Dans une 120ème édition de Paris-Roubaix tout aussi mémorable qu’historique (record de vitesse battu), Stefan Küng a complètement tenu son rang ce dimanche. Le rouleur suisse a immédiatement répondu présent lorsque la grande bagarre s’est déclenchée, à plus de cent kilomètres de l’arrivée dans les secteurs d’Haveluy et de la Trouée d’Arenberg. Auprès des principaux favoris de l’épreuve, le leader de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ a demeuré dans le groupe de tête jusqu’au décisif Carrefour de l’Arbre. Dans cette portion, Mathieu van der Poel s’est envolé vers le sacre, et Stefan Küng s’est battu en poursuite pour finalement rejoindre le vélodrome en cinquième position. Après le Tour des Flandres dimanche dernier (6e), « King Küng » obtient son deuxième top-10 en deux Monuments cette saison.
Troisième Monument du printemps, Paris-Roubaix constituait aussi, ce dimanche, le terme de la grande épopée 2023 des Classiques pavées. Et c’est donc la « Reine » d’entre elles, la plus pavée de toutes, et sans doute la plus mythique à laquelle s’attaquaient 175 guerriers, entre Compiègne et Roubaix. Un total de 54,5 kilomètres de pavés répartis sur vingt-neuf secteurs attendaient le peloton à compter du centième kilomètre du tracé, mais avant cela, nombreux étaient les concurrents à vouloir anticiper l’explication des favoris. Si nombreux qu’il a fallu patienter près de deux heures pour qu’un quatuor réussisse à s’extirper. Jonas Koch (Bora-hansgrohe), Derek Gee (Israel-Premier Tech), Sjoerd Bax (UAE Team Emirates) et Juri Hollmann (Movistar) ont de fait pris les commandes, mais n’ont en réalité jamais pris du champ. Le peloton est resté à deux minutes, contribuant, avec le concours du vent favorable, à afficher une vitesse moyenne folle sur les deux premières heures de course. « Le coup est parti quinze kilomètres avant les pavés, et vu que l’approche des pavés est toujours nerveuse, ça a finalement toujours été rapide, indiquait Frédéric Guesdon. Sur ce début de course, Miles et Jake étaient désignés pour protéger Stefan, tandis que Sam devait simplement être vigilant si un gros coup partait à l’approche des pavés ». Si quelques chutes ont émaillé les premiers secteurs, la Groupama-FDJ a été relativement épargnée dans un premier temps. En revanche, son leader helvète a été contraint de changer de vélo à 130 bornes du terme. « Il a eu un problème de tige de selle, qui s’est un peu baissée lors du troisième secteur, expliquait Frédéric. Le changement a été assez long car on était derrière plusieurs groupes. Ils ont dû changer de vélo entre eux, juste avant qu’on ne le dépanne, mais on ne s’en est pas trop mal sortis. Il y avait du monde pour l’aider et on n’a pas perdu beaucoup de temps ».
« J’ai donné le maximum, mais j’étais juste complètement vidé dans le final », Stefan Küng
Stefan Küng a récupéré sa place au sein du paquet avant un enchaînement de trois secteurs, puis est remonté aux avant-postes en amont du secteur numéro 20 d’Haveluy à Wallers. Juste avant ce moment crucial, Miles Scotson a également lancé une offensive et s’est retrouvé trente secondes devant la meute. « Il a discuté avec Stefan et a trouvé l’ouverture pour prendre un coup d’avance, disait Frédéric. Le but était de ne pas laisser Stefan tout seul et d’avoir du monde pour le placer avant Haveluy, or on était au complet. Si on pouvait passer Arenberg avec un mec devant pour aider Stefan, c’était l’idéal, et c’est pour ça qu’on a laissé Miles partir ». Derrière l’Australien, le vice-champion du monde du contre-la-montre était parfaitement mis sur orbite par ses collègues à l’entrée d’Haveluy, et ceci s’est avéré un mouvement crucial pour le reste de la journée. « Les Jumbo-Visma ont vissé fort à ce moment-là, et la course s’est lancée pour de bon, relatait Stefan. On était à cent kilomètres de l’arrivée, et à partir de là, ça a été plein pot jusqu’au bout ». Emmené par Samuel Watson sur les premiers hectomètres du secteur, le Suisse a ensuite fait le forcing pour boucher un trou sur Christophe Laporte, Wout Van Aert, Mathieu van der Poel et John Degenkolb. C’est avec eux qu’il est ressorti avec une petite marge sur le reste de la concurrence, et avec la Trouée d’Arenberg en ligne de mire. « On savait que le secteur d’Haveluy allait être rapide, car c’est toujours un point important avant Arenberg, mais on s’attendait moins à ce que le coup décisif parte là, confiait Frédéric. Cela démontre qu’il faut toujours être vigilant. Du kilomètre 0 à l’arrivée, il peut se passer beaucoup de choses à n’importe quel moment ». Dans la Trouée d’Arenberg, emblème s’il en est de l’Enfer du Nord, ce petit groupe de favoris a récupéré les échappés, avant d’être lui-même rejoint par d’autres hommes forts tels que Mads Pedersen, Filippo Ganna ou Jasper Philipsen. Laporte était en revanche distancé sur crevaison.
À 90 kilomètres, c’est donc un groupe de treize coureurs qui s’est clairement détaché du reste et a rapidement relégué le deuxième échelon de la course à environ deux minutes. Quelques contres se sont initiés dans la foulée, mais le groupe de tête a toujours maintenu une solide allure, qui a d’ailleurs eu pour conséquence de le réduire à sept unités à la sortie du secteur redouté de Mons-en-Pévèle, à une quarantaine de kilomètres du but. Ici-même, Mathieu van der Poel a lancé une première attaque, qui a mis en difficultés ses rivaux avant que tout ne rentre dans l’ordre quelques instants plus tard. À l’entame du final, Küng devait encore faire face au Néerlandais, Van Aert, Pedersen, Ganna, Degenkolb et Philipsen. « Il fallait gérer, être très vigilant dans certains secteurs, puis on savait que ça allait se faire à la jambe dans le Carrefour de l’Arbre », ajoutait Frédéric. Et c’est bien là, à dix-sept kilomètres du but que tout s’est décidé. Une chute de Degenkolb a d’abord créé une cassure, puis Van Aert et Van der Poel se sont isolés avant que le Belge ne soit victime d’une crevaison. Quelques longueurs derrière, Stefan Küng n’a pu se mêler à cette bataille. Le Suisse s’est retrouvé dans un troisième groupe en compagnie de Ganna, puis de Pedersen dans les tous derniers kilomètres. Moins d’une minute après Mathieu van der Poel, vainqueur, il est arrivé pour la quatrième place mais a finalement accroché la cinquième sur la ligne. Au bout de ses forces. « C’était encore une course très très dure, soulignait Stefan. Comme on a pu le voir, tous les coureurs étaient cuits à l’arrivée, et je ne pouvais rien faire de plus. J’ai fait avec mes moyens et j’ai donné le maximum, mais j’étais juste complètement vidé dans le final alors que d’autres avaient encore une cartouche. Je peux remercier mon équipe pour m’avoir bien protégé dans la première partie de course, et on reviendra ».
« Stefan mériterait d’en gagner une belle », Frédéric Guesdon
Un an après avoir pris place sur la troisième marche de « l’Enfer du Nord », Stefan Küng se contentait donc amplement d’un très convaincant top-5 dans cette 120ème édition démente, à la vitesse moyenne record (46,8 km/h). « ll n’y a pas eu photo, les plus forts étaient devant, jugeait Frédéric. Au vu de la course, il ne pouvait pas tellement faire mieux. Ça s’est vraiment fait à la jambe et on ne peut pas avoir de regrets. Cette cinquième place vient quand même confirmer sa troisième place de l’année dernière et ses bonnes Classiques récentes. On voit qu’il tourne autour et on espère qu’il reviendra pour gagner. Il se loupe rarement, mais il mériterait désormais d’en gagner une belle. Il est tout le temps placé, et il est temps que la victoire arrive ». « J’espère que ça me sourira dans le futur, glissait encore Stefan. On va continuer de travailler. C’est toujours très satisfaisant de jouer devant, mais j’espère qu’un jour, je pourrai être aussi fort que Mathieu van der Poel ne l’a été aujourd’hui ». Le rouleur suisse a quoi qu’il en soit entériné son statut d’homme fort sur les Classiques, une semaine après une sixième place probante sur le Ronde. L’Équipe cycliste Groupama-FDJ conclut de fait sa campagne de Classiques pavées avec un top-10 sur chacun des deux Monuments, et un double top-10 sur l’E3 Saxo Classic. « On espérait faire mieux que l’année dernière, mais on savait que ça allait être difficile car on avait vraiment bien performé avec un podium aux Flandres et à Roubaix, rappelait enfin Frédéric. Je pense qu’on a quand même réussi notre campagne, on a confirmé nos prestations de l’an dernier et c’est plutôt positif. On aurait aimé gagner ou faire un podium, mais le niveau était extrêmement relevé. Ça nous a un peu moins souri que l’année dernière mais on est quand même dans les billes ». Dans une petite semaine, le groupe des « Ardennaises » prendra le relais à l’occasion de l’Amstel Gold Race. Stefan Küng, quant à lui, va observer une coupure bien méritée avant d’effectuer son retour à la compétition le mois prochain lors du Tour d’Italie, qui présentera de nombreux objectifs, notamment chronométriques.
Aucun commentaire