Thibaut Pinot tient son rang vers le plus haut sommet

À l’avant-veille de l’arrivée finale à Rome, la monstrueuse étape reine du Tour d’Italie est venue encore davantage piocher dans les ressources des coureurs. En direction des mythiques Tre Cime di Lavaredo, dans les Dolomites, le peloton a surmonté près de 5500 mètres de dénivelé positif ce vendredi. Après avoir ardemment défendu son maillot bleu en début d’étape, Thibaut Pinot a trouvé les forces nécessaires pour terminer neuvième de l’étape, soit sixième parmi les favoris. Avant le « cronoscalata » vertigineux vers le Monte Lussari samedi, le Franc-Comtois occupe la sixième place du général, à 5’10 du leader Geraint Thomas, et à une quinzaine de secondes du top-5.

« Il fallait faire les bons calculs et avoir les bonnes jambes », Thibaut Pinot

Le plus gros morceau pour la fin, ou presque. Au bout de quasiment trois semaines de course éreintantes, le Giro proposait ce vendredi son plat de résistance. Cinq ascensions, dont deux de première catégorie et une Hors Catégorie, garnissaient ainsi les cent derniers kilomètres d’une dix-neuvième étape qui en totalisait très exactement 183. Mais ce sont les splendides Tre Cime di Lavaredo qui attendaient les coureurs au terme de cette journée terrifiante. Une journée lors de laquelle Thibaut Pinot, paré de son maillot « azzurro » de meilleur grimpeur, a dû s’employer plus tôt qu’il ne l’aurait voulu. Alors qu’une échappée d’une dizaine d’hommes s’était déjà détachée dans les contreforts de la première montée du jour, située après une soixantaine kilomètres, le grimpeur tricolore s’est employé, d’abord dans la roue de son équipier Jake Stewart, puis personnellement, pour annihiler les espoirs de Ben Healy, son dauphin au classement de la montagne. « C’était une étape dure mais aussi stressante, expliquait l’intéressé. On avait pointé les coureurs qui ne devaient pas partir en échappée. Il y avait pas mal de pression avec le maillot en jeu. Je savais qu’il y avait des concurrents motivés pour aller le chercher. Il fallait faire les bons calculs et avoir les bonnes jambes car c’était un sacré chantier. Ben Healy a tenté le tout pour le tout, ne m’a pas fait de cadeaux, et j’ai lâché pas mal de cartouches en début de course ».

En patron, Thibaut Pinot a toutefois ramené l’Irlandais à la raison, mais ce n’est qu’après soixante-quinze kilomètres que le calme est revenu pour de bon. Dès lors, le peloton a laissé l’échappée du jour prendre le large, et même jusqu’à huit minutes, au sommet du Passo Valporala. Dans l’iconique Passo Giau, le groupe maillot rose a dégraissé mais sans pour autant initier la grande bagarre. Si bien que les fuyards ont pu plonger vers Cortina d’Ampezzo, point de départ du final, avec un avantage encore supérieur à six minutes. « Il y avait beaucoup de points en jeu, et certains dans l’échappée pouvaient revenir dans le match pour le maillot », ajoutait Thibaut. Derek Gee s’est d’ailleurs rapproché à 57 points du Français après l’ascension du Passo Tre Croci. C’est aussi dans cette difficulté où Bruno Armirail, après avoir courageusement bataillé dans le Passo Giau, a été contraint de laisser filer le groupe maillot rose, alors réduit à une vingtaine d’hommes. Encore présent au plus près des grands favoris avant l’ultime montée, aux pentes affolantes, vers le Tre Cime di Lavaredo, Thibaut Pinot a lui tenté de se repositionner à plusieurs reprises afin d’éviter les cassures. Quelques membres du top-10 ont craqué sous le tempo infernal de la formation Ineos Grenadiers, mais ce n’est finalement que lorsque Primoz Roglic et Geraint Thomas se sont expliqués dans les deux derniers kilomètres que l’homme de Melisey a perdu quelques longueurs.

« Thibaut termine très bien ce Giro », Sébastien Joly

Il n’a en revanche pas explosé, puisqu’il a rallié le sommet à la neuvième place, soit en sixième position parmi les favoris, et à seulement sept secondes de Joao Almeida ou Damiano Caruso. « Il a fallu se reconcentrer sur le final et ne pas penser aux efforts que j’avais consentis par rapport aux autres, commentait Thibaut. Je suis quand même satisfait de ma journée et de ma montée. Bien évidemment, sans les efforts du début de course, je joue encore un peu plus devant, mais ça fait partie de la course. Au final, ça ne s’est pas trop mal goupillé ». « Le final était costaud, et le fait que Thibaut termine sixième à la pédale avec les plus forts démontre qu’il termine très bien ce Giro, ajoutait Sébastien Joly. Tout reste à faire demain, mais ça reste une bonne journée. Thibaut reste maillot bleu ce soir et on fera tout pour qu’il puisse le garder jusqu’à Rome. Bruno s’est encore bien accroché aujourd’hui. Même s’il a perdu quelques places au général, il a démontré qu’il était encore capable de passer un cap au niveau de la montagne. C’est un bon enseignement pour lui et il aura à cœur de faire un beau chrono demain, tout comme Thibaut pour assurer un beau général ». Ce vendredi, Santiago Buitrago a remporté l’étape du jour, Geraint Thomas a conservé le maillot rose, et Thibaut Pinot a non seulement gardé la « maglia azzura » mais aussi glané une place au classement général.

Il pointe ce vendredi soir en sixième position, à 5’10 du leader Britannique mais à simplement dix-sept secondes du top-5. Tout se décidera samedi sur les pentes du Monte Lussari (7,8 km à 11,2%), terme d’un contre-la-montre très atypique de dix-neuf kilomètres. « Je suis rassuré, mais demain, il y a un top-5 à aller chercher, confiait encore Thibaut. Ça va être stressant jusqu’au bout. Il va falloir que je fasse un très beau chrono, peut-être le plus beau de ma vie. J’espère bien récupérer car j’ai eu très mal aux jambes aujourd’hui, mais je pense que c’est pareil pour tout le monde ». Quant à l’ancien maillot rose Bruno Armirail, il occupe désormais la seizième place du général.