Benjamin Thomas ne voit pas le temps passer. Depuis ses débuts cyclistes le coureur du Sud-Ouest désormais installé près de Verone, alterne route et piste avec un plaisir et une réussite qui le comblent. Dix jours après avoir gagné une médaille d’argent au championnat du monde sur piste, il dispute Tirreno-Adriatico auprès de Thibaut Pinot. Avec le même enthousiasme !
Benjamin, comment gère-t-on le passage d’un championnat du monde sur piste à Tirreno-Adriatico sur la route dix jours plus tard ?
Ce championnat du monde en Pologne, c’était mon échéance principale depuis plusieurs mois. Je suis passé chez moi, près de du Lac de Garde en Italie, pour une petite semaine de décompression. Le bilan est positif avec cette médaille d’argent en omnium. Je suis serein pour la suite. Physiquement, je me sens bien, prêt à courir sur la route. La piste n’use pas physiquement, sinon nerveusement et mentalement et j’ai eu une semaine pour être frais et dispo au départ de Tirreno-Adriatico.
Ça ne t’a jamais posé un problème de faire le saut de la piste à la route ou c’est une question d’habitude ?
Ce ne sont pas les mêmes efforts ni les mêmes muscles qui travaillent mais je switche assez vite. Six jours après une épreuve sur piste, ça répond bien sur la route. Le travail foncier est fait, je marchais bien au Tour de La Provence il y a trois semaines et cette semaine, je vais refaire des grosses sorties. Le coup de pédale est différent mais j’ai du rythme. Il me faut retrouver force et fond. Tirreno-Adriatico commence par un contre la montre par équipes, donc par un effort proche de ce que je fais pour la piste. Je vais profiter de cette première étape pour me remettre en confiance. Après, comme dans toutes les épreuves World Tour, la course sera cadenassée et ça roulera très vite dans le final mais ça ira. En revanche, passer de la route à la piste n’est pas aussi simple.
« Rechausser à 60 kilomètres/heure sur pignon fixe, c’est compliqué »
A quel niveau de forme te situais-tu sur la piste ?
J’étais en super condition, je pense même n’avoir jamais été aussi fort. Ça roulait très vite et j’avais de super sensations. J’avais fait un gros travail en amont, une Coupe du Monde à Hong-Kong, des stages de piste en plus de la route. Pour transformer l’argent en or en omnium, il m’a manqué de la chance dans la première épreuve, le scratch. A trois tours de l’arrivée, je me suis fait rentrer dedans par le Néerlandais qui me fait déchausser et casse ma roue. Rechausser à 60 kilomètres/heure sur pignon fixe, c’est compliqué. J’ai fini avant-dernier mais je ne me suis pas laissé abattre et ensuite j’ai pris course par course. Je suis remonté progressivement au classement, je gagne l’élimination et je suis à 25 points du podium avant la dernière épreuve, la Course aux Points. Le Néo-Zélandais Stewart Campbell Stewart a pris un tour avec moi et il a donc été le seul que je n’ai pas piégé. C’est une belle médaille. Je suis passé par toutes les émotions.
Tu as toujours cumulé piste et route ?
A 14 ans chez les minimes, j’ai commencé à faire piste et route. A 12 ans, j’avais passé mes baptêmes sur piste. J’ai eu l’habitude de courir le samedi sur piste à Foix ou Tarbes, les vélodromes de ma région, et puis sur route le dimanche. Je me suis rendu compte que le samedi m’aidait pour le dimanche et je le retrouve toujours aujourd’hui. Cela fait dix ans que ça se passe bien. La piste est plus ludique, le plaisir est différent. Sur la piste je joue plus souvent la victoire et je retrouve plus souvent l’adrénaline de la compétition. Sur la route, le plaisir est différent. Je n’ai pas la chance de pouvoir jouer ma carte tout le temps mais c’est une émotion de travailler pour un leader, pour une équipe, de se lancer dans une action collective. Quand Thibaut Pinot gagne une étape de la Vuelta, quand Marc Sarreau gagne un sprint massif, c’est génial mais la piste en vélo plaisir, c’est top. Je dois préciser que je ne fais pas la route par défaut, j’aime ça aussi.
Tu as déjà la tête au Jeux Olympiques de Tokyo en 2020 ?
Les JO, c’est l’échéance ultime, c’est le Tour de France de la piste. Je pense surtout aux séances de qualification mais chaque chose en son temps. Je ne pense pas aux JO mais à reprendre mes repères sur l’omnium et sur l’américaine. Ce sera mon grand objectif en 2020. C’est bien de l’avoir en tête mais pas de penser qu’à ça.
« Je suis souvent où on ne m’attend pas »
Alors quels sont tes gros objectifs sur la route en 2019 ?
Le Championnat de France du contre la montre. L’an dernier j’avais fini sur le podium, et ç’avait été une surprise dans l’équipe mais c’est une discipline que j’affectionne. En terme de résultat c’est mon objectif. Pourquoi pas de profiter des courses de Coupe de France où j’aurai plus de libertés pour essayer de jouer la gagne. Parce que le plus important dans le cyclisme est de lever les bras.
Pour beaucoup de fans du vélo, c’est une victoire en finisseur dans une étape des Quatre Jours de Dunkerque en 2017 à Amiens qui t’a révélé !
Quand tout se goupille bien, on peut toujours gagner. Je suis souvent où on ne m’attend pas. Dans les Quatre Jours de Dunkerque, on ne m’attendait pas. Quand se présente une occasion, j’aime mettre la chance de mon côté. Gagner, c’est un effort qui demande d’aller au fond de soi-même. Quand l’occasion se présente, je peux aller très loin dans la souffrance, comme un poursuiteur. C’est ma qualité. Depuis cette victoire, j’ai essayé de récidiver mais ça n’a pas fonctionné. C’est quand même toujours un peu aléatoire. A Amiens, j’ai eu beaucoup de réussite, il y avait eu des bordures, je m’étais retrouvé devant avec Sylvain Chavanel, il y avait vent de dos dans le final… Plein de petits trucs avaient permis cette victoire.
Tu portais alors le maillot de l’Armée de Terre qui était une bande de copains. Ce fut compliqué de rejoindre Groupama-FDJ ?
Ca m’a changé du tout au tout. A l’Armée, on était une bande de copains en effet, on habitait ensemble à la caserne, on allait dans les casernes parfois le soir des courses. Quand j’ai signé mon contrat avec Groupama-FDJ, j’ai discuté avec des coureurs et je savais où je mettais les pieds mais quand même, j’étais un peu perdu. Cette équipe, c’est dix assistants, dix mécanos, des entraineurs, des directeurs sportifs et trente coureurs, ça faisait du monde ! A l’Armée j’avais des amis. J’ai des amis aussi chez Groupama-FDJ. Je me sens vraiment bien dans cette équipe. J’y ai trouvé mon équilibre.
Si la piste t’apporte beaucoup de plaisir, tu as une ligne de conduite sur la route ?
J’ai des qualités physiques, j’aime être malin, produire mes efforts pour servir l’équipe et faire mal aux autres. Créer des bordures, tirer le peloton pour faire mal aux jambes. Savoir que je me fais mal et que je fais mal aux adversaires en protégeant mes équipiers. Voir son leader en 4e place du peloton et voire le peloton péter de partout. Etre là au bon moment, au bon endroit. Pas seulement se sacrifier mais être utile. En suivant ce raisonnement, on gagne aussi des courses. Comme j’aime le faire, en finisseur ou en réglant un petit groupe au sprint !
Quel est ton programme de courses après Tirreno-Adricatico ?
Je ferai une coupure de quatre à cinq jours puis la Route Adelie, la Roue Tourangelle, le Circuit de la Sarthe, Paris-Camembert, le Tour Finistère, le Tro Bro Léon où j’avais été victime d’une crevaison après quarante kilomètres en 2018 avant de m’échapper pendant quatre-vingt kilomètres. Ça m’a bien plu cette course ! C’est une période dans des courses française où il y aura moins de pression et je dois essayer d’en claquer une. Après il y aura le Tour de Romandie et ma préparation au Championnat de France du chrono. Peut-être y aura-t-il le Tour de l’Ain et le Tour de Suisse à mon programme.
Pour conclure, tu ne t’arrêtes jamais ?
Pas vraiment en effet. Le plus compliqué est de décider d’une longue coupure. L’an dernier j’ai arrêté tout le mois de novembre et ça s’est bien passé. Tout va dépendre des dates des Coupe du Monde sur piste avec l’intérêt de disputer celles où il y a moins de monde comme en Nouvelle-Zélande cette année plutôt qu’à Paris où il y avait un niveau super élevé et où marquer des points est plus difficile. Je sais que le plus dur sera de ne pas arriver cramé aux JO. Ca passe par une bonne planification avec mon équipe Groupama-FDJ. Il me faudra faire un bon hiver sur la piste et être opérationnel sur la route. C’est vrai, j’ai l’impression de ne jamais arrêter mais j’aime ça !
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