Il fait partie du cru 2022 exceptionnel de la Conti, et figure parmi les huit jeunes hommes à avoir effectué la transition vers l’Équipe cycliste WorldTour Groupama-FDJ pour 2023. Extrêmement constant lors du précédent exercice, Sam Watson a laissé entrevoir de nombreuses promesses à l’aube de son entrée « chez les grands ». Nous avons remonté le fil de son parcours pour en découvrir davantage sur le jeune Anglais de 21 ans.
Une rencontre suffit parfois à faire naître une vocation. Celle de Sam Watson en tant que cycliste trouve ses racines à l’école primaire, au cœur de Leeds, lorsque le jeune garçon se lie d’amitié avec un camarade de classe : Joe, de son prénom. Pidcock, de son nom. Car bien avant de se retrouver coéquipiers au sein de la « Conti », les deux enfants partagent leurs premiers tours de roue ensemble, ainsi qu’avec le grand frère, Tom, aujourd’hui mondialement connu. « J’allais assez souvent chez les Pidcock, raconte Sam. Ils étaient tous des passionnés de cyclisme dans la famille, on est devenus proches, et ce sont finalement eux qui m’ont introduit au vélo. J’ai commencé à aller à l’école en BMX avec Joe et Tom, et je me souviens qu’un jour après l’école, leur mère Sonia m’a demandé si je voulais venir à une séance organisée par British Cycling. J’y suis allé, j’étais vraiment nerveux mais j’ai vraiment adoré ça, et j’ai commencé à aller de plus en plus à ces séances. Puis, au bout d’un moment, j’ai commencé à aller sur les courses avec leur famille ». Après avoir notamment essayé le football ou la natation, le jeune garçon se concentre bientôt sur la bicyclette, bien que la compétition ne soit pas encore au centre de son activité. Il est d’ailleurs séparé de Joe pour l’occasion, découvrant avec surprise qu’il doit être classé dans la catégorie d’âge supérieure. « C’est en tant que pupille que j’ai commencé à courir de plus en plus », précise-t-il. Il demeure que tout a commencé par l’intermédiaire des Pidcock. « Je n’aurais rien pu faire sans mes parents, nuance Sam. Ils ont acheté mes vélos, ils m’ont emmené sur beaucoup de courses, mais je vivais tellement près des Pidcock qu’il était facile de partager ça avec eux, d’aller sur les courses avec eux, car ils y allaient quoi qu’il en soit ».
Percée chez les Cadets, confirmation chez les Juniors (et Lewis Askey pas loin)
La voie est désormais ouverte, et Sam Watson s’y engouffre progressivement de plus en plus, franchissant les échelons à son rythme, et sans prétention. « Je voyais juste le vélo comme un amusement, indique-t-il. Je n’ai jamais vraiment fait d’entraînement sérieux jusqu’à la catégorie cadets. Dans la région où j’ai grandi, il y a beaucoup de sorties en groupe, et j’avais pris l’habitude d’y participer ». Sur les courses, le jeune Anglais est loin d’être ridicule, mais ne se démarque pas particulièrement chez les benjamins et les minimes. « Quand on était jeunes, sur chaque épreuve nationale, Lewis Askey et Alfie George nous lâchaient ou nous collaient dix longueurs dans le sprint », se souvient Sam. Il lui faut attendre son entrée chez les cadets pour connaître un déclic, et un changement de philosophie. Le natif du Yorkshire devient plus performant, enchaîne les victoires au niveau local et accroche même des podiums sur des épreuves plus huppées. Il parvient même à faire jeu égal avec Lewis Askey. « C’est ce qui m’a fait réaliser que je n’étais pas mauvais, sourit-il. Je voulais être cycliste professionnel depuis tout jeune, j’en rêvais, je savais que j’étais correct mais je n’avais pas vraiment de résultats jusqu’à ce point. Je dirais que cette saison a été un tournant. Je me suis dit : « je peux gagner des courses et continuer à progresser ». Il est encore davantage conforté de ce point de vue la saison suivante lorsqu’il est cette fois-ci sacré champion de Grande-Bretagne cadets, à Milton Keynes. Il connaît cette même année (2017) sa première expérience hors du territoire national, à l’occasion du Festival olympique de la jeunesse européenne, à Győr, en Hongrie.
La dynamique se poursuit de plus belle dès ses premières sorties chez les Juniors. Avec sa sélection nationale, il fait de nouveau un crochet sur le Continent où il tape pour la première fois le pavé, sur Paris-Roubaix. Un baptême du feu qui se solde par une huitième place, alors que son collègue Lewis Askey s’adjuge le titre, « un moment spécial », souffle-t-il. De retour en territoire britannique il s’offre le Tour d’Île de Man, dont une étape, obtient la médaille de bronze lors de la course en ligne des championnats nationaux et remporte une étape du Tour du Pays de Galles. Il brille également sur la piste, où il est titré sur la course aux points et le scratch. Le jeune homme s’impose petit à petit comme l’un des fers de lance de sa génération, mais aussi lui faut-il désormais impressionner hors de ses frontières. C’est ce qu’il va s’attacher à faire, avec brio, en 2019. Sa toute première course en Belgique, la Guido Reybrouck Classic, est même synonyme de victoire. « C’était encore un très bon début de saison, et c’est là que j’ai réalisé que j’adorais vraiment les Classiques », commente-t-il. Sa troisième place sur Gand-Wevelgem, la semaine suivante, n’en est qu’une illustration supplémentaire. Le reste de la saison est dans la droite lignée de cette entame tonitruante, et le Britannique ne décroche pas moins de douze top-10 au cumul sur les courses phares que sont le Trophée Centre Morbihan (2e), le LVM Saarland Trofeo (6e) et le Keizer der Juniores (2e). « Je savais que je marchais bien, mais je n’ai pas gagné autant de courses que je le voulais, regrette-t-il néanmoins. J’étais rarement satisfait, j’avais toujours envie de plus ».
« Je me disais : plus personne ne sait qui je suis »
Il accroche tout de même un nouveau succès d’étape sur le Tour des Pays de Galles en amont des Mondiaux à Harrogate, sur ses terres. « C’était incroyablement spécial, confie-t-il. Je participais aux Mondiaux sur les routes que j’emprunte presque tous les jours. C’était vraiment étrange. Je suis parti de la maison en voiture, et j’ai dit « Maman, je vais aux championnats du monde ». Bien sûr, le résultat n’était pas celui espéré (28e), mais je me souviens encore de la chair de poule que j’ai ressentie en entrant sur le circuit ». Fort de sa troisième place au classement national Juniors, mêlant route et piste, Sam Watson peut envisager son entrée chez les Espoirs de manière sereine. Il est pourtant, comme tout le monde, stoppé net à la mi-mars 2020. La pandémie de Covid-19 renvoie la sélection britannique chez elle, et ce pendant un moment. « C’était une période assez difficile, confesse Sam. J’ai fait deux courses sur route cette année-là. C’était dur, clairement. J’ai un peu craqué au début, mais je me suis bien repris ensuite et j’ai progressé en tant qu’athlète, à défaut de l’avoir fait en tant que coursier. Je me suis entraîné dur et j’en suis sorti meilleur ». Mais le jeune Anglais a douté, franchement, pour sa carrière : « À l’époque, j’avais l’impression que les mecs des équipes européennes allaient bien plus courir que nous. C’était comme si nous étions piégés au Royaume-Uni, car on ne pouvait pas voyager. Ça a duré au moins un an, et je me disais « le temps file, je ne cours plus, plus personne ne sait qui je suis ».
Près d’un an plus tard, c’est donc un nouveau départ auquel il procède. « Je me suis dit que c’était comme si je sortais tout juste des juniors, raconte-t-il. C’était étrange de courir à nouveau, mais j’ai vraiment fait tout ce que je pouvais pour être aussi bon que possible, car je savais que j’avais pris du retard. On a d’abord couru en Italie et j’ai vu que j’avais le niveau. Plus tard dans l’année, on a aussi fait quelques courses en France. Mais il était encore extrêmement difficile de sortir du Royaume-Uni. On devait aller à Gérone et y rester une semaine pour passer la frontière française. Mais c’est probablement le meilleur investissement de ma vie, car sans ces courses, je ne sais pas où j’en serais aujourd’hui ». Désireux de se montrer sur la scène hexagonale, Sam Watson s’exécute : septième de l’Étoile d’Or, troisième d’étape sur le Tour Alsace, puis la concrétisation, sur le Kreiz Breizh Elites. « J’avais beaucoup de très bons résultats, mais j’avais vraiment très envie de gagner une course, expose-t-il. Je me souviens très bien de cette étape, je m’étais dit : « Je vais la gagner, peu importe comment ». Je me sentais juste imbattable ce jour-là, j’étais dans la forme de ma vie. Quand j’ai franchi la ligne premier, c’était l’une des plus belles sensations de ma carrière, surtout de la façon dont je l’ai fait ». Plus crucial encore, ce succès lui ouvre des portes qu’il tentait timidement de pousser jusque-là. « J’avais parlé à quelques équipes de développement, mais parce que je n’avais pas fait grand-chose depuis deux ans, il n’y avait pas vraiment d’intérêt de leur part, ajoute-t-il. Ça a changé après cette victoire ». De quoi le faire relativiser son abandon sur chute sur ce même Kreiz Breizh Elites alors qu’il portait le maillot jaune lors de la dernière étape. « J’étais bien sûr déçu, mais j’avais la sensation d’être reparti de France en ayant fait ce que j’avais à faire, lance-t-il. Cela a remis ma carrière sur les rails ».
« Époustouflé » par la Conti, dont il devient une valeur (ultra-)sûre
Revenu en fin de saison de sa fracture de la clavicule, et après une solide performance aux Mondiaux de Liévin (13e), Sam Watson choisit de rejoindre la « Conti » Groupama-FDJ durant l’hiver en vue de sa troisième année chez les Espoirs. Un choix des plus pragmatiques. « Je devais franchir la prochaine étape, et c’était de courir toutes les courses que je voulais courir, aussi pour avoir une tranquillité d’esprit, indique-t-il. Or je pense que la « Conti » a le meilleur calendrier du monde pour ce qui est des équipes de développement. Je suis évidemment très ami avec Jake, Lewis et Joe. Ils m’ont parlé de l’équipe en très bons termes et m’ont vraiment recommandé d’y signer. Ils m’ont dit que c’était l’endroit idéal ». Quelques semaines plus tard, le Britannique n’est pas déçu. « En réalité, j’ai été époustouflé par le professionnalisme de l’équipe, se souvient-il. Je ne pensais pas que ce serait aussi bien. C’était un peu comme si j’étais déjà en WorldTour ». Pour lui, l’approche de la saison 2022 coïncide également avec la mise en retrait de la piste, à qui il préfère largement la route, « plus divertissante ». C’est donc en tant que pur routier que Sam Watson lance sa saison en mars, avec les idées au clair. « J’ai toujours dit que je ne voulais pas précipiter les choses, que je voulais apprendre à gagner de grosses courses avant de passer pro », dit-il. Apprendre est aussi au cœur de ses premières expériences dans l’équipe WorldTour sur Nokere Koerse et le Grand Prix de Denain. « J’étais hyper nerveux en arrivant là-bas, mais tout le monde m’a rendu la tâche facile, reprend Sam. On veut forcément faire bonne impression, on veut faire les choses bien. Après Nokere, je me suis dit « ok, je me sens à l’aise à ce niveau, je peux maintenant me focaliser sur la course ». Avoir couru avec la WorldTour m’a également apporté beaucoup de confiance et de joie ».
Cette confiance se traduit par un résultat d’envergure à peine dix jours plus tard. Sous le maillot de la Grande-Bretagne, Sam Watson s’adjuge l’édition Espoirs de Gand-Wevelgem. « C’était un vrai soulagement de gagner sur Gand, affirme-t-il. Étant donné que la concurrence à l’intérieur même de l’équipe était extrêmement élevée, je ne voulais pas me retrouver à la traîne. Je ne désespérais pas, mais je me disais « J’ai vraiment besoin de gagner car plusieurs gars de l’équipe ont déjà gagné ». Ça a été un vrai poids en moins ». Libéré, il retrouve un rôle d’équipier tantôt dans la Conti, tantôt dans la WorldTour, mais saisit crânement sa chance sur le Tro Bro Léon à la mi-mai, quelques jours après sa première course par étapes chez les grands, les 4 Jours de Dunkerque. « À ce stade, je n’avais plus l’impression d’être un ‘’invité’’, mais de vraiment faire partie de l’équipe, souligne-t-il. Le Tro Bro Leon se déroulait le jour où Paris-Roubaix Espoirs aurait dû se tenir. Or, c’était un de mes gros objectifs de la saison, j’étais vraiment en forme. Je suppose que j’ai tiré le meilleur parti de cette course en terminant cinquième (!). Ce n’est pas quelque chose auquel on s’attend quand on est promu de la « Conti », mais plus la course avançait, plus le scénario jouait en ma faveur, et je me suis dit : « je peux vraiment faire un bon résultat ». Le jeune homme de 20 ans fait naturellement forte impression, et il ne se relâche pas : deux podiums et une victoire sur la Course de la Paix, une deuxième place derrière Romain Grégoire sur le Baby Giro et une notoriété exponentielle après le championnat de Grande-Bretagne, où seul un certain Mark Cavendish l’empêche de s’imposer. « J’étais vraiment content de ma performance, car même si je n’ai pas gagné le titre élite, c’est l’une des plus belles courses que j’ai jamais réalisée, assure-t-il. Après, c’est évidemment très difficile de battre Mark Cavendish au sprint, mais c’était certainement une bonne course ».
« Je ne veux pas me définir comme un seul type de coureur »
Cela lui vaut, dès le mois suivant sur le Tour Alsace, et sur toutes les épreuves depuis, d’être présenté au départ comme ‘’Sam Watson, deuxième du championnat de Grande-Bretagne derrière Mark Cavendish’’. « C’est plutôt sympa à entendre, sourit-il, mais je veux être connu comme un vainqueur ». En Alsace, justement, il retrouve la victoire, mais avec le maillot de la Conti cette fois-ci. « On était assez tard dans la saison, et j’ai dit à Jérôme : « Je sais que si l’équipe roule pour moi, je peux gagner, relate-t-il. On avait le maillot jaune avec Finlay, et le scénario était quasi-parfait sur la dernière étape. J’étais vraiment nerveux toute la journée car je m’étais exposé. J’étais donc vraiment très heureux de gagner ». Victorieux au sprint, il se classe par la suite onzième des Jeux du Commonwealth, obtient deux podiums sur le Tour de l’Avenir, trois top-10 sur le Tour de Grande-Bretagne et s’envole enfin pour l’Australie où il termine quatorzième des Mondiaux Espoirs. Plus tôt dans l’été, son passage au sein de l’équipe WorldTour est confirmée aux côtés de sept compagnons de la Conti. « J’avais sans doute des options ailleurs, mais je n’ai jamais vraiment exploré ces options parce que je voulais vraiment rejoindre l’équipe WorldTour Groupama-FDJ, insiste-t-il. Je pense que c’est l’endroit idéal pour moi, et pouvoir intégrer immédiatement le groupe des Classiques, c’est tout aussi parfait. Marc Madiot était souvent sur les courses où j’étais promu l’an passé, et j’adore sa passion. Il me voulait vraiment dans cette équipe, et c’est très agréable de se sentir désiré en tant que coureur ».
Coureur polyvalent qui a montré l’étendue de sa palette lors de son unique saison avec la Conti, l’Anglais de 21 ans connaît aujourd’hui parfaitement ses points forts, et ses relatives faiblesses. « Je ne suis pas un pur grimpeur, et je ne pense pas pouvoir gagner le Tour de France, dit-il sourire en coin. Bien sûr, les Classiques sont des courses qui me correspondent vraiment, mais je ne veux pas non plus me définir comme un seul type de coureur. Je veux être capable de performer sur différents types de terrains. Pour l’instant, les Classiques pavées sont celles qui me conviennent le mieux, mais si j’améliore mes qualités de grimpeur, je pourrai peut-être aussi viser les Ardennaises à l’avenir. J’aimerais passer les ascensions plus longues. Je sais aussi que j’ai un bon sprint, mais je ne sais pas où ça me situe au niveau WorldTour ». Les courses qu’il rêve de remporter n’ont en tous les cas pas évolué depuis des années : Paris-Roubaix, le championnat du monde et une étape du Tour de France. « Ce sont pour moi les trois courses les plus mythiques », glisse-t-il. Des courses lors desquelles il a aussi été inspiré par ses illustres aînés britanniques, quand ces derniers dominaient les années 2010. Et qu’ils retrouve, pour certains, aujourd’hui dans les pelotons. « Au début, ça semble irréel et étrange, explique-t-il, mais ensuite, on se rend compte que tout le monde est humain et qu’on est là pour faire la même chose ». Il les croisera encore certainement cette année, en compétition, ou du côté de Nice, où il s’est installé « pour les routes d’entraînement, la météo », et non pas pour la langue qu’il entend sérieusement perfectionner.
Déjà une victoire en 2023 ?
Le grand bain, Sam Watson y a donc déjà goûté, mais il y entra de manière définitive ce dimanche lors du Grand Prix La Marseillaise, début d’une saison qu’il espère déjà fructueuse. « Ayant déjà fait quelques courses avec l’équipe WorldTour, je sais d’ores et déjà où mon niveau se situe, et j’aimerais vraiment finir cette année avec une victoire, conclut-il. Je ne parle bien sûr pas du Tour des Flandres, mais plutôt d’une Coupe de France ou quelque chose du genre. L’autre objectif serait d’être là dans le final des grandes courses pour aider des mecs comme Stefan. L’équipe veut construire l’un des meilleurs groupes de Classiques au monde, et c’est pour moi formidable d’en faire partie et d’aider à ce que cela se produise ».
Aucun commentaire