L’an II de la « Conti » Groupama-FDJ touche à sa fin. Un peu plus d’une semaine après la dernière compétition sur route de ses coureurs, lors des championnats de France de l’Avenir, l’équipe continentale se projette déjà sur 2021 avec un effectif bien remodelé (à retrouver en bas de page). En attendant, son manager Jens Blatter a pris le temps de revenir en détails sur cette année toute particulière.
Jens, de prime abord, quel regard portes-tu sur la saison de la Conti ?
Je crois qu’on a vécu une saison compliquée, comme beaucoup d’autres équipes, et nous n’avons malheureusement pas eu tant de courses à nous mettre sous la dent. Du fait de la situation sanitaire, nous avons dû faire face à de nombreux imprévus. C’était particulièrement difficile pour les Espoirs 4, qui avaient la pression du résultat. De notre côté, le recrutement pour l’année prochaine a été plus délicat et il nous a aussi fallu maintenir un gros niveau de motivation dans l’équipe, ce qu’on a réussi à faire. Au bout du compte, nous avons pu faire quelques belles courses, même si ce n’était pas ce qu’on avait prévu en début de saison. Le bilan reste aussi très solide dans la mesure où on a fait monter quatre coureurs en WorldTour : trois chez nous et un ailleurs. Je suis simplement un peu triste pour les dernières années qui n’ont pu faire ce qu’on avait prévu, ils n’ont pas pu tous pleinement s’exprimer. Žiga (Jerman), par exemple, n’a pu faire que deux courses avec nous. En tant que manager de la Conti, je veux évidemment ce qu’il y a de mieux pour l’équipe, mais je souhaite aussi le meilleur pour les coureurs.
« La passerelle a parfaitement fonctionné »
En termes de résultats, êtes-vous au niveau de vos attentes?
De manière générale, je pense qu’on a réalisé une bonne saison. On aurait pu faire un peu mieux, notamment au Giro, mais nous n’avons pas eu de chance avec la blessure de Lars en amont et la chute de Sylvain dès le début de course. On avait l’équipe pour jouer très haut sur le papier, mais la réussite n’était pas avec nous. Au-delà de ça, on a toujours répondu présent, et ça n’a pas toujours été très facile dans la mesure où on a aussi beaucoup dépanné la WorldTeam, parfois du jour au lendemain. C’était aussi un objectif d’aider l’équipe mère, qui était parfois sur 3-4 fronts, et on a pu remplir cette mission en continuant à signer des résultats de notre côté. Il y a notamment eu la troisième place de Yakob Debesay sur le Tour de Lombardie. Nous avions aussi des objectifs sur Paris-Roubaix et Liège-Bastogne-Liège, mais ces courses ont malheureusement été annulées. Nous avons réussi à performer là où nous souhaitions le faire, même si le but de la Conti n’est pas tant d’obtenir des résultats. Nous sommes bien sûr des compétiteurs et nous partons toujours gagner, mais notre but principal reste de faire progresser et former les jeunes, puis de les faire monter dans le WorldTour. De ce point de vue, nous en avons eu huit en deux ans. Je ne crois pas qu’une autre Conti ait cette réussite.
Est-ce que tous les coureurs ont pu s’exprimer dans ce calendrier très réduit ?
En fait, toutes les belles courses pour grimpeurs ont été maintenues, à part Liège-Bastogne-Liège. Avec le Tour de Savoie-Mont Blanc, la Ronde de l’Isard et le Baby Giro, il y avait de quoi faire pour eux. Un problème s’est en revanche présenté pour nos rouleurs-sprinteurs. Sur les deux mois et demi, il n’y a presque eu que des courses montagneuses. Un jeune sprinteur comme Paul Penhoët, par exemple, n’a pas pu faire beaucoup de courses avec la Conti. Nous n’avions pas d’épreuves pour lui. Heureusement, il y avait donc la WorldTeam. Comme Žiga, Paul a pu cumuler quelques jours de course avec eux, et heureusement que nous avions cette solution, sinon certains auraient terminé la saison avec à peine une ou deux courses.
Les échanges entre WorldTeam et Conti ont justement été mis en place cette année. Ont-ils bien fonctionné de ton point de vue ?
Je pense que la passerelle a parfaitement fonctionné. Beaucoup de coureurs ont pu faire le « jump », mais le staff aussi a pu aider. Tout s’est bien déroulé, même si ce n’était pas prévu comme ça initialement. En début de saison, nous avions fixé un calendrier des échanges probables. Nous avions prévu ça sur le long terme. On savait plus ou moins qui irait où. Là, sur les deux mois et demi, nous étions davantage sur du court terme. Ce n’était pas simple pour les coureurs, pour les entraîneurs, ni pour l’organisation des voyages. Malgré tout, je crois que le bilan est très bon. Nous avons réussi à bien gérer cette situation et nous avons reçu beaucoup de très bons retours de la WorldTeam par rapport à nos coureurs. Ils étaient non seulement toujours très motivés, mais ils ont aussi très bien roulé pour l’équipe. Evidemment, ils n’ont pas encore tous les capacités d’aller peser dans le final et faire des résultats sur une course de 200 kilomètres. Néanmoins, ils ont bien rempli leur rôle. Il y a aussi deux points à soulever. Premièrement, la différence est tellement importante entre la Conti et la WorldTeam que faire une année d’échanges comme on l’a fait peut aider à opérer la transition. Deuxièmement, je pense aussi que lorsqu’elle manquait de coureurs les années passées, la WorldTeam devait parfois prendre quelqu’un de peu motivé pour faire le nombre. Maintenant, on peut faire monter un jeune de la Conti qui sera assurément 100% motivé et qui fera tout ce qu’on lui demande. Ce sont deux points très importants.
« Je ne pense pas que beaucoup d’équipes aient notre bilan »
Au-delà des coureurs, le staff de la Conti a également dépanné la WorldTeam.
C’est aussi un de nos objectifs. Nous souhaitons former des coureurs, mais aussi former le jeune staff, comme les mécanos, les assistants sportifs, les entraîneurs et les directeurs sportifs. Je pense que tout le monde a d’ailleurs pu faire une course avec la WorldTeam, et ça a très bien marché. C’était aussi une année exceptionnelle de ce point de vue car l’équipe première était parfois sur 3-4 fronts simultanément. Je n’ai eu que des bons retours de ce point de vue également, et le staff que nous avons actuellement dans la Conti pourrait être le futur staff de la WorldTour. Ils en ont en tout cas le niveau.
Qu’est-ce que cela t’inspire de voir trois nouveaux coureurs de la Conti passer dans la WorldTeam ?
D’un côté, il y a forcément de la fierté, car je ne pense pas que beaucoup d’équipes aient ce bilan. Sur nos deux premières années, seulement trois de nos coureurs ne sont pas passés en WorldTour ou en Pro Continental. C’est donc une fierté, mais c’est surtout le résultat du travail que nous mettons en place avec les entraîneurs et les directeurs sportifs. Cela tend à prouver que nous faisons du bon boulot et que les coureurs sont prêts à passer au niveau supérieur. C’est très important que tout le monde réussisse à trouver une place derrière. Comme je le disais, je suis d’abord manager de l’équipe, donc nous essayons d’en faire monter le plus possible chez nous. Mais dès que toutes les places sont prises, il est tout aussi important d’aider les autres coureurs. Cela a toujours été ma philosophie et je pense que c’est aussi celle de la structure Groupama-FDJ et de Marc [Madiot]. Nous avons pu aider quelques coureurs l’an passé, mais aussi cette année, à trouver des points de chute. C’est aussi notre rôle de ne pas laisser les coureurs dans une situation difficile.
En deux ans, la Conti a fait grimper onze coureurs aux échelons supérieurs. Sens-tu que l’équipe acquiert une véritable réputation ?
Pour donner un exemple, depuis mai-juin, nous recevons chaque jour entre 10 et 15 demandes de coureurs pour rejoindre notre équipe. Dans le lot, il y en a d’ailleurs de très bons. Les jeunes coureurs ne prêtent pas forcément attention au salaire. Ils regardent plutôt les possibilités de monter en WorldTour derrière, car c’est le but ultime pour un jeune. Ils ont remarqué ces deux dernières années que quand tu venais dans la Conti, tu avais une grande chance de passer en WorldTour, que ce soit chez nous ou ailleurs. Je dis toujours à mes coureurs qu’en étant dans la Conti Groupama-FDJ, ils sont bien exposés. Tous les agents, managers et directeurs sportifs les observent. Je pense qu’une fois que tu es dans une réserve comme la nôtre, il est beaucoup plus simple de passer au niveau supérieur.
« Notre objectif demeure de former les jeunes coureurs »
L’effectif 2021 a été annoncé récemment. Huit nouveaux coureurs arrivent. Comment avez-vous effectué le recrutement dans cette année particulière ?
Nous avons scruté les courses Espoirs les plus importantes. Chez les Juniors, malheureusement, il n’y a quasiment pas eu d’épreuves internationales, mais nous avons tout de même jeté un œil sur les 2-3 qui ont pu se tenir, comme le Grand Prix Rüebliland. Nous étions aussi en contact avec des coureurs qui avaient pu faire des résultats les années passées, et j’ai également eu de nombreux échanges avec des agents de coureurs. C’était particulièrement important cette année en raison du manque de courses. Certains nous ont proposé des coureurs, avec leurs valeurs et leurs tests. L’ensemble de ces procédés a constitué notre base de réflexion pour opérer le recrutement, et je pense que nous avons une très bonne équipe pour l’année prochaine.
On constate une nouvelle fois un mélange entre coureurs issus des rangs Juniors et coureurs en fin de période Espoirs.
En fin d’année passée, nous avions décidé de plutôt nous orienter vers les Juniors, comme je le faisais chez BMC à l’époque. Finalement, nous avons pris quelques coureurs un peu plus âgés car il n’y a eu que très peu de courses Juniors pour se faire une idée. Par ailleurs, la concurrence est plus rude chaque année. Il y a 5-6 ans avec BMC, nous étions presque l’unique réserve, et je pouvais vraiment choisir les coureurs que je voulais. Désormais, toutes les équipes WorldTour commencent à disposer d’une équipe continentale, et ça devient donc bien plus compliqué de prendre les jeunes qui nous intéressent. L’effectif est un peu plus jeune pour l’an prochain, mais c’est aussi très important de prendre des coureurs un peu plus âgés. Par exemple, Antoine Raugel, qui sera dans sa dernière année Espoirs en 2021, nous apportera beaucoup d’expérience. C’est super important d’avoir des tous jeunes, mais c’est aussi important d’avoir un ou deux coureurs qui ont un peu plus de vécu. Aussi, les échanges avec la WorldTeam sont un peu plus simples avec un coureur dans sa troisième ou quatrième année qu’avec un coureur sortant des rangs juniors. Ceci étant dit, notre objectif sur le long terme demeure de former les jeunes coureurs. Les temps où le coureur avait un ou deux ans pour finir sa formation dans le WorldTour sont finis. Dans le cyclisme 2020, il faut passer par une réserve ou une Conti pour être bien formé, sur le vélo et en dehors. Il faut être prêt et avoir fini son apprentissage au moment d’entrer chez les grands. C’est aussi pour cela qu’on essaiera de prendre encore davantage de Juniors en 2022. Je dis toujours que si tu prends un Juniors qui marche fort, tu as 50% de chances que ce soit une pépite. Si tu prends un coureur dernière année, ça peut être un coureur très solide, mais ce n’est probablement pas une pépite, sinon il serait déjà passé WorldTour ailleurs. C’est aussi ce qui nous intéresse : chercher et trouver les pépites chez les juniors.
Le quartier général à Besançon a-t-il pu fonctionner pleinement cette saison ?
À cause de la situation sanitaire, ça a été plus compliqué cette année. Les coureurs sont partis chez eux à la mi-mars et sont revenus quatre mois plus tard. Pendant cette période, nous n’avons pas pu faire de formations. Puis, nous avons aussi vécu trois mois très agités avec les courses pour la Conti et la WorldTeam. Ça a de fait été difficile de former les coureurs comme on l’avait prévu. Nous nous sommes donc réunis ces dernières semaines pour voir ce qu’on pouvait améliorer dans cette perspective. L’idée pour 2021 est de faire un plan de travail avec minimum 2-3 formations par semaine. C’est la direction que nous souhaitons prendre avec les jeunes. Aujourd’hui, tout le monde est rentré chez soi. Il n’y a plus personne à Besançon. Nous avions prévu de faire un stage au mois de décembre, mais en ce moment, rien n’est certain. Nous sommes aussi en train d’envisager ce qu’on pourrait mettre en place si le stage ne se tient pas, avec par exemple des formations en visio-conférence. Tout risque d’être un peu compliqué cet hiver mais nous espérons revenir dans un schéma plus ordinaire d’ici le début d’année prochaine.
Effectif 2021:
ÄRM Rait (31/03/2000) – recrue
ASKEY Lewis (4/05/2001)
BALMER Alexandre (4/05/2000)
GERMANI Lorenzo (3/03/2002) – recrue
NONNEZ Theo (30/11/1999)
PAGE Hugo (24/07/2001)
PALENI Enzo (30/05/2002) – recrue
PENHOET Paul (28/12/2001)
PIDCOCK Joseph (20/03/2002) – recrue
PITHIE Laurence (17/07/2002) – recrue
RAUGEL Antoine (14/02/1999) – recrue
THOMPSON Reuben (15/02/2001) – recrue
VAN DEN BERG Marijn (19/07/1999) – recrue
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