« Je me sens capable de doubler Giro et Tour ». Alexandre Géniez a bouclé son premier Tour d’Italie et la treizième place finale a simplement rappelé tout le potentiel d’un coureur qui se dit encore en apprentissage. De ces trois semaines de courses, il retient beaucoup d’enseignements pour la suite de sa carrière mais surtout l’extraordinaire ambiance qui a uni coureurs, directeurs sportifs et membres de l’encadrement de l’équipe fdj.fr dont le bilan le Giro n’avait jamais été aussi bon.
Alexandre, comment se sent-on au lendemain d’un Grand Tour, d’une belle treizième place dans le Giro ?
Je me sens tout drôle parce que tout s’arrête d’un coup. Cela fait trois semaines que je suis dans le même rythme de vie… L’expression vraie est que j’ai les nerfs qui lâchent (il rit). Et en plus je suis dans une chambre d’hôtel à Paris puisque mardi après-midi, les présélectionnés pour le Tour de France sont réunis au siège de l’équipe fdj.fr… Paris, ce n’est pas ce que je préfère. Alors, je me repose, je sens quand même que j’en ai besoin.
En revenant trois semaines en arrière, comment avais-tu envisagé le Tour d’Italie dont tu étais le leader pour le classement général ?
C’était la première fois que je disputais cette course et l’idée était de me battre au moins une fois pour gagner une étape puis de voir en fin de première semaine comment ça se goupillait pour le classement général. Pour l’étape je suis passé à côté mais en même temps je tenais compte du briefing. Puisque j’étais placé au général, on me disait qu’il serait difficile d’aller dans une échappée, que les autres ne me laisseraient pas faire. En fin de Giro, je me suis donc concentré sur ce classement même s’il y a eu beaucoup d’ouvertures. Beaucoup d’échappées sont allées au bout.
Cette dernière semaine a été terrible ?
Très, très dure en tout cas. Cela faisait des mois qu’on entendait parler du Gavia, du Stelvio, du Zoncolan et dans le bus le matin de cette fameuse étape du Gavia, même s’il faisait mauvais temps, on se disait tous que ce serait dommage de ne pas y aller ! On aurait été déçus de ne pas escalader des cols mythiques ! Je suis très content de l’avoir fait, très content d’avoir fini à la treizième place tout en ayant aussi travaillé quelquefois pour Nacer Bouhanni. Il y avait une ambiance fabuleuse dans notre équipe.
Tu n’avais jamais connu ça ?
J’ai fait deux fois la Vuelta, une fois pour mon ancienne équipe Argos-Shimano, une autre pour la fdj.fr, c’était bien à chaque fois mais une ambiance comme il y avait au Giro, je n’avais jamais connu ça ! Cela s’est traduit par notre cohésion et par nos résultats. Par le Maillot Rouge qui était notre grand objectif au cours des deux dernières semaines. Je suis déçu pour Arnaud Courteille qu’il n’ait pu passer l’étape du Stelvio (il était transi de froid). Il aurait mérité d’aller au bout avec nous.
Il semble que Nacer Bouhanni a su catalyser toute l’énergie autour de lui ?
Nacer est un vrai leader. Il a le talent et quand il a un truc en tête, il ne lâche rien. Il est comme John Degenkolb, avec qui j’ai couru. L’Allemand est surnommé l’animal parce qu’il ne recule jamais. Nacer est pareil. Il m’a épaté, souvent, et notamment dimanche dans la dernière étape. Pour le maillot rouge, il n’y avait rien de fait. Le circuit à Trieste n’était vraiment pas facile mais il a de nouveau répondu présent. Il n’a rien lâché…
Tu as désormais fini les trois Grands Tours dans ta carrière. Lequel est le plus dur?
Ils sont très différents même si d’un point de vue physique, la Vuelta et le Giro se ressemblent un peu. Le Tour de France est très difficile pour la tête parce que le bruit, parce que le monde, parce que la pression y est intense mais il propose toujours des étapes pour récupérer un peu. L’an dernier, dans la Vuelta, Thibaut Pinot avait été fort de ne pas connaître de mauvais moments quand se suivaient quatre ou cinq arrivées au sommet. La dernière semaine du Giro était toute aussi dure. D’ailleurs, la montagne du Giro est sans doute la plus difficile mais il n’empêche que le plus dur à gagner, c’est le Tour de France.
La fameuse étape du Gavia et du Stelvio a beaucoup marqué les esprits ?
Ah oui, monter à 2.800 mètres avec le froid et la neige, c’était quelque chose mais je n’ai pas trop souffert parce que j’étais bien habillé. Parce que j’ai suivi les conseils de Martial Gayant qui nous avait dit qu’il était préférable de perdre 40 secondes au sommet pour se changer que de faire la descente en étant frigorifié. J’ai fait de belles descentes mais j’ai quand même fini dans un sale état !
Et maintenant que tu as fini les trois Grands Tours, est-ce que tu te connais mieux ?
Je me cherche encore mais je pense qu’il est préférable pour moi d’alterner les missions au cours d’une année, un coup je joue le général, un autre je fais l’équipier ou bien je cherche à gagner une étape. J’ai besoin aussi de faire des courses en étant détendu.
Mine de rien, tu fais une très belle saison dans les courses par étapes ?
Jusque-là, je ne suis pas déçu ! Bon, j’aurais préféré obtenir un meilleur classement dans le Tour Méditerranéen et je dois admettre que dans le Tour de Catalogne j’étais au bout, il fallait que je coupe… Pourtant je sens que j’ai encore besoin de me trouver. Il va bien me falloir cinq ou six années minimum (il rit)… Sérieusement, je peux dire que le Giro m’a beaucoup appris. Notamment qu’il faut savoir faire les efforts au bon moment des ces courses de trois semaines. J’ai bien fait de partir en contre dans le Gavia, ça a changé ma course parce que ça m’a permis de rester au contact des meilleurs. Sinon, j’aurais pu finir à 40 minutes comme beaucoup d’autres !
Tu envisages de doubler Giro et Tour de France ?
Je m’en sens capable. J’ai bien fini le Giro en reprenant du temps à ceux qui luttaient avec moi pour les places de 10 à 15, les Vuillermoz, Hesjedal et Basso que j’étais allé chercher dans le contre la montre de la Cima Grappa. L’an dernier j’avais doublé Tour et Vuelta avec le même nombre de jours séparant les deux courses. La gestion du temps entre les deux événements n’est pas facile parce qu’il faut récupérer sans trop relâcher mais je sais faire… Quand même, ce lundi je me sens fatigué(il rit).
Une fois rentré à Rodez, que vas-tu faire ?
Je vais rester chez moi, peinard. En faisant surtout du VTT cette semaine pour prendre du plaisir.
Aucun commentaire