Il l’attendait depuis le début de l’année, et elle est finalement arrivée ce mercredi sur les routes du Tour d’Italie, avec la manière. À Messine, Arnaud Démare a conquis sa toute première victoire de la saison au terme d’une cinquième étape tout sauf tranquille. Distancé à mi-parcours, l’ancien champion de France a pu s’appuyer sur ses coéquipiers pour réintégrer le peloton mais également pour aborder le sprint final de la meilleure manière possible. Il n’a alors laissé aucune chance à ses concurrents et s’est flanqué de son sixième succès d’étape sur le Giro, et de son 85e bouquet en carrière. Cerise sur le gâteau, il a endossé le maillot cyclamen du classement par points. L’objectif premier de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ est désormais rempli.
« On descendait presque sur les genoux », Clément Davy
Lorsqu’ils ont ouvert le roadbook à la page présentant la cinquième étape, Arnaud Démare et la majeure partie de ses coéquipiers ont certainement eu quelques flashbacks. Ce mercredi sur le Giro, les coureurs empruntaient en effet un parcours en tout point similaire à la quatrième étape du Tour d’Italie 2020, justement remportée par le champion de France d’alors. L’unique différence était la longueur, puisque trente kilomètres étaient ajoutés cette année pour rejoindre Messine. « On était presque en terrain connu et on connaissait assez bien le parcours, introduisait Sébastien Joly. On connaissait aussi le scénario. On savait que certains sprinteurs pouvaient ne pas passer, étant donné que le col situé après cinquante kilomètres était relativement long et assez pentu sur le sommet ». Si le départ s’est avéré plutôt traditionnel, avec une échappée de cinq hommes rapidement contrôlée par Clément Davy et d’autres formations de sprinteurs, les choses se sont donc animées à une centaine de kilomètres de l’arrivée. L’équipe du maillot cyclamen Mathieu van der Poel (Alpecin-Fenix) a nettement durci le tempo dans l’unique difficulté du jour, la Portella Mandrazzi, et certains sprinteurs ont été mis en difficulté. Arnaud Démare a lui-même été contraint de laisser filer le gros du peloton à quatre kilomètres de la bascule, mais il a dès lors pu compter sur une solidarité sans défaut de tous ses coéquipiers. « Il a lâché, mais il n’a pas explosé, assurait Miles Scotson, aux premiers rangs. Il a pris son rythme et nous a fait confiance. On a réussi à maintenir l’écart pour avoir la possibilité de revenir par la suite ». Lorsque la descente s’est enfin présentée, le Picard et ses six acolytes restants ne possédaient qu’une grosse minute de retard sur le peloton principal. Alors, il a fallu mettre les gaz.
« La montée était difficile et on s’y attendait, relatait Arnaud. Il a fallu entreprendre une grosse chasse pour rentrer. J’ai perdu pas mal de temps mais les gars ont fait un super travail. On est descendus comme des balles. Je vois encore Tobias et Miles virer comme des fous. C’était parfois limite pour les suivre ». « J’ai d’abord géré l’échappée, puis géré le groupe dans le col, mais dans la descente, j’ai laissé les gars faire, souriait Clément Davy. Miles et Tobias ont fait une descente de folie. On descendait presque sur les genoux. Ça allait extrêmement vite ». « On était certes derrière dans la montée, mais c’était beau de voir tout le monde en chasse dans la descente », agrémentait Ramon Sinkeldam. Logiquement, l’écart s’est progressivement réduit avec le peloton principal, et la jonction a finalement été opérée à environ soixante-dix bornes du terme, au bas de cette longue descente. « On avait évoqué cette possibilité qu’on ait à rouler dans un premier temps pour revenir sur le gros du peloton, puis dans un second temps pour éliminer les sprinteurs distancés, ajoutait Sébastien Joly. C’est donc ce qu’on a fait. Attila et Clément on fait un gros travail sur la partie plate, ce qui était important pour faire craquer les adversaires derrière, en l’occurrence Ewan et Cavendish ». À l’entrée dans la dernière heure de course, le Britannique et l’Australien ont définitivement plié les ailes, mais Clément Davy et Attila Valter ont continué d’imprimer le rythme jusqu’aux dix derniers kilomètres. « Ils étaient tous les deux très forts », insistait Arnaud. Les attaquants ayant été avalés très tôt, c’est donc bien un sprint qui s’est profilé à Messine, avec toutefois quelques absents. « Il a simplement fallu réajuster la mise en place du train étant donné que Jacopo a connu une journée sans, ce qui peut arriver, reprenait Sébastien. On a décalé les postes, et tous ont été à la hauteur ».
« C’est vrai que c’est un soulagement », Arnaud Démare
« Dans le final, tout a été très fluide avec Tobias, Kono, Miles et Ramon, racontait encore Arnaud. On avait bien reconnu le final dans le bus. Bien que cela semblait être un sprint houleux sur le papier, avec de nombreux virages, ça a été très fluide me concernant ». Dans les trois derniers kilomètres, le Picard n’a pas lâché la roue de son coéquipier néerlandais, lui-même installé dans celle de son compère australien. Ce fût ensuite une mise en action impeccable. « Les gars ont fait du très gros boulot, Ramon était bien en place à 250 mètres de l’arrivée, ça allait bien physiquement, et j’ai su être patient pour lancer le sprint », confiait Arnaud. C’est finalement à 200 mètres de la ligne qu’il a débouché en tête, position qu’il a maintenue jusqu’au bout sans frémir. « Je n’ai vraiment rien lâché avant de passer la ligne, poursuivait-il. Quand je la passe, je réalise que j’ai enfin gagné cette année ». S’en est donc suivi un cri d’exultation, et de délivrance. « C’est vrai que c’est un soulagement, confiait encore Arnaud. Je suis super content de gagner ma première de la saison sur le Giro, et de cette manière. J’étais bien depuis le début de l’année, mais ça ne se concrétisait pas. C’est le vélo. On met parfois des choses en place et on ne parvient pas à les appliquer. Mais on sait de quoi on est capables. Il ne faut pas baisser les bras, et persévérer ».
582 deux jours après avoir remporté cette même étape, ou presque, c’est donc en Sicile qu’Arnaud Démare a définitivement lancé sa saison 2022. Et l’ensemble du groupe avec lui. « Ça fait vraiment du bien à tout le monde, car on l’attendait depuis un moment, commentait Clément, qui a appris la victoire de son collègue alors qu’il lui restait deux kilomètres à boucler. J’avais les larmes aux yeux jusqu’à la ligne et je n’avais qu’une hâte : retrouver l’équipe à l’arrivée. On n’a rien lâché pour en arriver là. On sait qu’on a subi des petits couacs en début de saison, mais on n’a pas baissé les bras. On a vraiment bien travaillé après la première partie de saison, et ça paie aujourd’hui. On était tous bien en forme et on a tous fait du bon boulot. Ce n’est que du bonheur ». « C’est vraiment une belle victoire, abondait Miles. On a passé une période difficile, il y avait beaucoup de pression, et cette victoire fait tellement de bien. On a aussi gagné car toute l’équipe était très forte. Tout le monde a travaillé dur et Arnaud a terminé le travail. On n’a jamais perdu confiance, nous savons à quel point il est fort. S’il est au bon endroit au bon moment, on sait qu’il peut gagner ». « C’était ce qu’on attendait tant, s’enthousiasmait encore Ramon. Parfois, il faut juste que tout s’aligne pour qu’Arnaud gagne. C’est superbe de remporter cette étape qu’on avait déjà gagnée en 2020. J’ai d’ailleurs une pensée pour Jacopo aujourd’hui, car j’ai subi une journée exactement similaire il y a deux ans. Mais l’important, c’est malgré tout qu’on ait gagné ».
« Il y a beaucoup de satisfactions », Sébastien Joly
Sébastien Joly apportait également son point de vue sur cette sixième victoire en carrière sur le Giro pour le Picard. « J’ai beaucoup aimé l’attitude de Miles, qui a fait étalage de son expérience et de sa forme, disait-il. Je suis très heureux pour Ramon également. Il a réussi à faire un lancement assez incroyable. Il y a beaucoup de satisfactions aujourd’hui. Surtout, c’est la première victoire de l’année pour le groupe sprint. C’est un vrai déclic. Le début de saison a été compliqué, il faut le dire. Beaucoup de choses n’étaient pas alignées. On a tous bien retravaillé, il y a eu une vraie remise en question, et ça nous a permis de resserrer l’équipe de manière générale. Aujourd’hui, Arnaud a conclu un beau travail collectif global ». Il a également profité de son succès pour enfiler le maillot cyclamen du classement par points, qu’il mène de vingt-deux points avant de rejoindre le « continent » ce mercredi soir. « Avant tout, je savoure cette victoire qui me fait vraiment du bien, et qui va faire du bien à tout le groupe ainsi qu’à l’équipe, ponctuait Arnaud. C’est quand même quelque chose de gagner sur un Grand Tour. J’ai le cyclamen pour le moment mais le chemin est encore long jusqu’à Vérone ».
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