Une semaine avant leurs aînés, les coureurs espoirs s’attaquaient ce samedi à leur propre « Classique des feuilles mortes ». Autour d’Oggiono, le « petit » Tour de Lombardie s’allongeait sur 170 kilomètres et présentait trois difficultés, toutes situées dans les soixante-dix derniers kilomètres. Tout était donc censé se décanter dans la deuxième partie de course, mais le scénario du jour a été moins prévisible qu’escompté. « Ça a été très rapide dans la première heure, exposait Jérôme Gannat. La moyenne était de 45 km/h sur le circuit autour d’Oggiono à faire quatre fois, avant d’aller chercher la Madonna del Ghisallo. Puis, ça s’est posé à moment donné, un groupe de quatorze est parti, puis un autre de dix-sept quelques minutes plus tard avec Brieuc. La jonction s’est faite dans les tunnels précédant la montée de Madonna del Ghisallo. C’était un peu confus, mais c’est aussi une course espoirs avec des équipes de cinq. Brieuc a bien senti le coup. Il n’était pas prévu qu’il se retrouve devant à ce moment-là, mais il a bien fait, car les favoris comme Widar et Nordhagen sont restés derrière et ne sont jamais revenus ». « L’objectif avec l’équipe était surtout de ne pas manquer une grosse vague ou un coup dangereux, et c’est ce qui s’est produit, ajoutait Brieuc. On s’est retrouvé à une petite trentaine devant, j’ai bien géré et je ne m’étais pas trop montré avant ça ».

Une large échappée a alors pu aborder la Madonna del Ghisallo (8,7 km à 5,4%) avec un peu plus d’une minute d’avance sur le peloton. « C’est monté assez vite devant, et on s’est un peu extirpés », reprenait Brieuc. Embret Svestad-Bårdseng s’est lui un temps isolé en tête, mais a été rejoint peu après la descente par un groupe de huit coureurs, auquel appartenait Brieuc Rolland. Tout ce petit monde a alors pris la direction de l’avant-dernière côte, et ses passages à plus de 10%, où le coureur de « La Conti » a fait le ménage. Au prix de quelques relances, le Breton a réduit le groupe à tout juste quatre unités, à savoir Svestad-Bårdseng, Federico Savino, Gal Glivar et lui-même. « Brieuc est un coureur qui voit très bien la course et qui connaît ses qualités, disait Jérôme. Il voulait éviter le sprint, et il a été très actif dans le final. Quand ils sont sortis à quatre, tout le monde a collaboré jusqu’à la dernière bosse (1,5km à 8%), où Brieuc a de nouveau attaqué. Il a fait une petite différence, et je me suis dit que s’il attaquait la descente sur Oggiono tout seul, c’était joué ». « J’ai tout donné dans la dernière bosse, je suis parti tout seul, mais je me suis fait reprendre par Gilvar à la bascule », racontait Brieuc. Les deux hommes ont entamé les cinq derniers kilomètres roue dans roue, et ont même vu Savino établir la jonction à deux bornes du but.

C’est ainsi un sprint à trois qui s’est profilé à l’entrée de la dernière ligne droite. « J’ai quand même cru en mon sprint, car ça se faisait surtout à la fraîcheur », disait le Breton. « Le sprint n’est pas sa spécialité, mais celui-ci est particulier et se joue souvent à peu de choses, abondait Jérôme. Dans les derniers mètres, les coureurs un peu moins explosifs arrivent parfois à passer ». En deuxième position au lancement du sprint, Brieuc Rolland a rapidement été débordé par Federico Savino, mais il n’a pas craqué et a finalement fait son retour dans les derniers instants. L’Italien et le Français ont coupé la ligne quasiment simultanément. « Ils ont d’abord annoncé Savino vainqueur, puis on est allés voir la photo-finish, et là, c’était la joie, confiait Jérôme. C’est moi qui l’ai annoncé à Brieuc. Il m’a demandé si j’étais vraiment sûr, et je lui ai dit que j’avais vu la photo. Ça s’est joué à 3-4 centimètres, mais ça a suffi. Le dénouement était en notre faveur, pour une fois ». Et c’est donc par une victoire marquante que Brieuc Rolland a ponctué sa saison. « Je suis très content, surtout que j’étais vraiment déçu la semaine dernière après les Championnats du Monde, disait-il. J’avais bien travaillé pour essayer de jouer la gagne, mais j’étais vraiment gelé et je suis passé complètement à côté de ma course. C’est génial de pouvoir me rattraper aujourd’hui. En plus, c’était ma dernière course avec La Conti. Ils m’ont tellement apporté. Je suis super heureux de pouvoir leur offrir cette victoire qui fait du bien à tout le monde. C’était une journée dont je me rappellerai un bout de temps ».

Après sa victoire sur la Course de la Paix, son top-5 sur Liège-Bastogne-Liège Espoirs ou son top-10 sur le Tour de l’Avenir, Brieuc Rolland a donc ajouté une ligne épaisse à son palmarès, et il sera dès demain aligné avec l’équipe WorldTour à l’occasion de la Coppa Agostoni. « Gagner le Tour de Lombardie Espoirs avant de passer en WorldTour, ça ne peut que mettre en confiance, disait Jérôme. Son épisode avec La Conti se termine de la plus belle des manières. Cela valorise le travail qui a été fait depuis deux ans. Il a vraiment bien progressé. C’est un coureur sur qui on peut compter à chaque fois que la course est dure. Je disais souvent qu’il lui manquait un petit truc pour la victoire, et aujourd’hui il l’a eu. C’est top. J’avais dit hier soir au briefing qu’on devait avoir des étoiles dans les yeux quand on venait sur cette course. De manière générale, les courses qui portent le même nom que les épreuves WorldTour ont une saveur un peu particulière. Quand on dit qu’on a gagné le Tour de Lombardie U23, ça marque les esprits ». Joshua Golliker (8e) et Maxime Decomble (14e) ont eux aussi livré une belle course ce samedi, et charge désormais à leurs coéquipiers sur Paris-Tours, ce dimanche, de les imiter.