Steve Morabito surprend par son calme et il rassure. L’attelage qu’il forme depuis le début de la saison avec Thibaut Pinot tient toutes ses promesses et il est intéressant d’écouter celui qui fut longtemps le lieutenant de Cadel Evans après avoir été l’équipier de Lance Armstrong et Alberto Contador. Steve Morabito, c’est le discours et la méthode !
Steve, comment es-tu arrivé dans l’équipe FDJ ?
J’ai discuté avec Thibaut après notre abandon dans le Tour d’Espagne 2014. C’était la fin de l’aventure avec BMC, Cadel Evans allait prendre sa retraite. Je devais donc donner une nouvelle orientation à ma carrière et la FDJ m’est apparue comme le choix le meilleur pour m’épanouir.
Tu avais d’autres possibilités ?
J’avais quelques possibilités. J’ai pris mon temps, peut-être un peu trop pour faire mes dossiers. Thibaut, c’était séduisant mais les conversations que j’ai eues avec Julien Pinot, avec Frédéric Grappe avec le directeur Madiot ont été importantes aussi. On a discuté programme et vision du cyclisme. Avec mes années derrière moi, je ne suis pas non plus un vieux de la vieille, je sais ce qu’il me faut pour m’épanouir. Et Avec Thibaut, il y a de quoi faire. J’aime ce défi.
Tu avais un a priori sur les équipes françaises, généralement mal perçues à l’étranger?
Je n’ai pas été surpris. Je comprends le Français. C’était une nouveauté pour moi mais j’avais déjà des copains, Thibaut, Cédric Pineau, Jérémy Roy… On se côtoyait dans le peloton et moi j’ai un contact assez facile. J’aime bien allé vers les gens. En signant, je savais où je mettais les pieds.
Et tu y viens avec ton expérience de lieutenant de Cadel Evans ?
Cadel et moi, on se connaissait depuis longtemps, bien avant de se retrouver chez BMC. J’ai fait les 5 dernières saisons avec lui, je suis très proche de lui. De toute façon, ma spécialité est d’être proche de quelqu’un, de faire le même programme, de préparer les objectifs et de voir comment faire le jour ‘’J’’
Tu as travaillé avec de grands champions, Armstrong, Contador et Evans. Qu’a-ti-l de commun avec eux Thibaut ?
Thibaut a montré ses qualités de grimpeur dans le Tour de France mais surtout c’est un bosseur, il aime s’entraîner, préparer ses courses et Cadel Evans m’a montré tout ce qu’il faut pour être un grand coureur, pour être à l’avant de la course. J’ai eu la chance de voir les fichiers SRM de tous ces champions et Thibaut a tout ce qu’il faut pour bien faire.
Cyrille Guimard a dit de Thibaut à 19 ans : « C’est actuellement le seul coureur français capable de gagner le Tour de France un jour ! ». Comment passe-t-on de cette phase à la concrétisation du projet ?
Je ne me permettrai jamais de dire une phrase comme ça. C’est vaniteux et pas objectif. Le sport c’est autre chose, ça repose sur tellement de facteurs de performance… Je pense que Thibaut en maitrise déjà beaucoup mais sur une course de trois semaines, l’ensemble est compliqué à gérer. Même si on a l’impression de tout avoir pour bien faire, ça peut aussi aller de travers. C’est là où il faut entrer en ligne de compte, faire en sorte que tous ces facteurs de performance soient optimisés en course, que tout se mette en place au fil des jours. Et il y a le facteur chance qui permettra d’affirmer qu’on peut gagner un Tour de France.
Tous ceux que tu côtoies depuis quelques mois au sein de l’équipe FDJ disent ce que tu y apportes : Marc, Thibaut, Jérémy sont séduits. Elle t’apporte quoi à toi ?
Elle m’épanouit. Ce n’est pas la peine d’écrire ce que Marc ou Thibaut disent de moi… J’aime être dans ma petite bulle avec des gens qui ont les mêmes valeurs que moi et travailler sur un programme très précis.
Thibaut ne parle pas que de l’apport sur le vélo. Il vante tes connaissances sur la diététique, même sur la pression des pneus… Il dit que tu es très pointilleux ?
Ma femme ne dirait pas ça (rire). Si Thibaut est encore perfectible, je vais garder ma vision pour moi et pour lui. Dans les grandes lignes, il a tout ce qu’il faut pour bien faire mais au moment de la course, il faut savoir se reposer sur les autres. Regarder le mouvement des équipes, dans la montée le mouvement des trois ou quatre mecs qui restent en jeu. Il y a une hiérarchie à avoir, plusieurs scénarios à imaginer avant le départ puis au fur et à mesure que la course se développe, on précise notre stratégie. Thibaut apprécie d’apprendre tout ça mais chacun sa place, chacun doit faire en sorte que la roue tourne rond mais un peu plus vite que celle des autres. Pour ça, il faut regarder les pneumatiques, regarder les vélos, tous les détails que l’équipe FDJ maîtrise déjà très bien.
Est-ce un atout pour lui que tu parles avec tout le monde ?
Et ça répond aussi à la question précédente… Vu de l’étranger, les Français donnent l’impression de ne pas parler aux autres, aux Italiens, aux Anglo-Saxons. Question de langue. Souvent, ils pourraient être les meilleurs amis du monde et ce n’est pas le cas. Je suis un social, je suis un gentil, j’aime parler avec tout le monde et ça peut aider dans la course. Ca peut enlever certains doutes aussi.
On avait tous le sentiment que Thibaut devait gagner dimanche dans le Critérium International, une course qui lui convient bien ?
S’il avait gagné dimanche, ç’aurait été satisfaisant évidemment mais dans le cyclisme moderne, ce sont les épreuves World Tour qui comptent. On est allé en Corse après un Tirreno-Adriatico solide, bien préparé. Après, il était important de lever le pied et repartir sur de bonnes bases pour le Tour du Pays-Basque. Le Critérium International aurait été la cerise sur le gâteau mais il y a d’autres courses où se mettre la pression. La saison est longue, on y pense en décembre et jusqu’au mois d’octobre.
Dans ce travail qui est le tien, tu ne parles pas de tes objectifs personnels ?
C’est ma qualité et mon défaut mais je promets que si j’ai un jour la possibilité d’en claquer une, je ne vais pas me gêner. Si ce n’est pas au détriment des règles et des tactiques de l’équipe. J’ai été dans des structures où on ne m’a quasiment jamais donné ma chance et je me suis épanoui comme ça. La pression, j’aime bien la gérer. L’avoir toute la saison, ce n’est pas ce qui m’éclate le plus. L’avoir sur deux ou trois courses de la saison avec la possibilité de faire quelque chose de bien, sur de petites courses où je peux gratter quelque chose, c’est bien. Je mets beaucoup d’énergie à préparer les grands rendez-vous et après, peut-être, je peux envisager de jouer ma carte personnelle.
Le championnat de Suisse par exemple ?
J’aimerais bien mais le circuit est toujours fait pour les spécialistes des classiques avec une montée de 1,5 à 2 kilomètres. Je suis arrivé plusieurs fois pour la gagne mais un sprint avec Cancellara, Rast ou Albasini, je le perds à tous les coups. J’ai fait toutes les places d’honneur mais je n’ai pas réussi encore à le gagner.
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