Arthur, parlez-nous de vos émotions depuis le passage sur la ligne d’arrivée ? C’est difficile de tout vous résumer, de vous dire tout ce qu’il s’est passé depuis le franchissement de la ligne. Comme vous le savez, je suis Franc-Comtois, je suis d’ici, j’habite à 40 kilomètres. Il y avait tout le monde. Toute ma famille, tous mes amis, tous les gens qui me sont chers. C’était un moment exceptionnel, de joie immense, de bonheur, de communion. Tous les superlatifs sont possibles. Ces 15–20 minutes jusqu’au podium, à enfiler le maillot bleu-blanc-rouge une nouvelle fois, c’était simplement magique.
En quoi ce titre est-il différent de celui de Lannilis, en 2013 ?
C’est une autre dimension. A Lannilis, c’était de l’autre côté de la France, je n’étais pas chez moi. Et puis il y avait aussi une part d’insouciance. C’était mon premier titre, j’ai vécu une année en bleu-blanc-rouge et je sais maintenant ce que c’est. Le revivre une deuxième fois, c’est encore plus fort. D’autant plus avec les moments que j’ai traversés fin 2014 et l’an passé. Tout ces sentiments mélangés font que c’est à coup sûr le plus grand jour de ma carrière.
Est-ce que le fait d’avoir déjà été titré vous a permis d’être plus relâché dans ce type de final ?
Totalement. Même si je n’étais pas le favori numéro 1 aujourd’hui – j’étais plutôt un outsider – je savais que si je me retrouvais devant pour la gagne, j’avais une chance sur deux de l’emporter. Quand on a déjà gagné un championnat, on a un petit ascendant psychologique sur les autres. Quand, à deux kilomètres de l’arrivée, j’ai décidé de ne plus rouler et qu’Alexis (Vuillermoz) a voulu faire la cassure, je lui ai dit ‘’si tu veux le maillot, vas-y, moi je l’ai déjà gagné’’. C’est stratégique, on ne se fait pas de cadeaux. Même si, au final, c’est moi qui ai lancé le sprint. Ma stratégie dans les derniers kilomètres était d’en faire le moins possible et de faire en sorte que ça s’attaque le moins possible pour faire un sprint grandiose à 200–250 mètres. C’est ce qu’il s’est passé. Je savais qu’avec tout ce que j’avais dans la tête, je serais imbattable au sprint.
On parlait surtout de Thibaut (Pinot) pour ce championnat…
C’est clair que Thibaut est désormais l’épouvantail du cyclisme français. On ne parle que de lui, et c’est normal, c’est un très très grand leader. Il est exceptionnel sur toutes les sorties qu’il fait en World Tour. En plus, il avait gagné le chrono et j’en ai profité pour me cacher un peu dans ma préparation, dans la course aussi. Et si vous, vous ne pensiez pas trop à moi, je peux vous dire que j’ai préparé ce championnat avec un seul objectif : celui de gagner. Je suis un peu égoïste aujourd’hui mais je suis très fier de l’avoir gagné.
Vous l’aviez donc coché depuis un moment…
Evidemment, dès que j’ai appris que la course serait ici, en Franche-Comté. En plus, connaissant le chauvinisme franc-comtois, ils n’allaient pas nous faire une galette, mais plutôt un circuit difficile pour avantager nos couleurs.
C’est un beau week-end pour la FDJ ?
C’est clair, on n’est pas mal là ! Et même si Francis Mourey n’avait pas le maillot de la FDJ, il a gagné le championnat de France de cyclo-cross. Les Francs-Comtois sont un peu les maitres de la France (rires).
Y a-t-il d’ailleurs un état d’esprit franc-comtois ?
On est un peu comme les Bretons mais on est aussi des têtes de mules. Quand on a quelque chose dans la tête, on ne lâche pas. Que ce soit Thibaut ou moi – Thibaut encore plus je crois – on est des teignes. On a un caractère, il ne faut pas se le cacher. On aime ou pas, mais quand on a quelque chose dans la tête, on ne l’a pas ailleurs. On est très exigeant vis à vis de nous-mêmes. Ce n’est pas facile tous les jours, mais quand ça paye c’est d’autant plus glorifiant. En Franche-Comté, je pense qu’on a cette qualité d’être persévérant et têtu dans le sens positif du terme.
Vous rêviez de ce doublé avec Thibaut ?
Moi j’en rêvais. Thibaut rêvait de son titre sur le chrono. Quand je l’ai vu gagner jeudi, je me suis dit que ce serait pas mal que je l’emporte aussi. Le fait de faire le doublé est quelque chose de grand. Que ce maillot revienne à la FDJ est quelque chose de très important aussi pour Marc (Madiot) et le sponsor. Je pense que c’est une semaine parfaite. Je crois que Marc qui adore sa région, la Mayenne, commence à bien kiffer la Franche-Comté.
Qu’est-ce qu’il y a de plus beau dans le fait de porter le maillot tricolore ?
C’est une année de bonheur. Mais il y a aussi de la pression. On représente le cyclisme français, on a notre drapeau sur le dos. Il faut s’en montrer digne. Mais tous les jours à l’entraînement, on a un maillot différent des collègues. Dans la tête, c’est un plus. Le vélo, vous le savez, se joue beaucoup au mental. Il faut être en confiance, il faut avoir envie d’aller s’entraîner. Il faut avoir le petit plus qui vous pousse à faire la différence et un maillot comme est bénéfique.
Qu’aimeriez-vous qu’il vous arrive avec ce maillot ?
Pas de galères. Je veux juste évoluer à mon niveau. Après, si je gagne des courses ou pas, ce n’est pas grave. L’important est d’être au maximum de son potentiel. Le sport est comme ça. Parfois on gagne, parfois non. Je veux juste pouvoir l’honorer dignement sans pépins. Je ne demande pas la lune.
Comment avez-vous rebondi après vos ennuis des deux saisons précédentes ?
Ca n’a pas été facile, je vous l’avoue. Surtout quand on commence à atteindre un bon niveau. Début 2014, je fais troisième de Paris-Nice. Peu de Français arrivent à faire podium sur des courses World Tour. J’avais engrangé beaucoup de confiance en moi, j’étais très fier de moi et très optimiste quant à mon avenir. Puis, au fil des mois, tout a dégringolé. Mon niveau en pâtissait, ma confiance, mon moral également. On se pose beaucoup de questions. Il y a des fois où je me suis dit : « je finis mes deux années de contrat et j’arrête ». Je ne fais pas du vélo pour lâcher en premier du peloton. C’est beau le vélo mais pour moi ce n’est pas ça. Il y a eu des moments très difficiles, mais j’ai la chance d’avoir des amis, une famille et une petite amie très stables.
Maintenant, qu’attendez-vous du Tour de France ?
Je veux en profiter, déjà, avec ce maillot. Mais je sais que le Tour est très compliqué. Cette année, nous avons de grosses ambitions avec un coureur que vous connaissez. On ne va pas se contenter de faire dixième du Tour. On y va pour faire quelque chose de grand. Cette année, Thibaut a démontré d’énormes qualités. Il a encore passé un cap comparé à l’an passé et j’espère qu’on sera à la hauteur. J’y serai en tant qu’équipier, peut-être super-équipier avec ce maillot, mais pour le moment j’y vais pour travailler. Avec, si l’occasion se présente, l’idée de tenter ma chance sur une journée. Je suis déjà un homme comblé aujourd’hui.
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