dont trois dans la World Team Groupama-FDJ. Ensuite, c’est bien de voir que les coureurs issus de la Conti peuvent immédiatement « marcher » avec la World Team, ça motive tout le monde. Je ne trouve pas qu’il y ait une pression sur nous, c’est au contraire gratifiant d’avoir été les premiers à bénéficier de cette passerelle. Derrière, si nos performances peuvent aider les autres à être encore plus motivés pour la suite, ce n’est que du bonus. Je garde de très bons contacts avec Théo [Nonnez] et Clément [Davy] par exemple. On discute souvent, ils nous posent des questions et ils voient aussi qu’on prend du plaisir. C’est vrai que ça les motive encore plus. C’est sympa à voir et de mon côté je les encourage pour qu’ils se battent, pour qu’ils nous rejoignent.
Selon les circonstances dans le courant de la saison, te sens-tu prêt comme Alexys à dépasser ton rôle initial pour aller saisir ta chance ?
Voir Alexys performer à Bessèges, ça donne forcément envie de faire pareil. Dans un coin de ma tête, je sais que je vais donner le maximum dans cette optique mais je suis aussi conscient que dans ma première année, j’occuperai le plus souvent le rôle d’équipier. Comme on l’a évoqué cet hiver avec Yvon, je serai dans un premier temps 100% axé sur le collectif, mais j’aurai ma chance de temps en temps, selon les scénarios, et il faudra alors essayer de la saisir. C’est aussi très plaisant de travailler pour le groupe, comme à Bessèges, où même si je n’ai pas réalisé de résultats personnels, le fait qu’Alexys gagne et qu’on défende le maillot m’a procuré autant d’émotions que si j’avais moi-même « performé ». C’est aussi pour ça que j’aime le vélo.
Si l’opportunité venait à se présenter, sur quel terrain l’attends-tu ?
Vu mon profil et mes dernières saisons, ce serait davantage sur des courses débridées, typées puncheur, des courses avec successions de petites bosses de 2 à 7 minutes. Ce sont des efforts relativement courts mais que j’apprécie. Ce serait sur des épreuves qui se disputent dans le schéma que je connais, c’est à dire à la bagarre sur plusieurs bosses et arrivée en petit groupe. Quand on m’a appelé pour me dire que j’allais intégrer l’équipe, on m’a dit que j’allais surtout courir en Coupe de France FDJ dans un premier temps, et je pense que ce sont des courses qui me correspondent bien. Ce sont celles qui ressemblent le plus à ce qu’on connaissait chez les amateurs ou en classe 2. Ce sont aussi les courses où il est le plus plausible de faire des résultats puisque le niveau est plus abordable qu’en World Tour.
« Je ne me fixe pas de limites et je vais prendre le temps de découvrir »
Saurais-tu déjà te définir en tant que coureur ?
J’ai encore besoin d’un peu de temps. Comme on le dit souvent, lorsqu’on passe chez les pros, les cartes sont redistribuées. Ce qui est certain, c’est que je ne vais pas m’orienter vers un profil de pur grimpeur. Je n’aurais aucun intérêt à le faire. Sur le Baby Giro (8e) ou le Tour de l’Avenir (16e), j’ai toujours réussi à faire des résultats mais sans être le meilleur. S’il m’arrivait de m’orienter vers ça, ce serait seulement temporairement avec un rôle d’équipier en montagne. Même chose pour les sprints. J’ai déjà réussi à faire de beaux sprints massifs, mais chez les pros, c’est bien plus spécifique. Je pense donc plus m’orienter vers un profil puncheur, sur des ascensions courtes et des courses plus décousues. Je ne me fixe pas de limites pour autant et je vais prendre le temps de découvrir. L’équipe m’a planifié sur différents profils de courses donc j’ai aussi très hâte de voir lesquelles peuvent me correspondre.
Justement, par quelles courses passera ton apprentissage ces prochains mois ?
Mon programme est établi jusqu’au mois de juillet, c’est idéal pour se projeter. Il y aura déjà le Tour d’Algarve, la Drôme Classic et la Classic Sud Ardèche. Puis j’aurai une pause avant de découvrir les semi-classiques du Nord avec Nokere Koerse, la Bredene Koksijde Classic et le Grand Prix de Denain. Ensuite, j’aurai pas mal de manches de la Coupe de France FDJ avec la Route Adélie, la Roue Tourangelle, la Classic Loire Atlantique et Cholet Pays de la Loire. Viendra alors le Tour de Romandie, qui sera ma première épreuve World Tour avec un profil montagneux. Derrière, j’aurai les Boucles de la Mayenne, la Route d’Occitanie, le Mont Ventoux Dénivelé Challenge et enfin le championnat de France. C’est un menu très varié et ça a été fait expressément pour ne pas me fixer de limites et me permettre de découvrir tous les aspects des courses professionnelles. Je suis vraiment content de pouvoir ratisser aussi large.