Pour Valentin Madouas, les émotions ont atteint leur paroxysme ce dimanche, sur la ligne d’arrivée de la Bretagne Classic, à Plouay. Au terme d’une longue course de 258 kilomètres, le champion de France est ressorti vainqueur d’une intense bataille pour conquérir sa toute première Classique WorldTour, et cela devant un public acquis à sa cause. Victorieux d’un sprint à quatre, le puncheur breton a aussi bénéficié de la présence à l’avant de Stefan Küng, d’abord échappé pendant soixante kilomètres puis allié déterminant dans le final. Le rouleur suisse a d’ailleurs conclu l’épreuve au pied du podium. Au terme de cette grande journée, l’Équipe cycliste Groupama-FDJ porte son total de victoires à dix-neuf cette saison. Valentin Madouas s’envolera lui pour les Classiques canadiennes avec le plein de confiance.
Un beau terrain de jeu se présentait devant les coureurs ce dimanche autour de Plouay, à l’occasion de la deuxième Classique WorldTour française du calendrier. Comme de coutume, les 258 kilomètres au programme de la Bretagne Classic comportaient une multitude de côtes, pour un dénivelé positif total supérieur à 4000 mètres. Pour autant, c’est d’abord une course d’attente qui s’est installée, avec seulement deux hommes en tête muselés par le peloton. Aaron Van der Beken (Bingoal WB) et Alessandro Tonelli (Green Project-Bardiani-CSF-Faizenè) ont pu ouvrir la route pendant près de 150 kilomètres, mais à l’approche de la montée « gravel » du Helles, située à quatre-vingts bornes du terme, la nervosité est montée dans le peloton et le duo a rapidement été revu. Puis, dans cette même bosse, une nouvelle course a démarré. De premières accélérations ont fait jour, Quentin Pacher a tenté sa chance, mais c’est finalement Stefan Küng qui est parvenu à se détacher peu après le sommet en compagnie de Mick Van Dijke (Jumbo-Visma). Face à un peloton éparpillé, les deux hommes ont rapidement fait le trou, profitant également de la couverture des coéquipiers du Suisse, à l’affût de chaque relance. « On avait imaginé un scénario de ce type, à savoir prendre un coup d’avance, exposait Thierry Bricaud. On savait que ça pouvait arriver au sprint, mais la chaleur a rendu la course encore plus difficile ». « Ce n’était pas exactement le plan initial de partir après le chemin, mais je me sentais très bien et j’ai vu que c’était un peu compliqué pour certains, confiait Stefan. J’ai tenté, je me suis retrouvé avec Van Dijke, qui m’a dit que mon rythme était trop élevé pour lui. On a quand même creusé, et une fois dans cette situation, il faut y aller. On ne sait jamais ce qu’il peut se passer derrière ».
« Le mieux est d’avoir un coup d’avance », Stefan Küng
En tête de course, Stefan Küng et son acolyte ont ainsi atteint la minute d’avance à soixante-cinq kilomètres du but, et ont même flirté avec les deux minutes à l’abord de la dernière heure de course. La poursuite s’est toutefois intensifiée à l’arrière, l’écart est retombé à 45 secondes, mais le rouleur de la Groupama-FDJ s’est alors délesté de son compère de fuite pour poursuivre seul à trente bornes du terme. Son avantage est reparti à la hausse pendant un moment, Valentin Madouas et Quentin Pacher ont couvert de nouveaux contres au sein du peloton et le Suisse a finalement attaqué l’enchaînement Marta-Longeo avec une marge de trente secondes. « J’ai entendu que ça revenait petit à petit, mais je voulais absolument passer Marta et Longeo car je savais que je pouvais tenir sur la fin », disait Stefan. Dans la côte de Longeo, justement, le peloton a explosé en raison d’une grosse offensive qui a permis à sept coureurs de rejoindre le coureur helvète. Parmi eux : Valentin Madouas. Le groupe de tête s’est ensuite davantage garni pour atteindre quatorze unités, dont Marc Hirschi, Benoît Cosnefroy, Jai Hindley, Tiesj Benoot, Pavel Sivakov ou encore Alex Aranburu. Tout ce petit monde a alors franchi une première fois la ligne d’arrivée avec un bel avantage sur le « peloton » principal. « Dans un tel groupe, il faut toujours être vigilant, et le mieux est d’avoir un coup d’avance, reprenait Stefan. Au passage sur la ligne d’arrivée, j’ai vu sur l’écran géant qu’ils me laissaient partir, alors j’y suis allé ! » Dans la boucle finale, l’insatiable Suisse a donc repris les devants, et a d’abord été rejoint par deux hommes. Valentin Madouas a lui tenté de faire le jump dans la montée de Rostervel, mais c’est au forceps que le champion de France est parvenu à opérer la jonction avec Mathieu Burgaudeau. « J’étais à l’arrache toute la journée, confiait-il. J’avais de bonnes sensations, mais pas non plus super. Je me suis accroché, accroché, et encore accroché ».
Cela s’est avéré payant, car à l’entrée dans les dix derniers kilomètres, la Groupama-FDJ possédait donc deux cartes dans un quintet alors bien détaché du reste. Dans l’avant-dernière côte, celle du Lezot, le duo franco-helvète a serré les dents pour suivre le rythme de Felix Großschartner et Burgaudeau, et au terme de toutes les difficultés, ils n’étaient plus que quatre en tête. Il ne restait alors plus qu’un long faux-plat descendant à couvrir pour rejoindre la dernière ligne droite, en cuvette, à Plouay. « Il fallait jouer sur le surnombre et essayer de sortir », disait Stefan Küng, qui a, en vain, tenté de laisser une cassure derrière son collègue à deux bornes du terme. Le quatuor s’est donc présenté roue dans roue, ou presque, à l’entame du dernier kilomètre. « Je connaissais le sprint par cœur, lançait Valentin. C’est un sprint tactique. Il fallait courir juste et je savais que je devais arriver de derrière. Ça passait, ou ça cassait. Si ça s’ouvrait tant mieux, si non, tant pis, mais je voulais prendre le risque. J’ai un peu joué avec eux, Stefan les a bien enterrés et je suis arrivé avec de la vitesse ». Sur son élan, le porteur du maillot bleu-blanc-rouge a immédiatement pris quelques longueurs d’avance et s’est alors arraché pour en conserver au moins une jusqu’à la ligne. « Je me suis dit, au pire on me rattrapera à vingt-cinq mètres et je ferai podium, ajoutait-il. Il fallait les décoller au démarrage, et une fois décollés, il n’y avait plus qu’à tenir et à regarder la ligne. J’entendais le public à côté, c’était vraiment énorme. J’avais de la toxine partout, je n’ai pas fait un beau sprint, mais ce n’est pas le principal ».
« Que demander de mieux ?! », Valentin Madouas
Le principal est en effet que le pari se soit avéré gagnant. Au terme d’une dure journée sur ses terres, Valentin Madouas a bel et bien remporté ce sprint en petit comité et de fait accroché la Bretagne Classic à son palmarès. Sur la ligne, le Brestois semblait incrédule. « Je ne sais pas trop quoi dire, confiait-il la larme à l’œil. Je suis vraiment ému. Gagner ici, à Plouay, avec ce maillot, c’est vraiment extraordinaire. C’était un rêve de remporter cette course. Le faire qui plus est dans ces conditions-là, que demander de mieux ?! » À peine l’arrivée franchie, le champion de France s’est empressé de fêter sa victoire avec Stefan Küng, quatrième du jour. « Ça me fait vraiment plaisir qu’il puisse gagner en Bretagne avec son maillot de champion de France, disait Stefan. On fait une très belle course d’équipe et je suis fier des mecs ». Thierry Bricaud mettait lui l’accent sur le rôle du Suisse, prépondérant ce dimanche : « Valentin récolte les lauriers, mais il le doit en grande partie au travail de Stefan qui a été énorme aujourd’hui. C’est lui qui nous a permis d’avoir ce coup d’avance et permis à Valentin d’avoir encore un peu de réserve dans le final. Valentin a joué le sprint à la perfection, et s’il gagne, c’est qu’il était le plus fort. C’est une très belle journée pour l’équipe et une magnifique journée pour lui, car c’est sa première en WorldTour, en Bretagne, et avec le maillot de champion de France. Ça représente beaucoup pour lui ».
Le coureur de 27 ans a ainsi décroché sa deuxième victoire de la saison, sa septième en carrière, et permis à l’Équipe cycliste Groupama-FDJ de retrouver le haut du podium dans une Classique WorldTour pour la première fois depuis le Tour de Lombardie 2018. « Pour moi, gagner à Plouay, c’est aussi beau que de gagner une étape sur le Tour, assurait Valentin. Je n’étais pas en réussite sur le Tour, mais je me suis dit que ça viendrait. J’ai fait beaucoup de sacrifices, et ça fait plaisir quand ça paie. Ma fin de saison est déjà réussie, mais j’irai au Canada avec de l’ambition, car il reste de beaux objectifs à remplir et je veux me faire plaisir. Mais d’abord, il faut profiter ».
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