Au sommet du Mont Poupet, David Gaudu a ce samedi tourné la page des galères. Après un début de saison pour le moins délicat, le grimpeur breton a refait surface sur le Tour du Jura et imposé sa loi dans l’ascension finale. Combatif et offensif, le coureur de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ a placé son ultime attaque à un kilomètre du but et s’est peu à peu envolé vers la victoire. Sa toute première depuis juin 2022, et une ardemment convoitée. Un chapitre se ferme, un nouveau s’ouvre pour le Finistérien de 27 ans. Le triptyque franc-comtois se clôturera dimanche avec le Tour du Doubs sur les hauteurs de Pontarlier.
Si elle souhaitait poursuivre son sans-faute en Franche-Comté, l’Équipe cycliste Groupama-FDJ devait ce samedi dompter les 3000 mètres de dénivelé au programme du Tour du Jura, dont le juge de paix que représentait le Mont Poupet (4 km à 8%). Un seul changement était opéré par rapport à la veille au sein de l’effectif, avec l’apparition de Colin Savioz en lieu et place de son collège de « La Conti » Ben Askey. Et le jeune Français a rapidement été mis à contribution. Après une vingtaine de kilomètres, quatorze coureurs se sont retrouvés en tête dont Alexis Vuillermoz, Marco Frigo, Kevin Ledanois ou encore Adne Holter, dernier rescapé de l’échappée de la Classic Grand Besançon Doubs. « Ce gros coup n’était pas spécialement dangereux car on savait qu’on avait un peu de marge, assurait Thierry Bricaud. Au final, ça ressemblait un peu à hier, à la différence que toutes les équipes motivées ont pris leurs responsabilités rapidement. Colin a fait un super travail toute la journée pour limiter les écarts, aidé par Decathlon-AG2R ». À la différence de la veille aussi, l’écart n’a donc pas atteint les huit minutes et a seulement culminé à 3’30 à cent bornes de la ligne. La chasse s’est par la suite avérée efficace, puisque l’avance des fuyards n’était plus que d’une minute au pied de la côte de Thésy (3,6 km à 9%), située à quarante kilomètres du terme.
« Pour retrouver de la confiance, il faut parfois se laisser aller », David Gaudu
Dans cette difficulté, deux hommes se sont isolés en tête, Frigo et Holter, tandis qu’un premier écrémage s’est effectué dans le peloton. « On ne voulait pas que ça sorte trop loin de l’arrivée car on pouvait se retrouver avec des équipes en surnombre et se faire piéger tactiquement, indiquait Thierry. Lenny a un peu reculé dans cette montée, il n’était pas impérial. Il a un peu subi les premières chaleurs. David a accompagné quelques offensives, puis dans la descente Reuben a fait un très bon travail jusqu’au pied de l’ascension finale ». Jesus Herrada s’est un temps intercalé entre le duo et le peloton d’une quarantaine d’unités, avant de revenir dans le rang. À l’entame des premiers contreforts du Mont Poupet, l’écart n’était plus que d’une quarantaine de secondes avec les hommes de tête, et Reuben Thompson a fourni un dernier effort pour placer ses leaders avant d’aborder le plus dur de la pente, à quatre kilomètres du but. « C’était une montée différente d’hier, un peu plus longue, précisait Thierry. On avait le même plan sauf qu’on avait inversé les rôles. David devait dégoupiller tôt, ce qu’il a très bien fait ». À 3,5 kilomètres du sommet, le Breton a ouvert les hostilités, puis remis le couvert 300 mètres plus loin.
Au sortir de ces deux accélérations, seule une petite poignée de coureurs figurait encore dans sa roue. « Toute la journée, je me suis répété que j’allais attaquer dès le pied, et je l‘avais dit au briefing, confiait David. Aujourd’hui, je ne me suis pas posé de question. Je me suis dit : qu’est-ce qui peut t’arriver de pire que les trois chutes du début de saison et un doigt ouvert ? Pour retrouver de la confiance, il faut parfois se laisser aller. J’ai fait le vide avant la montée, je me suis dit que j’allais tout mettre et qu’on verrait bien au sommet ». C’est fort de cette mentalité que le Breton a donc opéré une première sélection, avant de se faire contrer par Felix Gall. Il s’est alors battu pendant un kilomètre pour récupérer la roue de l’Autrichien mais aussi de Jefferson Cepeda et Guillaume Martin. « Il est coutumier de cette gestion d’effort, mais ce n’est pas pour autant qu’il a fait des complexes derrière puisqu’il a attaqué, soulignait Thierry. Ça prouve qu’il a un gros mental, mais on le sait depuis longtemps ». Après une offensive de Guillaume Martin à deux bornes du but, le Breton s’est ainsi flanqué d’une belle accélération pour faire le jump. « J’avais un peu étudié la montée et regardé l’édition de l’an passé, confiait David. Quand Guillaume est parti, je savais que j’avais encore quelques cartouches. Je me suis dit qu’il fallait faire la différence avant le replat car ça pouvait se regarder derrière. On est rentré pile avant, j’ai eu le temps de récupérer puis je me suis dit que je devais attaquer au kilomètre ».
« Une vraie décharge émotionnelle », David Gaudu
Chose dite, chose faite. À la flamme rouge, et sur des pentes avoisinant de nouveau les 10%, le leader de la Groupama-FDJ a produit une nouvelle attaque. S’il a pris quelques longueurs d’avance dans un premier temps, Cepeda et Martin n’ont pour autant pas craqué d’emblée. L’intéressé racontait : « Je me suis dit : lâche les chevaux, fais toi plaisir, ne réfléchis. Tu as 600 mètres pour faire la différence. Tant pis si tu exploses, tu auras tenté, tu n’auras pas été attentiste. Je voulais vraiment faire un gros finish. Mentalement, je me suis dit : elle est pour toi ; aujourd’hui, rien ni personne ne pourra contrecarrer tes plans. Le mode gagneur était activé, et cela faisait longtemps que je le recherchais ». Mètre après mètre et à coups de relances en danseuse, le Breton a gagné du terrain pour finalement aborder les 400 derniers mètres, plus « doux », avec une solide marge. « J’ai commencé à savourer tout en continuant d’appuyer sur les pédales, mais c’était aussi plus facile d’appuyer », souriait David. À 100 mètres de la ligne, il a enfin pris le temps de serrer le poing, lever les bras et exulter au moment d’accrocher son premier succès de l’année. « Je courais après beaucoup de choses depuis le début de saison : revenir en forme, faire des résultats, essayer de gagner, énumérait David. Ça ne souriait pas. Il y a donc beaucoup d’émotions, car je n’avais pas levé les bras depuis le Dauphiné 2022. Lever les bras, c’est la chose dont on a le plus envie dans ce métier ».
Une sensation dont il a été privé pendant près de deux ans et dont certains revers l’ont éloigné dernièrement. « Je savoure, je suis aux anges, assurait-il. Je sais que toute ma famille et ma copine étaient derrière l’écran. Ils m’ont vu galérer pendant un an… Mentalement, ces derniers mois ont été durs, je suis vraiment content de retrouver mon niveau. Gagner ici, ça fait très plaisir. C’est une vraie décharge émotionnelle. Je crois beaucoup au destin, et peut-être qu’il m’a joué des mauvais tours depuis un an pour enfin me sourire aujourd’hui. Cela va me permettre d’engranger de la confiance, ce que je n’avais pas ces derniers temps. J’ai maintenant hâte d’être sur la Flèche Wallonne mercredi, puis il y aura Liège-Bastogne-Liège qui est ma Classique préférée et le Tour de Romandie. J’ai un très beau bloc de courses à venir ». « Il n’était pas spécialement plus fort dans les jambes, mais il l’était dans la tête et de loin, appuyait Thierry. Il a gagné au mental, c’est très encourageant pour la suite. Après tous les mois compliqués qu’il a traversés, c’est bien de reprendre une spirale positive. On savait qu’il était bien depuis le début de saison, mais les circonstances ont fait qu’il ne pouvait pas s’exprimer et rien ne remplace la performance. Pour un coureur, lever les bras valide tout le travail mis en place et l’investissement à l’entraînement. Ça va le booster pour la suite. Il n’est pas encore à son meilleur niveau, mais il va pouvoir bosser avec les voyants au vert, et c’est toujours plus intéressant ».
« Il faut rester humble et profiter de cette spirale », Thierry Bricaud
David Gaudu ne sera en revanche pas de la partie pour le Tour du Doubs dimanche, dernier acte du triptyque en Franche-Comté. Malgré tout, l’Équipe cycliste Groupama-FDJ demeure ambitieuse. « On enchaîne les victoires depuis dix jours, on est vraiment sur une bonne dynamique et il faut que ça continue, lançait David. L’équipe a répondu présente au rendez-vous, on a assumé le poids de la course hier et aujourd’hui. Elle peut être fière de ce qu’elle a fait ces deux derniers jours, et comme on dit : jamais deux sans trois. C’est tout ce que je leur souhaite ». « Lors du briefing vendredi, les coureurs m’avaient dit qu’après avoir fait trois fois deuxième l’an passé, on allait faire trois fois premier cette année, concluait Thierry. On fera les comptes demain, mais il faut rester humble et profiter de cette spirale. Demain, la bosse finale est un peu moins difficile, et ce sera sans doute plus décousu. Il faudra courir intelligemment comme on le fait depuis deux jours et essayer d’être dans le final avec Lenny ».
©️ Tour du Jura / Agence Zoom
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