Il était en 2020 le benjamin de la « Conti » Groupama-FDJ. Et pour son baptême du feu chez les pros, Paul Penhoët a connu une saison pour le moins particulière. Le jeune homme de 19 ans a accepté d’y revenir mais aussi de retracer son parcours cycliste, déjà bien avancé. Nous sommes partis à sa découverte.
Il y en a chez qui la fibre cycliste se développe sur le tard, après des essais infructueux dans d’autres disciplines. Chez Paul Penhoët, elle s’est en revanche manifestée dès le plus jeune âge. Et ce après une très brève tentative footballistique, et sans inspiration particulière dans son entourage. « Aucun membre de ma famille n’est issu du monde du vélo, pas même mes grands-parents, confie-t-il. Personne ne s’y connaissait, j’étais vraiment le premier ». Il a seulement sept ans lorsque, sans réellement savoir pourquoi, si ce n’est des vacances au Tourmalet et le souvenir d’un garçon sur son vélo de course (« la classe »), il demande à rejoindre un club cycliste. « Mes parents trouvaient que c’était une chouette idée mais que c’était encore un peu tôt. Ils m’ont dit d’attendre, et que si j’étais encore motivé l’année suivante, ils m’inscriraient. L’année est passée, je n’ai rien perdu de ma motivation, alors ils m’ont inscrit à Clamart, mon premier club, où je suis encore licencié ». S’il n’a aujourd’hui que 19 ans, Paul Penhoët compte déjà une dizaine d’années de pratique, bien que, naturellement, les toutes premières avaient bien plus à voir avec le loisir que la compétition. « On ne s’entraînait qu’une fois par semaine, le mercredi, rappelle-t-il. Cela durait environ une heure et demie, mais l’idée était surtout de se retrouver avec les potes. On faisait des petites courses dans le bois de Clamart, des jeux d’adresse, c’était vraiment à la cool et ça m’a donné envie de continuer. Et puis il y avait aussi un petit goûter à chaque fin d’entraînement (sourires) ».
Entraînements en zone industrielle, premiers succès « tardifs »
Lors de ses premières années sur la selle, successivement dans les catégories pupilles, benjamins et minimes, le Francilien ne se démarque pas franchement lors des courses du week-end. S’il éprouve certes un « vrai plaisir à se confronter » à des garçons d’autres clubs et que la gagne lui fait déjà envie, il demeure lucide sur son niveau. « Je ne marchais pas du tout à l’époque, s’amuse-t-il. Je savais que je n’allais pas gagner mais ça ne me posait pas de problèmes. Je ne serais plus du tout comme ça aujourd’hui, mais c’est vrai qu’en y repensant, ça ne me dérangeait pas à l’époque. Même si je ne gagnais pas, je voyais que j’évoluais. Petit à petit, je tenais mieux le peloton, je pouvais attaquer deux, trois fois, et rien que ça, c’était une satisfaction. Ça montrait que je ne m’entraînais pas pour rien ». L’entraînement, justement. Originaire de la banlieue parisienne, Paul Penhoët a dû patienter de longues années avant d’aller sillonner les grands espaces de la vallée de Chevreuse. Dans un premier temps, la commune de Clamart a donc été son terrain de jeu. D’abord grâce à son bois, puis, aux alentours de 13-14 ans, via sa … zone industrielle. « Comme on était encore jeune, qu’on avait encore les cours, on ne pouvait aller s’entraîner que le soir, explique-t-il. Il faisait nuit et on était donc obligé d’aller là-bas car c’était illuminé. Le problème est qu’il y avait beaucoup de voitures, les gens sortaient du boulot. C’était un peu pénible ». Sans véritable lien de cause à effet, c’est aussi à cet âge-là qu’il remporte sa première victoire sur un vélo, dans une course de VTT en duo, en deuxième année minimes.
Plutôt orienté route, Paul Penhoët tâte également du VTT ou encore du cyclo-cross au sein de son club. Mais à son entrée dans la catégorie cadets, il découvre la piste. Et il accroche, instantanément. Cela se traduit d’ailleurs par un podium dès sa toute première compétition. Il lui faut en revanche attendre la saison suivante pour observer un mini-tournant dans sa discipline de prédilection. « En cadets 2, je gagne ma première course sur route, se remémore-t-il. Et une semaine plus tard, je gagne ma seconde. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’entraîner un peu plus sérieusement que les autres mecs de mon club. Mon entraîneur de l’époque m’avait établi un programme personnalisé. Le fait d’avoir gagné, alors que je ne l’avais jamais fait auparavant a changé pas mal de choses. On se dit : ‘j’ai été le meilleur aujourd’hui, ça vaut le coup d’insister pour voir jusqu’où ça peut mener’ ». Désormais performant au niveau régional, Paul Penhoët profite aussi des « beaux déplacements » effectués par son club hors Île-de-France, et plus spécifiquement sur les manches de l’incontournable Trophée Madiot. Le niveau y est encore un poil trop relevé, mais il n’est pas « largué ». En 2017, il parvient d’ailleurs à signer une poignée de top 15 sur le Challenge, en particulier une onzième place sur le chrono de Chateaubriand remporté par … son futur collègue et coloc, Hugo Page.
Un parcours Junior entre vélodromes et bitume
C’est dès lors avec quelques certitudes et la volonté de poursuivre ses efforts qu’il intègre la catégorie Juniors, sans toutefois préfigurer davantage son avenir dans le vélo. « En première année, je ne pensais pas encore à une carrière pro, conçoit-il. J’ai d’ailleurs fait davantage de piste car ça ne marchait pas trop sur route. En Juniors 1, mon objectif était de faire des compétitions avec l’Équipe de France piste. Ils ont organisé plusieurs stages, à la suite desquels le groupe se réduisait. Je suis arrivé jusqu’au dernier, ce que je n’aurais jamais imaginé, ça a marché et ils m’ont annoncé ma sélection pour les championnats du monde. J’étais super heureux ». Entre-temps, le jeune homme rafle cinq titres sur piste au niveau régional. « Je ne sais pas pourquoi j’étais plus performant que sur route, indique-t-il. Peut-être car ce sont des efforts violents et courts, qui me correspondent. J’aime aussi la tactique de course sur piste où il faut bien réfléchir tout en étant à bloc ». Sa saison sur route est plus discrète, elle est tout de même agrémentée d’un joli sacre au championnat d’Île-de-France. Il n’empêche, sa priorité est alors donnée à la piste et aux Mondiaux, où il se présente en compagnie de Donavan Grondin sur l’Américaine. « On avait tout gagné en Coupe de France, le duo marchait vraiment bien », soulève-t-il. Vainqueurs de leur série, les deux Tricolores échouent finalement à la sixième place, Paul étant pris de crampes lors de la finale. « Ça nous est resté en travers de la gorge, poursuit l’intéressé, mais ce Mondial fut une grande expérience. Et porter le maillot de l’Équipe de France pour la première fois, c’était quelque chose ».
Il se fixe comme objectif de retrouver cette même tunique tricolore la saison suivante. Mais sur route. « Ayant participé au championnat du monde, qui est le summum de ce qu’on peut faire sur piste, reprend-il, je me suis dit : ‘cette année, mets tout sur la route, lâche un peu la piste et on verra ce qui arrive’. Je n’ai pas changé grand-chose à l’entraînement, c’était davantage psychologique. Je prenais tout un peu plus au sérieux, je faisais moins d’erreurs ». Paré de son maillot de champion d’Île-de-France – « une bonne pression », il termine d’abord huitième des Boucles de Seine-et-Marne puis sixième de la Bernaudeau Juniors, qui lui ouvre, comme espéré, les portes de l’Équipe de France pour Paris-Roubaix. Il retrouve la sélection quelques semaines plus tard à l’occasion de la Course de la Paix Juniors, où il signe des 2e, 3e et 4e places, échouant d’un petit point au classement du maillot vert. « Faire des places au niveau international, c’est un vrai boost pour la confiance, relate-t-il. Quand je suis arrivé sur la Course de la Paix, je ne pensais vraiment pas être capable de ça. Ça a été un gros déclic, c’est certain. En début d’année, je n’aurais même pas imaginé pouvoir participer à ces courses-là, alors encore moins y performer ». Il valide sa progression en remportant deux épreuves fédérales sur le territoire français, lors du Tour du Couesnon Marche de Bretagne et de la Cantonale puis se classe sixième de la Route des Géants et termine dans le top 10 du championnat d’Europe d’Alkmaar. « Cette saison s’est finalement déroulée quasiment comme je l’aurais espéré ». Si bien que l’encadrement de la « Conti » Groupama-FDJ, alors fraîchement mise sur pied, s’intéresse à son cas.
« On m’a dit que c’était une grosse bêtise »
« Dans le courant d’année, j’ai eu des contacts avec Nicolas Boisson. Puis, aux championnats de France sur piste, Joseph Berlin Semon, qui est désormais mon entraîneur, m’a parlé du projet et ça m’a plu. Je suis ensuite allé à Besançon rencontrer Jens Blatter, Fred Grappe et c’est à ce moment-là que j’ai vraiment accepté la proposition ». Au moment d’entériner son passage dans l’élite, Paul Penhoët, né un 28 décembre, n’est pas encore majeur. Il fait malgré tout le choix de rejoindre une structure professionnelle dès sa première année Espoirs, et ce malgré des avis contradictoires. « Énormément de personnes m’ont dit « c’est une grosse bêtise, il faut commencer comme tout le monde, en amateurs ». J’ai essayé de me faire mon propre avis et j’ai compris qu’ils disaient ça car ils étaient dans le métier depuis longtemps. Or ça a changé. Les équipes recrutent de plus en plus jeune. Si je n’avais pas signé l’année dernière, qui me dit que j’aurais pu signer plus tard ? Je pense que lorsque l’opportunité se présente, il ne faut pas la laisser passer ». Le jeune homme se dit aussi « rassuré » par le discours tenu alors par ses futurs dirigeants. « On m’a dit qu’on n’attendait pas de moi des résultats immédiats, que les charges ne seraient pas les mêmes que pour les Espoirs 4, que je n’avais pas de pression à avoir, confie-t-il. Ils voulaient me laisser évoluer à mon rythme. Mon but était d’apprendre au plus haut-niveau et de prendre de la caisse ».
Évidemment, l’année 2020 n’a pas respecté le schéma le plus conventionnel qui soit. Le Francilien n’a disputé qu’une course avant l’arrêt provisoire de la saison, puis suite au premier confinement, a retrouvé Besançon où il s’est entraîné pendant deux mois avec son colocataire Hugo Page. « Je me sentais hyper bien sur le vélo, je battais plein de records, j’avais mon calendrier et j’étais focalisé, motivé et serein, assure-t-il. Mais deux jours avant ma reprise au Saint-Brieuc Agglo Tour, je tombe malade. Ça a ensuite été une galère jusqu’à la fin ». Faute à une bactérie le rendant « hyper faible, fiévreux » et sujet à « des sueurs froides la nuit », Paul Penhoët n’a jamais retrouvé la plénitude de ses moyens. Également défavorisé par le calendrier réaménagé de la Conti, surtout à la convenance des grimpeurs, il a néanmoins profité de la passerelle avec la WorldTeam pour disputer la Brussels Classic et Paris-Chauny avec les grands. « Au final, ce n’était pas plus mal car j’ai pu faire des courses de plus de 200 kilomètres, et je pense que ça m’a servi, ajoute-t-il. En voyant que ça s’était bien passé à Bruxelles (24e, ndlr), je me suis dit que la bactérie avait disparu et que je pouvais repartir sur de bonnes bases. Mais ça n’a pas été le cas pas ». Il n’a plus disputé que cinq jours de course suite à cela, sans pouvoir s’illustrer comme il l’aurait espéré.
Garder le meilleur de 2020
Pour autant, malgré la singularité de sa première année Espoirs, le jeune homme est conscient que tout n’est pas à jeter. D’abord, son évolution n’a pas été interrompue avec la crise du Covid-19. « J’en ai parlé avec les entraîneurs et le gros point positif que je retire de ma saison, c’est l’entraînement. J’ai vu que j’assimilais bien les charges et je sentais que j’avais progressé par rapport à mes années juniors, même sans le rythme des courses ». D’autre part, il a engrangé une précieuse expérience avec l’équipe A. « En signant dans la Conti l’an passé, je ne pensais pas pouvoir participer à des courses comme celles-ci, alors avoir pu le faire et noter que je n’étais pas complètement largué, c’est quand même un point positif de la saison. J’ai pu me faire une idée du niveau chez les grands, en particulier sur la Brussels Classic. C’était un schéma de course typique, et en le vivant de l’intérieur, on apprend beaucoup de choses ». Le troisième point relève davantage de l’extra-sportif. « J’ai acquis plus d’autonomie. Je venais d’avoir mon permis, puis faire ses propres courses, tout payer, se faire à manger, faire ses machines, ça responsabilise pas mal. Je pense que ça m’a beaucoup apporté, que j’ai pris en maturité. Mes parents aussi m’ont trouvé changé ».
Surtout, Paul Penhoët se montre lucide quant à sa condition au regard du contexte général. « Je relativise vachement, ajoute-t-il. On peut d’abord penser que c’est une saison gâchée, mais ensuite on parle avec ses coéquipiers et on s’aperçoit que c’est pire pour eux. J’ai eu la chance d’aborder l’année avec sérénité. Je n’avais pas la pression de la fin de contrat. J’étais beaucoup moins sous pression que d’autres et j’ai pu appréhender tout ça avec plus de recul. Sur le moment, en tant que compétiteur, j’étais dégouté, mais je suis passé à autre chose et je suis tourné vers 2021 ». Avec la Conti, où il voit arriver huit nouveaux coéquipiers, le coureur de 19 ans n’a d’ailleurs qu’un objectif cette année. « J’ai énormément d’envie et je veux gagner des courses, clairement, affirme-t-il. Certains sprinteurs arrivent dans l’équipe mais je pense qu’on aura chacun notre chance, il y aura différents fronts ». Car c’est bien dans ce domaine, celui des finisseurs, que Paul Penhoët semble avoir trouvé sa voie. « Pour l’instant, c’est plutôt ce profil sprinteur qui se détache, approuve-t-il. Mais peut-être qu’à l’avenir, en prenant de la caisse et des watts, je passerai assez bien les bosses. En tout cas, ça ne me dérange pas de monter, j’aime bien ça, donc je pense que c’est déjà un avantage, psychologiquement. J’aime bien le concept de sprinteur passe-partout dans le sens où on est l’un des seuls sprinteurs à passer la bosse, mais d’un autre côté, je ne veux pas être un sprinteur qui passe les bosses mais qui est du coup en retrait dans les vrais sprints. Je suis orienté sur les emballages massifs. C’est vraiment ça qui m’anime. Les trois dernières bornes, l’adrénaline du sprint, c’est ce que je trouve le plus excitant ».
« Je n’ai pas envie de tout mélanger »
De ce point de vue, son expérience de pistard lui est souvent utile pour « se faufiler, ne pas se faire enfermer ». « C’est presque devenu instinctif, ajoute-t-il. Je sais que ça passe ou que ça ne passe pas, je sais où aller. Je visualise le sprint et je sais ce que je dois faire ». Ce qui lui permet d’évoluer avec un train, « toujours l’idéal », mais aussi sans. « C’est bien de pouvoir se débrouiller seul car il y a des courses où ça se passe mal, où on se perd et certains n’arrivent pas à manoeuvrer sans train ». Cette aptitude, il la retrouve notamment chez Caleb Ewan, un coureur qui « l’inspire » et dans lequel il « se retrouve » quelque peu, « peut-être parce qu’il est petit », sourit-il du haut de son mètre soixante-quatorze. Quoiqu’il en soit, il demeure clair pour le jeune Français que le sprint restera, au moins à moyen terme, son axe prioritaire. « Milan-Sanremo, ça me fait rêver, c’est sûr, complète-t-il, mais globalement toutes les courses qui arrivent au sprint, dont les étapes de Grands Tours, m’intéressent. C’est vraiment ce qui me fait envie. Peut-être qu’avec l’âge, avec un peu plus de caisse et de tactique, il sera possible de s’orienter sur les Classiques, mais je n’ai pas envie de tout mélanger dès le début et de me perdre ».
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