« D’abord, c’est mon œil qui me guide… ». Depuis la création de l’équipe Française des Jeux, désormais fdj.fr, Yvon Madiot est en charge du recrutement des jeunes, de ceux qui viendront assurer la continuité dans l’excellence. Les résultats obtenus par Yvon sont tels qu’il bénéficie d’une absolue marge de manœuvre pour détecter, guider, recruter les jeunes au sein de la Fondation FDJ et les faire passer professionnels. Au départ, sa recherche des différents profils de coureurs ne s’inscrit pas dans une démarche scientifique, elle repose sur son regard, son intuition, sur du subjectif mais en l’occurrence, la méthode a fait ses preuves. Il nous livre quelques-uns de ses secrets.
« Quand je détecte des coureurs, c’est l’œil qui me guide mais je dois vous donner une state. Cette année, nous avons suivi 9 coureurs espoirs et moi, au coup d’œil, il y en a 7 qui me plaisaient. Après une série d’examens physiques menés par nos entraîneurs, la « machine » a dégagé ces 7 mêmes coureurs !
« L’œil, donc reste important. Et fiable. Physiquement, je regarde comment le coureur pédale, l’allure, la longueur des jambes. Le visage aussi parce que tous les grands coureurs ont une gueule. Et je m’attache à l’association nom-prénom.
Pour moi, l’association Jimmy Casper, ça sonnait bien et ça allait bien à un sprinteur. Il y a eu Sandy Casar. Pour les coureurs d’aujourd’hui, j’ai tout de suite tilté pour les Arnaud Démare, Kenny Elissonde, Nacer Bouhanni…
« Ensuite il y a les courses deux courses qui me servaient de révélateur et malheureusement, elles n’existent plus. C’était la Loire-Atlantique espoirs et le Tour du Haut-Anjou. Pas des courses super dures mais vous pouvez regarder le palmarès, ça ne trompe pas ! C’est dans le Haut-Anjou, par exemple, que j’ai découvert Yoann Offredo et que j’avais remarqué Tejay Van Garderen.
« Aujourd’hui, ce que je recherche le plus c’est le grimpeur, parce qu’il est rare. En France, il manque des courses de grimpeurs. Il y a la Ronde de l’Isard mais c’est moins dur qu’avant. Il me manque l’équivalent du Tour du Val d’Aoste par exemple, trois ou quatre jours de course en haute montagne…
Evidemment, il y a l’œil mais il y a les résultats et généralement ça concorde.
Il y a pour moi trois critères cruciaux : 1) les qualités physiques, 2) les qualités mentales, 3) l’aspect, qu’il ressemble à un coureur.
Quand le coureur est choisi, qu’il poursuit ses études, il entre à la Fondation FDJ et, c’est une nouveauté, il est suivi par les entraîneurs de l’équipe comme les professionnels.
Je le répète, le souci aujourd’hui est qu’il y a peu de courses pour les évaluer. J’ai bien 2 ou 3 grimpeurs mais où les voir en action ? C’est la même chose pour les rouleurs. Il n’y a pas de contre la montre et nos jeunes prennent énormément de retard par rapport aux anglo-saxons pour qui cet exercice est culturel. En France, il y a Sylvain Chavanel, Jérémy Roy qui se sont spécialisés. Il y a Johan Le Bon qui fut l’un des meilleurs jeunes mais a cessé de le travailler quelques temps. Il le travaille de nouveau mais l’occasion de s’évaluer est rare.
C’est un vrai problème. Thibaut Pinot, en passant pro, avait beaucoup de retard. Aujourd’hui il le travaille de plus en plus, il comble une partie de son retard mais il est parti de loin. Pour bien faire, il faudrait 10 contre la montre de plus de 25 kilomètres par saison chez les espoirs. En ce moment, ils ont trois championnats (France, Europe, Monde). C’est insuffisant.
L’an dernier, j’avais un espoir qui a disputé le championnat de France et il m’a dit le soir être content d’avoir fini un contre la montre aussi long !
Nous, de notre côté, on peu changer la donne et leur demander de travailler la discipline mais il n’y a pas de courses ! Comment appréhender la préparation mentale et physique dans ces conditions ?
Tout ça pour dire que trouver des profils de grimpeur, des profils de rouleur, c’est difficile en France.
Sinon, mais c’est un autre aspect de la détection, je recherche désormais des gabarits, parce que pour aller chercher des watts, il faut du physique. Kenny Elissonde est une exception ! Donc, je cherche des coureurs de 1,80 m – Froome montre qu’on peut être grand et être tous terrains – avec de bonnes pattes et qui soient capables d’encaisser des jours de course. En fait, ce boulot est intéressant parce que nos besoins changent souvent… »
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