À la découverte de … Brieuc Rolland

Il sera en 2024 l’un des « anciens » de « La Conti ». À 20 ans, Brieuc Rolland s’apprête à entamer sa deuxième saison au sein de la formation bisontine, et sa troisième dans les rangs Espoirs. Avec la ferme intention de poursuivre sa progression continue, qu’il raconte à l’occasion de ce nouveau portrait.

Comme si être né en Bretagne ne suffisait pas, Brieuc Rolland a vu le jour le 13 septembre 2003 au sein d’une famille passionnée de cyclisme. Sa trajectoire était donc toute tracée. C’est par mimétisme qu’il emboîte le pas de son père, coureur amateur de deuxième catégorie, et de son frère, de sept ans son aîné. « Je me souviens qu’on allait en famille voir mon père courir, conte-t-il. Ce sont des souvenirs assez lointains car il n’a pas couru jusque très tard, mais je me rappelle même le voir gagner. J’allais aussi voir mon frère sur les Fédérales Juniors. J’ai vraiment baigné dedans et j’ai toujours été passionné par la compétition ». Il a pour sa part cinq ans quand il entame réellement sa pratique du vélo, par l’intermédiaire du VTT. D’abord de manière uniquement récréative, puis sous licence après un déménagement de Rennes à Morlaix aux alentours de 7-8 ans. Il goûte dès lors aux courses et acquiert au fil des saisons un « bon niveau régional », bien qu’il tempère aujourd’hui : « Je participais aux courses FSGT, qui ne sont pas de très grandes courses. Parmi ce groupe-là, j’étais assez souvent dans le top-5. Même si ce n’était pas FFC, je me débrouillais un petit peu ». Le VTT reste pendant plusieurs années son unique activité sur deux roues, mais pas sa seule pratique sportive. « À côté, j’ai fait d’autres sports pour me défouler, comme la course à pied, la natation, le tennis ou même la gymnastique, mais mon sport favori a toujours été le vélo », assure-t-il. D’ailleurs, aucun autre sport ne garde son intérêt plus de deux/trois ans.

Du VTT à la route (et ses risques..)

Quant à sa pratique du cyclisme, elle n’évolue qu’à l’adolescence. « J’avais dû faire une ou deux courses sur route en minimes 1, note-t-il. J’avais bien aimé, mais j’étais nul (sourires). J’ai continué à faire du VTT en minimes 2, puis quand la saison VTT s’est terminée, j’ai refait quelques courses sur route. Ça allait mieux, ça m’a plu, et je n’ai plus recouru en VTT chez les cadets ». À 15 ans, Brieuc Rolland abandonne donc les chemins de forêt pour tâter l’asphalte. La transition s’opère progressivement, sans coups d’éclats soudains, mais la passion est au rendez-vous. « C’était très différent, mais j’aimais bien la sensation de vitesse, le fait de rouler en groupe, confie-t-il. Je me suis vite pris au jeu. Et puis, j’avais fait le tour des chemins autour de chez moi. Prendre le vélo de route, ça me permettait d’aller un peu plus loin, de découvrir d’autres paysages. Dans ma première année cadet, je n’ai jamais été très fringuant, mais je faisais ma course. Je pesais moins de 50 kilos, donc c’était compliqué pour moi dès qu’il fallait rouler vite. J’avais un retard de croissance, mais je faisais ce que j’aimais ». Son « petit bonhomme de chemin » se poursuit dans sa deuxième année dans la catégorie. Il cueille deux victoires et se mesure au niveau supérieur à l’occasion du Trophée Madiot, dont il prend la troisième place à Laval lors de l’ultime manche et se classe dixième du général remporté par Eddy Le Huitouze. « J’aimais beaucoup ces courses pour voir quel était le niveau à l’extérieur de la Bretagne, dit-il. On y allait avec mon père et c’étaient nos objectifs récurrents. Ce sont des petites références et j’étais déjà content d’obtenir ces résultats ».

C’est d’autant plus le cas qu’il songe déjà au professionnalisme à cette époque. « En fait, dès mes débuts sur route dans ma première année cadets, je rêvais d’en faire mon métier, confesse-t-il. J’ai toujours fait les choses correctement en espérant que ça soit possible un jour ». Afin d’assouvir ce rêve, il rejoint l’UC Briochine, à Saint-Brieuc, pour son entrée dans la catégorie juniors. Le tout lors d’une saison 2020 évidemment grandement perturbée par la pandémie, mais aussi par un accident de la route à titre personnel. « Je crois que c’était ma première ou deuxième sortie après le déconfinement, et j’ai été percuté par une voiture alors que j’étais en vélo de chrono, relate-t-il. Je m’en souviens vaguement. Je vois la voiture s’insérer alors qu’elle n’avait pas à le faire, et je la tape de plein fouet. Avec le vélo de chrono, j’ai à peine eu le temps de mettre les mains sur les freins que j’étais sur le pare-brise. Ça a été un choc pour mes parents. Ça refroidit. Pour eux, ce n’était pas simple de se dire que j’allais retourner rouler tout seul. L’accident aurait pu être dramatique, mais à aucun moment, je me suis dit que j’allais arrêter ». Dans son malheur, le jeune Breton échappe d’ailleurs au pire. Un traumatisme crânien occasionne diverses migraines, mais aucune autre séquelle n’est à relever. Cela signifie aussi qu’il ne manque pas la « reprise » de la saison, planifiée plus tard dans l’été. « Quand les médecins ont donné leur feu vert, j’ai repris un cycle d’entraînement à peu près normal, poursuit-il. On est parti avec mon père à Argelès-Gazost, à la montagne. Ça m’a fait beaucoup de bien. J’ai certes perdu un peu de temps, mais j’en foutais pas mal à ce moment-là. J’étais juste heureux de pouvoir remonter sur le vélo ».

Une seconde année déclic chez les Juniors : « Peut-être que j’ai du potentiel »

La courte fin de saison ne lui permet pas de se mettre en valeur, et ses ambitions sont donc reportées à l’année suivante. Et même au printemps suivant. Ne disposant pas du statut de « sportif de haut-niveau », il n’a pas la possibilité, à l’inverse d’autres coureurs juniors, de prendre part aux courses élites. Son retour à la compétition ne se produit alors que fin mai (!) « La préparation a été très longue, il fallait rester motivé, et je l’étais à 100%, indique-t-il. Quand le comité de Bretagne a annoncé qu’il organisait une course de sélection en prévision de la Classique des Alpes, j’ai vu ça comme une opportunité de dingue. J’étais ultra motivé, mais je ne savais pas quel était le niveau des autres, et le mien. Au final, ça s’est très bien passé. J’ai fait la course devant avec Pierre Thierry, j’ai terminé deuxième puis on m’a annoncé que j’étais sélectionné. C’était le début d’une belle saison. Cette course a en quelque sorte tout lancé ». Dans le massif alpestre, et à travers notamment le Mont du Chat, Brieuc Rolland obtient une solide quatorzième place. Une demi-surprise. « Je n’avais pas fait de montagne en préparation, explique-t-il. J’habitais en Bretagne, donc c’était un peu compliqué ». Il enchaîne avec une troisième place sur le Trophée Sebaco Juniors, quelques accessits sur le Tour du Bocage et de l’Ernée 53, et une médaille d’argent sur le championnat des Côtes-d’Armor. Tout cela lui vaut, début juillet, une sélection … en Équipe de France cette fois-ci. « Quand on m’a appelé pour le stage en Maurienne en vue du Valromey, c’était quelque chose de formidable, dit-il. Je me suis dit que j’allais porter le maillot national, que j’avais été choisi parmi un bon nombre de coureurs, et que ça n’allait donc pas si mal. Ça a été un petit déclic ».

Son été fructueux se poursuit avec une cinquième place sur le championnat de France, une première victoire à Saint-Laurent, dans la Manche, puis une cinquième place sur la Ronde des Vallées et une deuxième sur le Grand Prix KBA-Vérandaline. Cela lui permet de retrouver l’Équipe de France pour le Giro Lunigiana, aux côtés d’un certain Lenny Martinez. « J’étais super heureux d’être appelé pour cette course, on s’est retrouvés avec les copains, puis arrive cette première étape un peu folle, reprend-il. On s’échappe avec Nicolas Rousset-Favier et on ne se pose pas de questions. Dans le final, je m’isole, je roule à fond, et je me retrouve à gagner cette première étape. J’étais le premier surpris. Gagner avec le maillot de l’Équipe de France, ça m’a fait tout drôle, mais j’étais super heureux ». Il signe à cette occasion son premier résultat d’envergure à l’échelle internationale, puis se mue en équipier pour Lenny Martinez qui s’octroie le général, tout en accrochant personnellement la sixième place finale. Il est également au soutien du jeune Cannois et de Romain Grégoire quelques jours plus tard lors du championnat d’Europe remporté par le Bisontin, et ponctue enfin son année par une quatrième place au général du Saarland Trofeo, autre épreuve de référence chez les Juniors. « Ces résultats, et ma victoire en particulier, ont encore renforcé mon envie d’être cycliste professionnel, indique-t-il. Jusque-là, c’étaient « des petits résultats », mais après avoir performé sur ces courses, je me suis dit : « Peut-être que je peux faire quelque chose. Peut-être que je peux passer à l’échelon supérieur. Peut-être que j’ai du potentiel ».

« Un grand renouveau » à La Conti

Ce potentiel est décelé par plusieurs écuries, et c’est au Vendée U que le jeune Breton donne sa préférence pour son entrée dans la catégorie Espoirs en 2022. Compte tenu du calendrier proposé, il a surtout l’occasion de s’exprimer au niveau amateur. Il s’impose ainsi à Redon sur ses terres puis sur une étape des Trois Jours de Cherbourg, tout en additionnant quelques tops-10 ici et là, dont une cinquième place sur le championnat de France. Ses quelques sorties à l’international sont un peu plus discrètes. « Je n’étais pas au top sur les courses par étapes en classe 2, mais j’étais content de mon année et de ma progression, clame-t-il. On avait un super collectif et j’ai énormément appris dans cette équipe, à la fois sur le vélo et en dehors. Cette année d’Espoir 1 chez les Amateurs m’a fait beaucoup de bien ». Durant l’été, des pourparlers avec « La Conti » Groupama-FDJ s’initient, et se finalisent assez vite. « Je me suis dit que la Conti était l’une des plus grandes équipes de développement à l’heure actuelle et qu’elle allait me faire passer un gros cap dans tous les domaines, justifie-t-il. Je voulais travailler la montagne, travailler différemment, voir autre chose, et vraiment franchir un palier. Je me suis forcément posé la question de poursuivre au Vendée U, car ils m’avaient donné ma chance, mais je n’ai finalement pas hésité trop longtemps pour m’engager avec la Conti ». Le 1^er janvier 2023, son rêve de professionnalisme devient ainsi en partie réalité. En partie seulement, car « La Conti » ne doit constituer qu’une étape intermédiaire avant le très haut-niveau.

Elle le contraint quoi qu’il en soit à se « retrouver loin de la maison pour la première fois », et le conduit à mettre ses études en suspens. « J’avais commencé une licence AES, et il s’est avéré que ça ne me plaisait vraiment pas du tout, explique-t-il. Je me suis un peu planté dans mon orientation. Alors, quand j’ai signé avec la Conti, je me suis dit que j’allais tout faire à 100% pour ne pas avoir de regrets ». À Besançon, siège de l’équipe, la colocation avec ses nouveaux coéquipiers aide à l’acclimatation, et la mise à disposition « à proximité » des outils et personnes nécessaires le ravit au plus haut point. Ne manque alors plus que le coup d’envoi de la saison. « C’était clairement un grand renouveau pour moi, confie-t-il. Ça s’est très bien passé pendant l’hiver avec mon entraîneur et je sentais que je progressais. Quand sont arrivées les premières courses, je me sentais comme un Espoir 1. C’était une vraie découverte, je ne savais pas trop où me situer à ce niveau-là, mais tout s’est bien passé ». Après un mois de compétition, il contribue ainsi activement à la première victoire de l’équipe, décrochée par Thibaud Gruel, sur la troisième étape du Circuit des Ardennes. « Cette course était un peu folle, rien ne se déroulait comme prévu, on prenait un peu l’eau, raconte-t-il. Mais personne n’a baissé les bras. Thibaud est venu me voir et m’a dit : « Je suis à fond, on joue pour toi ». Je lui ai répondu que moi aussi, j’étais à fond (rires). Je lui ai dit : « Fais toi confiance, sur un effort comme ça, ça va le faire ». C’était un des très beaux et forts moments de la saison ».

Régulier en montagne, en attendant plus

Il termine pour sa part quatorzième du classement général, puis « manque d’opportunisme » sur son Tour régional quelques semaines plus tard. « Le Tour de Bretagne est une course qui sourit aux opportunistes, et je n’ai pas su l’être, admet-il. C’était une belle leçon. Ça m’a un peu servi pour l’Alpes Isère Tour. Je ne voulais pas rentrer à Besançon avec des regrets. Sur la dernière étape, j’ai essayé de suivre quand les deux meilleurs ont attaqué, et c’était parti pour 50-60 bornes à fond. Ça m’a permis de prendre la sixième place de l’étape et du général. Ce n’est pas un podium, mais j’étais déjà content de cette performance car c’était la première course vraiment montagneuse de la saison ». Son deuxième rendez-vous, aussi le plus prestigieux de l’année, que constitue le « Baby Giro » se solde par une honorable treizième place finale. Le mois suivant, toujours de l’autre côté des Alpes, il entre cette fois dans le top-10 du Tour de la vallée d’Aoste (8^e) tout en signant un podium sur la première étape (3^e). « J’étais satisfait, même si j’avais un peu perdu confiance en moi sur cette course, et je n’avais pas osé tenter davantage, expose-t-il. Cela aurait pu m’aider à m’approcher du top-5. Mais quand je regarde dans le rétro, j’avais terminé 32^e l’année précédente, ce qui signifie que j’ai déjà passé un beau cap et c’est de bon augure pour l’année prochaine ».

Sa deuxième partie de saison inclut deux top-10 sur les championnats de France Espoirs, une participation à l’Arctic Race of Norway au niveau Pro Series, mais surtout, une expérience inoubliable aux côtés de Thibaut Pinot, David Gaudu et Stefan Küng sur le Tour de Slovaquie. « Quand on m’a annoncé que j’allais courir avec cette équipe-là, je me suis dit que c’était un truc de fou, ajoute-t-il. J’étais super heureux de pouvoir les côtoyer. Au final, on les regarde à la télé mais ils ont la même passion que nous. Je me suis rendu compte que tout était possible. J’ai beaucoup appris cette semaine-là, j’ai essayé d’engranger un maximum d’expérience, et je pourrai dire que j’ai couru avec Thibaut (sourires) ». Un coureur, parmi une poignée d’autres, auquel il s’est « forcément identifié » plus jeune. Car Français, mais surtout grimpeur, soit le profil vers lequel il tend. « Pour l’instant, je suis un peu plus grimpeur que puncheur, et je veux garder cette fibre finisseur, complète-t-il. Mais il faut avant tout que je progresse sur l’axe montagne pour transformer mes top-10 en top-5, podiums voire victoires. Je dois aussi continuer de travailler le contre-la-montre, car on sait qu’il est désormais super important de savoir rouler pour les classements généraux ». À long terme, il espère se démarquer sur les Grands Tours et sur les courses par étapes difficiles. À court terme, cela l’amènera à répéter un programme quasiment similaire à celui de 2023 pour sa deuxième saison dans « La Conti ». « Comme tout le monde, mon grand objectif est maintenant de passer au sein de l’équipe WorldTour, conclut-il. C’est devenu ma priorité. J’espère avoir l’occasion de recourir avec eux sur des courses difficiles pour montrer ce que je vaux et continuer de progresser comme je le fais depuis plusieurs années, à mon rythme ».