À la veille de la grande journée aux 5000 mètres de dénivelé positif vers Picon Blanco samedi, les prétendants du classement général, et tous les autres, avaient le droit à un apéritif lors de la dix-neuvième étape. Cent-soixante-cinq kilomètres étaient à couvrir, mais surtout, une montée sèche à l’Alto de Moncalvillo (8,5 km à 9%) devait permettre aux favoris de se livrer une explication avant l’heure. D’autres ont souhaité anticiper la grande bagarre via l’échappée, mais celle-ci ne s’est finalement construite qu’autour de cinq hommes après une heure de course. « Aujourd’hui, on n’avait pas d’objectif concernant l’échappée car on pensait que les coureurs du général se joueraient la victoire, et on avait en plus noté que Red Bull-Bora-hansgrohe voulait filtrer au départ, indiquait Thierry. On a donc préféré rester autour de David car c’est une journée qui pouvait aussi être un peu piégeuse avec le vent. Au final, on n’a jamais été en danger, il a toujours été bien entouré, et il a passé une journée plutôt sereine. Dans le final, on a demandé à Reuben de rouler, ce qui permettait à l’équipe de rester placée et de retirer du stress à tout le monde ». Les écuries de favoris ont aussi mené la chasse toute la journée pour permettre aux cadors de lutter pour la victoire, et l’échappée a d’ailleurs entamé l’ascension finale avec moins de vingt secondes d’avance.

D’emblée, les équipiers de Primoz Roglic ont alors mis les gaz, et à six kilomètres du but, le Slovène s’est déjà envolé seul en tête. « Je me doutais qu’ils allaient faire le même coup que la dernière fois, et tout le monde s’est écarté car tout le monde était au rupteur, racontait David. Tout le monde a vu que Roglic était le plus fort de la Vuelta, et derrière, on s’est un peu courus dessus pour le podium ou le top-5 ». Mais le Français de 27 ans a été le premier à redonner une impulsion parmi le reste des favoris, progressant un temps avec quelques secondes d’avance sur ses concurrents. « Je sais qu’il faut que je prenne du temps sur ceux qui sont derrière moi vis-à-vis du chrono final, donc j’ai essayé assez tôt, à six bornes, confiait David. On est ensuite ressortis avec Carapaz, et étant donné qu’O’Connor était lâché, c’était à lui de travailler. Il a continué à rouler, puis c’est revenu de l’arrière et on s’est un peu regardés. Puis, je me suis dit qu’il fallait tout tenter pour essayer de reprendre du temps ». Rejoint à deux kilomètres de la ligne par ses principaux concurrents alors qu’Enric Mas s’était isolé à un deuxième échelon, David Gaudu a finalement patienté quelques minutes avant de porter l’estocade finale.

Avant la flamme rouge, le Breton a ainsi lancé une accélération tranchante, a pu distancer le reste du groupe, et même rattraper Enric Mas à 200 mètres du but pour s’octroyer une superbe deuxième place au sommet, à quarante-six secondes du vainqueur slovène. « J’ai tout donné jusqu’à la ligne, j’ai puisé assez loin, et ça fait vraiment du bien de terminer deuxième derrière Roglic, qui était intouchable », ajoutait David. « La hiérarchie qui s’est établie en fin de semaine dernière est la même cette semaine, commentait Thierry. On sait que David fait partie des 4-5 meilleurs de la Vuelta à la pédale, mais encore faut-il rester constant. C’est ce qu’il a parfaitement fait aujourd’hui. Roglic est un cran au-dessus, mais on se rend compte qu’il y a de la place derrière. C’est beau de revoir David à ce niveau, mais c’est surtout conforme au personnage. C’est quelqu’un qui aime la bagarre et les matchs d’homme à homme. C’est ce qui le fait vibrer. Il aurait préféré gagner, mais cette deuxième place confirme sa belle semaine. Maintenant, on sait que la grosse journée de la semaine, voire la grosse journée de la Vuelta, c’est demain ».

Toujours cinquième du général, David Gaudu compte désormais un peu plus de deux minutes de retard sur le podium, et quelques secondes d’avance sur ses poursuivants. À Picon Blanco, les choses devraient grandement s’éclaircir. « En termes de confiance et de moral, cette Vuelta est très réussie jusqu’à maintenant, disait encore David. On fera les comptes demain soir car l’étape s’annonce extrêmement difficile et il peut y avoir énormément de chamboulements, pour tout le monde. Je pense que le podium va être compliqué, mais je veux terminer l’étape de demain sur une très bonne note puis on verra ce qu’il en est ». « Ça ne va pas se résumer à la dernière montée, assurait Thierry. Red Bull-Bora-hansgrohe va contrôler une grosse partie de la journée, mais compte tenu des coureurs qui veulent aller chercher le podium, de ceux qui veulent reprendre du temps avant le contre-la-montre, et des éventuelles défaillances, on peut s’attendre à tout. Demain, c’est la journée piège par excellence où on n’a pas d’autres choix que de répondre présent ».