Attila Valter se souviendra longtemps de son périple à travers les chemins de terre toscans, un après-midi du mois de mars 2022. Le jeune Hongrois de 23 ans a en effet particulièrement brillé ce samedi dans la seizième édition des Strade Bianche, venant simplement échouer au pied du podium de la Classique WorldTour transalpine. Dans une course animée loin de l’arrivée, et lors de laquelle il n’a jamais abdiqué, l’ancien porteur du maillot rose a remonté des concurrents un par un dans le final pour venir offrir à l’Équipe cycliste Groupama-FDJ le meilleur résultat de son histoire à Sienne. Un nouveau fait marquant à mettre à son actif.
Comme de coutume, c’est de la charmante ville de Sienne que s’élançait la Classique des Strade Bianche, considérée par certains comme un Monument en devenir du cyclisme professionnel. En attendant Milan-Sanremo, sur la côte ligure, les coureurs avaient donc rendez-vous en Toscane pour un parcours traditionnel à travers les « chemins blancs », mêlant terre et graviers. Parmi les 184 kilomètres à couvrir, près d’un tiers s’effectuait sur ces sentiers particuliers, et ce à travers onze secteurs distincts. C’est néanmoins bien avant d’entamer le premier d’entre eux, situé après quinze kilomètres, que l’échappée du jour composée de Simone Bevilacqua, Sergio Garcia (Eolo-Kometa), Marc Brenner, Leon Heinschke (DSM), Lilian Calmejane (AG2R-Citroën), Davide Martinelli (Astana), Taco van der Hoorn (Intermarché-Wanty Gobert), Edoardo Zardini (Drone Hopper-Androni Giocattoli) et Samuele Zoccarato (Bardiani-CSF-Faizenè) a pu voir le jour. Un groupe qui n’a toutefois jamais possédé plus de cinq minutes d’avance et qui a même vu son capital diminuer au fil des kilomètres et des sections de gravel. Au moment d’aborder l’enchaînement des cinquième et sixième secteurs, l’écart était même réduit à deux minutes par un peloton de plus en plus nerveux. C’est d’ailleurs du fait de la nervosité, mais aussi grandement d’un vent très puissant, qu’une chute massive s’est produite à cent kilomètres de l’arrivée. Lewis Askey était aux avant-postes pour y assister, et pour être embarqué. « Sur le moment, même si on n’a pas trop le temps pour réfléchir, j’ai pensé au fait que ça pourrait donner une super photo, plaisantait plus tard le Britannique. J’étais là avec les plus grands coureurs du monde. Après avoir touché le sol, je pense que j’ai été le plus rapide à remonter sur mon vélo (rires) ».
« Si je voulais faire un résultat, il fallait que je mette les gaz », Attila Valter
Tombé mais relativement indemne, le jeune Anglais a ensuite récupéré sa place dans un peloton qui a mis quelques dizaines de kilomètres à se reconstituer à la suite de ce fait de course majeur. « À cinquante kilomètres de l’arrivée, on avait encore six coureurs dans le peloton, appuyait Yvon Madiot. Il ne manquait qu’Antoine qui était tombé dans la grosse chute collective ». Après une première petite sélection dans le secteur de San Martino in Grania (7e), c’est finalement dans celui toujours décisif de Monte Sante Marie que la course a complètement explosée, à la suite des accélérations consécutives du double champion du monde Julian Alaphilippe et du double vainqueur du Tour de France Tadej Pogacar. Ce dernier s’est envolé, repoussant rapidement le reste de ses concurrents à une minute. À la sortie de cette portion de graviers, à une quarantaine de kilomètres, le « peloton » était réduit à une trentaine d’unités dont Lewis Askey, Sébastien Reichenbach et Attila Valter. « C’était une course un peu mouvementée avec le vent et cette grosse chute, relatait le Hongrois. J’ai fait de mon mieux et j’ai essayé de rester calme. Antoine m’a donné un très bon conseil hier. Il m’a dit que même si je me sentais bien, il fallait que je ronge mon frein car beaucoup d’autres pouvaient se sentir aussi bien, et c’est contre eux que j’aurais à batailler dans le final ». Tandis que Pogacar creusait en tête de course, la véritable bagarre pour les accessits a débuté à l’arrière à une vingtaine de kilomètres et l’offensive de cinq coureurs dans l’avant-dernier secteur. Attila Valter n’a pas suivi à cet instant, mais il a profité de l’ultime portion de gravel, à Le Tolfe, pour produire son effort.
Le Hongrois racontait plus tard en détail : « On avait fait la reconnaissance avant-hier, je savais que la dernière section était difficile, mais je savais qu’elle pouvait me convenir si j’avais encore les jambes. Au pied, j’ai suivi un mec qui mettait un bon rythme, et je me suis dit que si je voulais faire un résultat, il fallait que je mette les gaz à ce moment-là. J’ai fait de mon mieux, et je suis arrivé au sommet tout seul. Ensuite, Bilbao est revenu sur moi et on a très bien travaillé ensemble pour revenir sur les trois coureurs intercalés. On était donc cinq pour les places de 4e à 8e. C’était un peu plus tactique, mais on a quand même assez bien travaillé car on ne voulait pas voir un autre groupe revenir. J’ai eu besoin de souffler un moment, mais j’ai ensuite senti que j’avais encore les jambes pour repartir dans la pente finale ». Une petite minute derrière Pogacar, et trente secondes derrière Valverde et Asgreen, Attila Valter s’est fendu d’une offensive tranchante dans les rues de Sienne pour aller ravir la quatrième place du jour. « C’était vraiment spectaculaire, il y avait beaucoup de fans sur les côtés et je savais que je devais tout mettre, ajoutait-il. C’était beau parce que je voyais les ombres dans cette rampe finale. J’ai vu les coureurs derrière moi lorsque j’ai attaqué, mais j’ai vu leurs ombres s’éloigner progressivement et ça m’a donné encore plus de force pour finir ». Le poing rageur et satisfait, le jeune homme de 23 ans a dès lors conquis une sublime quatrième place sur la Piazza del Campo.
« C’était tout ce que j’en attendais, et plus encore », Lewis Askey
« C’est un très beau résultat pour moi, mon meilleur sur une course d’un jour jusqu’à présent, confiait-il. C’est dommage qu’Asgreen et Valverde se soient enfuis avant, je pense que j’aurais pu me battre avec eux pour un podium. Cela étant, je dois vraiment me satisfaire de ce résultat. C’était une super belle journée. Je pense que c’est vraiment bien pour l’équipe et j’espère qu’ils sont contents aussi ». Une petite minute après lui, Sébastien Reichenbach a obtenu une très solide quatorzième place pour confirmer une belle course d’équipe dans le clan Groupama-FDJ. « Je suis content car on a fait ce qu’on avait dit, se félicitait Yvon Madiot. On savait qu’on n’avait pas forcément le grand favori pour la gagne. On s’était dit qu’il fallait être opportuniste, aller dans les coups, suivre. Il n’y avait pas vraiment de coureur protégé. Tout le monde avait sa chance, tout le monde avait carte blanche pour aller chercher un résultat. Dans le final, on en avait encore deux pour jouer le top 10 et on fait même top-5. C’est encore mieux ! Je suis très satisfait. Les gars se sont investis, car c’est certes une course très jolie, mais elle est aussi très particulière et exigeante. Outre Attila, Seb a fait une grosse course et je ne le voyais pas à ce niveau sur une épreuve de ce genre ! Lewis est fougueux, il doit encore apprendre mais il y a chez lui un super potentiel. Je salue tout le monde ce soir ! » « C’était fou, disait Lewis, trente-cinquième. C’était tout ce que j’en attendais et plus encore. J’avais de très bonnes jambes, cette course est un poil trop vallonnée pour moi, mais je suis vraiment content d’avoir tenu si longtemps ». Et Attila Valter de conclure : « C’était unique. J’ai maintenant hâte de revenir l’année prochaine ».