« Ne pas avoir de regrets à Paris ! ». Yvon Madiot est le patron de l’équipe fdj.fr dans le Tour de France, chaque jour sur le terrain et c’est avec méthode, assurance et enthousiasme qu’il mène se troupes. Avec deux grands axes, les sprints pour Arnaud Démare et la montagne pour Thibaut Pinot.
Yvon comment ton équipe perçoit-elle le Tour de France qui commence ?
Il y a une tension totalement différente. Je le constate, dans le groupe ça rigole, mais ça parle moins que d’habitude. Il y a de l’excitation aussi, ils ont reçu le paquetage, de nouveau vélos. En fait, pour eux, le Tour c’est une longue attente. L’attente de la sélection puis l’attente du départ dans un environnement différent.
Tu sens une certaine inquiétude ?
Ils ne montrent pas trop mais oui forcément. Arnaud Démare, par exemple, ne montre rien et c’est sa force. A l’intérieur, forcement il est tendu, il ne sait pas trop où il va mais c’est assez opaque.
Thibaut Pinot qui se souvient d’un dernier Tour difficile, est dans l’appréhension ?
Oui mais il n’en parle pas et ce n’est pas un sujet que j’aborde avec lui. On essaie de lui éviter toute forme de pression. Le numéro 1 de l’équipe, il nous a semblé évident de le donner au champion de France, mais on fait tout pour que Thibaut soit tranquille.
Qui est ton porte-parole dans le groupe ?
C’est Jérémy Roy. On n’a pas besoin de parler lui et moi, il sait que j’ai confiance, il connait son rôle. Dans toutes les courses c’est mon capitaine de route. Il sait calmer les troupes, mieux que moi parfois, il sait les rassurer. Il n’est pas directif mais il va le faire d’une parole, bien claire et précise. Il ne gueule jamais. Quand c’est bien ou pas bien, il le dit. Même envers nous. Il lui est arrivé de me faire des reproches. Plus ou moins justifiés mais ça ne me dérange pas. Il donne son avis et c’est très bien.
Ce début de Tour est très particulier un sprint en faux-plat, puis une étape de côtes, puis deux sprints et les pavés…
C’est un début très intense et c’est stressant. Je voulais qu’on réussisse deux très bonnes premières journées, que l’équipe s’installe dans une spirale favorable. Il faut éviter de se poser des questions. Arriver sur les pavés en se posant des questions, ce n’est pas bon. Le premier jour, on avait le sprint, le deuxième jour on va participer à la course de manière active. On va bouger, on va se mettre dans le jeu. Avec ArthurVichot, avec Lada, peu importe et je vais demander à Arnaud de bien s’arracher dans la côte de Holm Mosse parce que s’il passe, il y a de très belles perspectives. Il pourrait plus n’y avoir que Peter Sagan à battre.
Il faut donc attendre la fin de l’étape pavée pour retrouver une course plus conventionnelle ?
Le Tour va se poser après les pavés. Jusqu’à la sortie des pavés, ça va être fou et seulement après on va retrouver de la sérénité. Jusque-là, pour le placement des voitures, tout le monde va faire des sprints, à vouloir se placer au classement général. Tout le monde va essayer d’obtenir un résultat et ça rendra la course plus dangereuse.
Quelle est la philosophie générale pour l’équipe fdj.fr ?
Le point fort doit être le collectif, rester ensemble, rester calme. Surtout rester calme s’il y a une boulette. On la corrigera mieux en restant calme. Jérémy est très important pour ça. Il travaille comme ça. S’il y a une cassure, on n’attendra pas que les autres bouchent, on s’y mettra tout de suite.
Ce groupe du Tour semble bien construit, il y a des tâches interchangeables ?
Tous les coureurs présents savent pourquoi ils sont là. Il y a un mois, on leur a fait un briefing au siège de l’équipe et nous leur avions dit très précisément ce qu’on attendait d’eux. Les deux grandes lignes sont le sprint et le classement général. Ils ont été mis à l’épreuve avant. Delage et Bonnet ont été mis à l’épreuve par Démare depuis de nombreuses semaines. Les autres l’ont été dans le groupe Pinot également. Lada a travaillé pour les deux. Je crois que Matthieu est plus efficace dans le travail demandé en faveur de Thibaut mais évidemment s’il doit s’ajouter au train d’Arnaud il le fera. Tous les coureurs ont plusieurs compétences mais on ne va pas demander à Arnold, Jérémy ou Arthur de préparer les sprints. Cédric et Lada sont les deux hommes à tout faire. Garde du corps de Thibaut un jour, placeur un autre jour. Eteindre le feu à certains moments.
Pourquoi n’y-a-t-il qu’un seul grimpeur avec Thibaut ?
Parce qu’on a regardé les étapes de près. Il n’y a qu’une étape avec trois grands cols à suivre. Ce jour-là, Jérémy peut en passer un, voire deux. Arthur aussi. Ce qui fait que dans le dernier, si Arnold est là, ça nous suffit. Thibaut n’a pas eu la demande de plus de grimpeurs. Lui voulait des hommes de plaine autour de lui.
Et toi Yvon, tu es stressé ?
Oui un peu. Je ne m’énerve pas parce que c’est la philosophie du groupe. Si je suis stressé, que je bafouille, que je merdouille, les coureurs vont s’en rendre compte et ce n’est pas bon.
Tu fais un binôme efficace avec Julien Pinot ?
Julien a une compétence technique que je ne maitrise pas et de ce point de vue on n’a rien à envier à personne. Au niveau de la technique, de l’analyse des parcours, de l’accompagnement des coureurs, on est top. On ne part jamais à l’aventure. On sait exactement ce qui nous attend. On fonctionne bien Julien et moi et moi cela me permet de discuter avec les coureurs. Mon travail c’est d’avoir un groupe sain.
Tu sembles confiant quant à la performance de tes hommes ?
Je n’ai pas de doute sur le fait qu’ils seront opérationnels. On a travaillé pour depuis deux ans, avec le groupe Pinot. Deux ans qu’on essaie de bien gérer les situations. Cette saison, on a fait de très belles étapes, de très belles choses et ça ne s’est pas forcément vu mais ce n’est pas grave, nous on le sait. On sait qu’on en est capables.
Tu avais laissé Thibaut malade au Tour de Suisse. Comment va-t-il ?
Il est bien. Je l’ai eu au téléphone plusieurs fois et je pense qu’il ne me cache rien. Il va bien. La semaine dernière ça n’allait pas. Là il sait que c’est reparti. En général, il n’a pas encore assez de recul sur les événements, il prend tout à cœur. Trop, mais on demande à un gamin de 24 ans d’être au niveau de trentenaires qui ont une très grande expérience, douze ans de vécu dans un peloton pro. C’est difficile pour Thibaut. Les claques qu’il a prises l’an dernier l’ont fait grandir et mon rôle est de lui dire de bien gérer les journées difficiles, au niveau physique, au niveau mental. Tout le monde en a. Certains ne le montrent pas. Certains jours Froome n’est pas bien mais il a suffisamment de métier, quelques grands tours dans les jambes, pour le cacher. Thibaut apprend mais il a beaucoup progressé. Au Tour de Suisse, il n’était pas bien mais avec la volonté et la tête, il a fait de bonnes choses.
Que serait un bon Tour de France pour le Trèfle ?
Ne pas avoir de regrets à la sortie, qu’on ne pleure pas. On aura peut-être aucune victoire d’étape, on en aura peut-être deux ou trois mais il ne faut pas de regrets. Et si on est moins fort, on l’admettra.
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