Mercredi soir, quelques heures avant de rejoindre les Ardennes pour les trois classiques qu’il connaît par cœur, Benoît Vaugrenard profitait de la douceur printanière du Morbihan. Empruntant le vélo électrique de sa femme, il est parti faire un tour avec sa petite fille de 18 mois, assise casquée derrière lui. Patiente, elle a accepté de le voir s’arrêter sur le bord de la route pour parler de sa passion, le cyclisme. Pour évoquer Groupama-FDJ, son équipe de toujours. Pour dire son enthousiasme avant la semaine lui permettant d’enchainer Amstel Gold Race, Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège. Discuter avec Benoît Vaugrenard est toujours un bon moment.
Benoît, combien de campagnes ardennaises as-tu déjà vécues ?
J’ai découvert l’Amstel Gold Race un peu tard en 2007. En revanche, j’ai disputé la Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège dès ma première année, en 2003. Je les ai ratées une fois, en 2011. Je vais donc disputer ces deux classiques pour la quinzième fois.
Cette semaine ardennaise constitue chaque saison ton grand objectif ?
Disons que c’est une semaine qui me tient à cœur, elle me plait. Ces courses m’ont réussi sur un terrain à ma convenance, elles ne sont faites ni pour les grimpeurs, ni pour les sprinteurs. J’y ai connu de bonnes journées. J’y ai de bons souvenirs.
Jimmy Casper et Jacky Durand avaient raison…
Il y a dix ans, tu les disputais dans un rôle de leader, désormais c’est différent ?
En effet, ce ne sont plus les mêmes conditions, je suis plus dans un rôle d’équipier, auprès des jeunes. Je leur apporte mon expérience. Cette année, en l’absence d’Arthur Vichot, il y a beaucoup de jeunes et mon rôle sera de les guider, de les rassurer, de les aider à découvrir. Le soir de Liège-Bastogne-Liège, ils sauront ce qu’il leur reste à faire pour y être performants un jour. La première année que j’ai disputé la Doyenne, quelques semaines avant, je me suis retrouvé à table avec mes équipiers à la veille du Grand Prix de Denain. Jimmy Casper et Jacky Durand m’ont demandé « Après Denain, tu fais quoi gamin ? ». Quand j’ai répondu Liège-Bastogne-Liège, il se sont mis à rigoler m’ont lancé « non, tu feras Liège-Bastogne ! ». Ils avaient raison. Je n’ai pas vu Liège. Il m’a fallu attendre 4 à 5 ans avant de pouvoir y briller.
Quelle campagne te laisse le meilleur souvenir ?
Celle de 2009, j’avais fini 12e de l’Amstel et 8e de Liège. J’ai fini quatre fois dans le Top 15 de Liège.
Considères-tu qu’il soit plus facile d’être un jeune pro aujourd’hui qu’à ton époque ?
Je pense en effet qu’il est plus facile pour les jeunes aujourd’hui dans l’équipe Groupama-FDJ. L’équipe a progressé dans tous les domaines, les jeunes ont tout pour réussir. Il faut aussi reconnaître qu’il y a eu un grand coup de frein côté dopage mais ça reste des courses d’endurance, de force et de punch même si après 230 kilomètres, le punch ne sert pas beaucoup. Il faut ajouter un truc, les équipes sont bien plus fortes aujourd’hui. Il y a 10–15 ans, il y avait un gros écrémage à La Redoute. Désormais, il reste énormément de monde au pied de la côte de Saint-Nicholas simplement parce que les équipiers son meilleurs. Il y a une course d’attente parce que les grosses équipes ont des coureurs solides. J’entends souvent des critiques, souvent on me dit qu’on s’emmerde devant la télé en regardant Liège-Bastogne-Liège mais si on veut une course de mouvements, passons à 6 coureurs par équipes. Cette année, avec des équipes à 7 coureurs, ça change déjà mais les équipes Movistar, Quick Step Floors, Team Sky restent des rouleaux compresseurs avec des équipiers qui pourraient être leader ailleurs.
« Le pavé fait perdre des équipiers, l’asphalte non. »
Quand même, dans les classiques flandriennes, il y a bien plus de mouvement que dans les Ardennaises ?
Dans les Flandriennes, il y a du mouvement parce que les équipiers disparaissent avec les chutes et les crevaisons. Si on y remplace les pavés par du bitume, c’est une course d’attente. Le pavé fait perdre des équipiers, l’asphalte non.
Dans les Ardennaises, avec six coureurs, les grosses taules mettraient un coureur devant. Là, on attend la fin pour faire la décision. Les organisateurs durcissent le parcours et ajoutent des côtes mais ça ne change rien. Si on ne veut pas 80 coureurs au pied du Mur de Huy, mettons l’arrivée 15 kilomètres plus loin. Ou bien espérons qu’il fasse moche parce que la météo peut jouer un grand rôle.
« Rudy […], c’est un exemple pour les jeunes. »
Avec quel état d’esprit vas-tu disputer ces classiques pendant une semaine ?
C’est un objectif même en l’absence d’Arthur Vichot. Avec David Gaudu, nous serons au départ de la Flèche Wallonne pour un bon résultat. Dans l’Amstel et Liège, ce sera un peu différent. Rudy Molard a chuté la semaine dernière, on ne sait pas comment il sera. David Cimolai peut faire un beau truc dans l’Amstel si ça se court vent de face. Je dois dire quand même que Rudy peut finir dans le top 10 de ces courses-là. Lui, c’est un exemple pour les jeunes. Il est passé pro en 2012, n’a pas eu de résultats puisqu’il bossait pour les autres et aujourd’hui il fait partie des meilleurs Français. Il est un leader chez nous.
« Ça m’a fait du bien d’être devant »
Tu t’es remis de ta déception dans la Route Adélie que tu as fini à la deuxième place derrière Dillier ?
Oui j’ai été déçu. Dillier était fort, on l’a laissé dix mètres devant nous pendant dix kilomètres en espérant qu’il soit un peu usé pour le sprint mais il a gagné. Et dans Paris-Roubaix, en accompagnant Sagan jusqu’au bout, il a montré qu’il est un excellent coureur. Avec le recul, je peux dire que ça m’a fait du bien d’être devant, de faire un résultat. Il y avait longtemps…
Jérémy Roy a annoncé sa retraite en fin de saison ? Tu t’es fixé un calendrier ?
J’essaie d’en profiter parce que je sais que ça ne va pas durer une éternité. C’est motivant les jeunes, les Madouas, Gaudu, Seigle, qui a tout pour réussir en tant que puncheur, Léo Vincent. C’est bien pour moi qu’ils soient là. Pour mon avenir, je n’ai pas pris de décision. J’ai toujours envie de m’entrainer seul comme je l’ai toujours fait, je suis toujours content d’être en course ; d’ailleurs, je préfère courir que m’entrainer. Quand je n’en aurai plus envie, j’arrêterai. J’ai toujours de belles émotions, comme de travailler pour un leader comme Thibaut Pinot dans le Giro en 2017. Cette année, je ne ferai pas de Grand Tour, je laisse ma place aux jeunes. J’en ai une douzaine à mon actif.
David Gaudu et La Flèche Wallone.
Concernant les jeunes dont tu parles beaucoup, tu peux précisément nous dire ce que tu penses des jeunes Bretons ?
Valentin Madouas peut être un très bon coureur de classiques. Il est jeune, il aime le mauvais temps, il est très bon. Il a le profil Arthur Vichot. Dans le Tour du Pays-Basque, il grimpait bien. Il a des qualités de puncheur, il passe la moyenne montagne, pas la haute montagne comme son père Laurent. Je suis persuadé qu’il aura un rôle à jouer dans les classiques ardennaises. David Gaudu est un vrai grimpeur. La Flèche Wallone est taillée pour lui, le Tour du Pays-Basque aussi, plus que le Tour de Catalogne avec des cols roulants que Valverde monte grand plateau. Même sur les courses d’un jour. Il ne doit pas se concentrer que sur les courses par étapes parce que son panel est large. Il s’est mis à bosser le chrono, il va progresser.
Quel est ton programme après Liège-Bastogne-Liège ?
Je vais pousser jusqu’aux Quatre Jours de Dunkerque. Puis je coupe sans couper, pas plus de 15 jours, parce que j’ai du mal à remettre en route. Je pense que je reprendrai fin mai dans le Grand Prix de Plumelec.
Par Gilles Le Roc’h.
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