C’est sur l’île de Tenerife, au large de la côte ouest de l’Afrique, que Guillaume Martin-Guyonnet a véritablement lancé son année 2025. Entouré de plusieurs de ses nouveaux coéquipiers, le Normand de 31 ans a pu, pendant trois semaines, avaler et dévaler pour la toute première fois les pentes du volcan Teide, à l’occasion d’un stage en altitude désormais incontournable. Alors que celui-ci vient de s’achever, il a accepté de nous livrer un récit de cette découverte.
D’abord, j’ai une expérience de longue date avec les stages en altitude. Je commençais déjà à en faire lorsque j’étais coureur amateur, il y a maintenant plus de dix ans. En France, j’ai fait partie des précurseurs à une époque où ce n’était pas encore quelque chose de très développé, ni organisé par les équipes. Une fois chez les professionnels, j’en faisais a minima trois par an. Sur dix ans de carrière, ça en fait quelques-uns (sourires)…. J’ai pu explorer différents lieux au fil du temps. Mes favoris, ou du moins ceux sur lesquels je me suis le plus souvent rendu, sont l’Etna en Sicile, la Sierra Nevada en Espagne, mais je suis aussi allé plusieurs fois à Tignes, ou à Prémanon en chambre hypoxique.
Je n’étais jusqu’alors jamais venu sur le Teide pour des raisons logistiques ou d’organisation. Ce n’était pas réellement une question de volonté. Cela étant dit, ça reste relativement loin et il est vrai que je préfère, dans la mesure du possible, limiter les longs déplacements pour différentes raisons, notamment écologiques. Je n’étais donc pas non plus obnubilé à l’idée d’aller à Tenerife. C’est bien entendu plus délicat en janvier, mais en mai, je préférerai par exemple toujours aller dans les Alpes françaises, que je peux rejoindre en train. Je savais en revanche que l’équipe avait ses habitudes sur le Teide, et elle savait que j’avais une certaine appétence pour les stages en altitude. À partir du moment où je l’ai rejoint, il me semblait donc assez évident que j’allais connaître ma première expérience ici.
« J’ai été bien plus charmé par la partie nord de l’île »
Avant de mettre les pieds ici, je m’attendais à de longues ascensions assez linéaires, et sur ce point je n’ai pas été déçu (sourires). On peut presque grimper depuis le niveau de la mer jusqu’au sommet du volcan en un seul bloc. En revanche, je pensais que ce serait plus vert, un peu luxuriant en bord de mer, un peu plus tropical. Or, c’est vraiment sec. C’est plutôt une sorte d’énorme rocher planté au milieu de la mer. Le caractère aride de l’île est vraiment ce qui m’a marqué d’emblée à mon arrivée. Je connaissais ce décor de par mes expériences sur l’Etna, mais il y a en réalité bon nombre de cultures au pied de l’Etna. Ici, il y a relativement peu d’habitations et quasiment pas de culture, en particulier sur le versant sud par lequel je suis arrivé. Le sud de l’île, justement, n’est pas à mon goût. On y trouve du tourisme de masse et je ne prends pas beaucoup de plaisir à aller rouler dans ce coin-là. En revanche, j’ai été personnellement bien plus charmé par la partie nord, avec des sortes de falaises qui se jettent dans la mer. C’est un peu plus vert, plus humide. On retrouve des paysages qu’on croirait tirés de films.
L’activité humaine s’est sans doute beaucoup développée ces dernières années. Nous sommes actuellement en basse saison, mais au sommet, ça demeure assez touristique ! En journée, on retrouve tout de même pas mal de monde autour de l’hôtel. Il faut dire qu’il y a une certaine concentration du fait qu’il n’y a quasiment rien en haut. Tout le monde vient manger à l’hôtel, tout le monde se rend sur les mêmes spots. En fin de compte, on ne se sent pas du tout coupés du monde. Pour ce qui est de l’altitude, je suis encore en train de l’expérimenter, mais j’ai la sensation de moins la subir ici par rapport à d’autres lieux sur lesquels je me suis rendu. Mes valeurs de suivi sont également un peu plus élevées qu’habituellement. Est-ce lié au fait que je sois arrivé sur ce stage un peu plus frais ou alors à une composition de l’air légèrement différente ? Je ne saurais pas le dire. Dans tous les cas, je n’ai eu aucun problème d’acclimatation.
« On peut rester quasiment une heure en haut, sur un plateau »
Par le passé, je faisais souvent une partie de mes stages en altitude de manière individuelle. Généralement, j’étais tout seul ou avec ma compagne pendant une semaine, puis mon équipe me rejoignait pour les dix ou quinze derniers jours. C’était un format qui me convenait bien également, car je suis quelqu’un d’assez attaché à sa liberté, d’assez autonome. Encore aujourd’hui. Par exemple, j’aime bien tracer mes parcours, aller là où j’ai envie d’aller, et les entraîneurs de l’équipe sont favorables à ce que je sois force de proposition par rapport à ça. Même si j’ai été accompagné de bout en bout sur ce stage, les entraîneurs se sont vraiment montrés à l’écoute. Ça m’a notamment permis de mettre mon nez dans les parcours et de découvrir des montées plus raides que celles que nous faisons habituellement.
Ici, une journée type commence avec le partage, dès le matin, de nos données de suivi à l’entraîneur : à savoir la saturation en oxygène, mesurée grâce à un oxymètre qu’on a porté pendant la nuit, et la fréquence cardiaque de la nuit écoulée. On a aussi un suivi nutritionnel quotidien, et une pesée quotidienne, me concernant. Vient ensuite naturellement le petit déjeuner, et avant de partir pour l’entraînement, un réveil musculaire. Puis, on descend… Ou pas d’ailleurs. C’est une différence par rapport à d’autres lieux en altitude. Ici, on peut rester quasiment une heure en haut, sur un plateau. L’essentiel de l’entraînement se passe néanmoins en bas. On essaie de ne pas ajouter trop de fatigue et de ne pas rester trop longtemps en altitude. Durant la sortie, il y a des pauses techniques pour enlever les habits chauds quand on arrive en bas, où il fait plutôt bon, et sur des sorties sans trop d’enjeux, on peut aussi se permettre une petite pause-café pour le plaisir. On rentre généralement en début ou milieu d’après-midi. Une fois de retour de notre sortie, notre assistant Philippe Jamin nous prépare le déjeuner. L’après-midi, c’est massage, puis dîner le soir.
« Sur du temps long, on a davantage l’opportunité de développer des liens »
On essaie de profiter de notre temps libre, parfois l’après-midi ou durant les journées de récupération, pour couper un peu du vélo. Bon, il nous est quand même arrivé de regarder des courses à la télé (sourires). Sinon, on s’est lancés dans un jeu en ligne, Geoguessr. On m’a dit que sur les stages précédents, le groupe était plutôt orienté UNO. En vérité, c’est moi qui ai importé Geoguessr dans l’équipe. Souvent, après le repas, on a le moment du café dans la chambre de l’assistant, et on se retrouve autour de quelques parties. J’ai forcément un peu plus d’expérience que mes collègues, car j’ai notamment joué pendant toute la Vuelta l’an passé, mais les gars profitent du stage pour s’améliorer (sourires).
J’ai toujours une préférence pour ces stages en comité réduit. Qui plus est sur du temps long, où on a davantage l’opportunité de développer des liens que lors d’un stage où il y a plus d’une centaine de personnes, comme à Calpe. Ces moments de stage sont toujours des moments que j’apprécie, et je suis toujours curieux de découvrir de nouveaux endroits. Je l’étais encore ici à l’idée de découvrir de nouveaux paysages. Ce stage est en lui-même une belle illustration de ce que je recherchais en rejoignant une nouvelle équipe. C’est agréable de changer d’environnement, de routes d’entraînement, de partenaires d’entraînement, de méthodes d’entraînement. Ça me fait du bien. Est-ce que ce stage en altitude me fera du bien aussi ? En vérité, je suis souvent assez performant dès les jours qui suivent. Il se trouve que j’aurai cette fois deux semaines entre la fin du stage et ma première course, mais ça devrait m’être bénéfique quoi qu’il en soit.