Arnaud Démare a des fourmis dans les jambes. Soucieux d’oublier une saison 2015 décevante, il a travaillé plus que jamais durant l’hiver pour redevenir un « top scoreur ». Les stages hivernaux où il a retrouvé des équipiers affutés et motivés l’ont conforté dans l’idée qu’il se fait des prochaines semaines : il devrait rapidement retrouver le chemin de la victoire.
Arnaud, tu sembles vraiment très motivé par le début de saison ?
Je me sens bien, je suis serein, satisfait de ma préparation. Tout est en place.
2015 a-t-elle été difficile à gérer mentalement ?
Mentalement oui parce que physiquement j’ai progressé. Les fichiers SRM avec les capteurs de puissance le montrent, Julien Pinot me l’a assuré. J’ai progressé sans que ça ne se voit dans les résultats. En raison de plein de choses : les pépins mécaniques du début de saison, notamment. Je n’ai pas su saisir les chances qui m’étaient offertes, je n’ai pas eu de résultats et ç’a été dur de me sentir bien physiquement sans parvenir à gagner plus que les deux étapes du Tour de Belgique, pas évident à gérer. Dans la tête c’était dur oui.
Pourtant en te voyant gagner les deux étapes du Tour de Belgique avec facilité, on y a cru, on s’est dit ‘’ca y est, c’est du grand Démare !’’
Moi aussi j’y ai cru mais derrière, au Tour de Suisse je suis tombé dans la première étape et ça m’a mis de dedans pour tour le reste de l’épreuve. J’ai fait la semaine avec des courbatures, pas au top. C’est revenu le dernier jour mais trop tard. Après, dans le Tour, c’est quand même le top niveau, j’étais super bien mais ça n’a pas suffi.
Il a semblé que ta saison en demi-teinte a permis de stigmatiser tous les problèmes rencontrés par ton équipe pendant cette saison-là ? D’ailleurs Marc Madiot a beaucoup pris ta défense et il semble que tout le monde repart sur un meilleur pied ?
Il y a du sang neuf dans l’équipe et tout le monde repart à fond. Les petits jeunes font du bien… Ignatas Konovalovas n’est pas si jeune, il a de l’expérience, mais il a envie de montrer qu’il a sa place dans l’équipe, il ne veut pas décevoir. J’ai le sentiment que c’est vrai pour tout le monde. Moi, je suis revanchard. Cet hiver, j’avais l’impression d’être néo-pro. De repartir avec beaucoup d’enthousiasme. Je n’ai plus compté mes temps de gainage, j’en ai fait vraiment plus, encore plus, comme un néo-pro je le disais. Les années passées, je le faisais sérieusement, méthodiquement mais en me disant ‘’c’est bon, j’ai fait mon job’’. Là, c’était toujours plus.
Comme quoi prendre une petite claque, ça peut faire du bien ?
Oui c’était même une sacrée claque.. Tu rentres à la maison, t’as pas eu de résultats et puis les journalistes t’oublient un peu, c’est logique. Mais dans l’équipe j’ai été soutenu. Julien Pinot était toujours là, il m’a soutenu à fond, Marc (Madiot) aussi. Au niveau de l’équipe et de ma famille, j’ai eu le bon équilibre, tout s’est bien passé. Ça m’a aidé. J’ai bien digéré tout ça.
En fait ta saison se résume bien au scénario de Paris-Tours. Présent dans le bon coup mais pas capable de gagner ?
Oui je l’avais dit à l’époque. Ma saison, c’est ça. J’étais seul. Seul dans le premier peloton de 30 coureurs, bien mais pas assez fort pour la différence.
C’est aussi ce qui t’a motivé pour travailler plus cet hiver ?
Oui mais il ne faut pas oublier que je suis jeune encore. J’ai 24 ans. Si j’ai toujours été très sérieux, je suis beaucoup plus rigoureux. J’ai toujours fait ce qu’il fallait mais je réfléchis plus, j’y mets beaucoup plus d’implication. J’ai aussi un plus grand volume. J’ai allongé les entraînements, je ne compte pas les heures.
Dans les commentaires, parfois, il s’est dit « Démare n’est pas un vrai sprinteur, c’est surtout un coureur de classiques… » Ça t’a énervé ?
Oui parce que tous mes succès viennent du sprint. Après, j’adore les classiques pour une raison évidente. Toute l’année, je suis 200 bornes dans les roues pour faire le final. C’est là où j’ai le plus de chances mais c’est long parfois. Dans les classiques, à 100 kilomètres de l’arrivée, il y en a déjà partout et j’adore ça. Je suis un coureur qui aime jouer, être à l’attaque.
Au fond de toi, tu te dis que tu peux toujours battre les meilleurs sprinteurs, Kittel, Greipel et les autres ?
Oui parce que je vois mes équipiers ici en stage. Mika Delage est affuté et très motivé. Il a fait des cyclo-cross, de la piste, c’est un signe. Tout se passe bien de nouveau, je suis vraiment confiant. L’an dernier, je m’étais fixé trois objectifs, les classiques, le Tour et le Championnat du Monde. Mais après le Mondial, je ne pensais qu’à 2016. Il était temps que j’en termine. En disant « les mecs, on va repartir de zéro ».
Dans les sprints, il semble aussi que tes adversaires se sont adaptés à toi ?
Cela ne risque pas d’être plus difficile ?
Non, avec une bonne équipe, ce sera différent. Justement, l’an dernier, je ne parvenais pas à les surprendre mais on va le refaire. Je ne peux pas y arriver tout seul, il faut que l’équipe soit au top et je sais que ça va être le cas.
A part Mika Delage, qui va travailler pour toi ?
Le jeune Daniel Hoelgaard qui est motivé, très à l’écoute. Tu lui dis un truc, il le fait tout de suite. Parfois, les jeunes ont du mal à se défaire de leur idée. Lui, il met tout en application tout de suite. Un peu comme moi à mes débuts. Il va progresser aussi en travaillant comme ça. Il y a aussi Ignatas Konovalovas qui a de la force. Il n’a pas d’explosivité mais c’est un super moulin.
Ne pas aller au Tour du Qatar, changer de programme, ça fait du bien ?
Oui, je suis content de découvrir les courses du début de saison en France. Je vais faire l’Etoile de Bessèges, la Méditerranéenne, le Circuit Het Nieuwsblad, Kuurne-Bruxelles-Kuurne, Paris-Nice où il y a trois étapes pour les sprinteurs, Milan-San Remo et les classiques. L’an dernier, j’étais arrivé au Qatar pour peaufiner ma préparation. Cette année je vais à Bessèges pour gagner et dans la tête ça n’a rien à voir ! Cela dit, j’aurais pu gagner dès la première étape du Qatar mais un mec était venu me frotter et m’avait touché le dérailleur, le 11 dents n’est pas passé, j’avais les jambes autour du cou j’ai finis troisième. Mais l’optique c’était seulement les classiques. Là, je peux le dire, tout ce que je vais pouvoir prendre, je vais le prendre !
Tu as gambergé cet hiver ?
Plus pendant la saison. Je me suis posé beaucoup de questions mais cet hiver j’étais concentré sur ce que je faisais. J’ai la chance d’avoir un super climat familial aussi. Mon père me disait durant la saison « Eh Nono, ne t’inquiètes pas, t’es pas mort… ». Des petits trucs comme ça qui me faisaient du bien. En fait autour de moi, tout le monde est à fond, tout le monde est là, mes parents, ma copine, ma sœur et son copain, mes grands-parents, mes cousins. Un bon clan.
Et le Tour de France, t’en es où ?
J’ai mûri. J’y ai cru en me disant qu’avec deux lanceurs ça pouvait le faire, que j’allais en claquer une. Aujourd’hui je me dis qu’il faut que j’arrête d’y croire. Je me dis que ce n’est pas possible. J’avais l’espoir, avant. J’ai ouvert les yeux, ce n’est même plus une frustration. J’ai fait 3e, 3e, 5e, 5e… au final, c’est quoi ? Donc j’y retournerai avec une équipe pour moi et je vais donc cette année me concentrer sur le Tour d’Italie.
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