Quelques semaines après avoir fêté ses vingt-et-un ans, Paul Penhoët est déjà sur le pont pour lancer la saison 2023. Sur le Tour Down Under, le jeune sprinteur espère d’ores et déjà marquer les esprits, et même lever les bras. Passé au sein de l’équipe WorldTour Groupama-FDJ l’été dernier, le Francilien a d’ailleurs fait de « gagner » son leitmotiv pour l’année à venir.
Paul, comment vas-tu à l’aube de ta reprise ?
Ça va super ! J’ai coupé un peu plus tôt que les années précédentes cet automne, et j’ai par conséquent repris plus tôt également. Ça m’a permis de bien travailler avant le premier stage de Calpe. On a encore bien bossé pendant le stage et la forme a commencé à monter. Je suis ensuite parti dans le sud, afin de ne pas avoir un trou entre Calpe et l’Australie. Je pense que j’ai fait les choses bien, et j’espère que la forme sera bonne pour la course.
« J’étais motivé à tout bien faire »
Le Tour Down Under était-il prévu de longue date ?
On me l’a proposé aux entretiens à Besançon et j’étais tout de suite partant. Pour moi c’était parfait, car je préfère courir que m’entraîner. Cela me permettait d’avoir un objectif tôt dans la saison et d’être bien concentré sur toute la préparation hivernale. C’est quelque chose qui m’attirait. J’y pensais avant même qu’on me le propose, mais je suis dans ma première année, et je ne suis pas encore au stade d’exiger mon calendrier.
La préparation a-t-elle été très différente des années passées ?
Clairement. J’ai repris plus tôt, et tout était plus conséquent. Les heures de travail étaient plus importantes, et durant le stage de Calpe, je faisais davantage de travail spécifique que ceux qui reprennent un peu plus tard. Ça a été bien agencé en fonction du Tour Down Under. Je ne prends pas la course en tant que préparation. J’ai tout fait pour arriver avec un minimum de forme pour performer et me mettre en confiance. C’est la première fois que je dois me préparer à être en forme si tôt. Avec la Conti, on reprenait généralement vers Mars. L’an passé, j’avais certes fait Oman, mais ça s’était décidé en dernière minute et je n’étais pas plus préparé que ça. Je pense que reprendre tôt me correspond bien. J’ai l’impression qu’avec un peu d’entraînement, si je suis rigoureux et sérieux, je peux assez vite arriver en forme. Je dois avoir deux mois d’entraînement dans les jambes et je pense que ça suffit pour avoir une bonne base. Je me sentais déjà bien à Calpe. Quand on a commencé à faire du spécifique, de la PMA, j’ai vu que ça répondait plutôt bien. J’ai refait des intensités pendant mon stage perso dans le sud, et j’ai même battu un record sur un test de quatre minutes. Je pense que la forme est vraiment bonne.
Qu’en est-il de l’acclimatation à l’été australien ?
Je n’ai pas voulu être pris au dépourvu, car j’avais entendu des histoires de mecs qui étaient arrivés sans rien faire en amont et qui se retrouvaient collés du fait de la chaleur. On a fait les choses bien avec Anthony [Bouillod]. J’avais normalement prévu de faire un peu de bain chaud tous les deux jours, mais ça n’a pas été possible car l’appartement que j’avais loué dans le sud n’avait pas de baignoire. Mais on voulait absolument travailler ça, donc je me coltinais des séances de home-trainer tout habillé après la sortie, sans faire descendre la température. C’était un peu plus embêtant que la baignoire, mais j’étais motivé à tout bien faire. Je pense que ça a plutôt bien marché.
« On a tout à reprouver, en particulier à soi-même »
Ce ne seront évidemment pas tes débuts avec l’équipe. Être passé dans la WorldTeam en août dernier après de nombreuses expériences t’a-t-il donné la sensation que la marche était moins haute ?
Clairement. Par rapport aux courses, déjà, je suis resté dans le même registre. J’ai continué à disputer des épreuves de niveau « Coupe de France ». C’était un peu dur au tout début, quand je suis arrivé en 2020, 2021, mais je me suis maintenant accommodé au truc. Pour ce qui est de l’environnement de l’équipe, je connaissais déjà tout le staff et tous les coureurs grâce aux différents stages et courses. Ça m’a presque paru normal, et il n’y a quasiment pas eu de changements. La transition a été hyper fluide. Je pense qu’au final, l’unique changement vient de moi-même. J’ai l’impression d’avoir encore grandi mentalement depuis août. J’ai encore plus envie de faire les choses bien. Je me suis dit : « maintenant tu es en WorldTour et il va falloir tout faire pour performer ».
Qu’est-ce que t’a appris la fin de saison 2022 ?
La fin de saison, en soi, ne m’a pas apporté beaucoup de satisfactions. Je m’étais fixé comme objectif de gagner une course chez les pros avant la fin de saison. Je n’ai pas réussi, et pour cette saison, j’étais déçu. J’en ai parlé au staff durant les entretiens, et eux m’ont dit qu’ils étaient plutôt contents de moi, et que l’objectif de fin de saison était rempli. Il s’agissait davantage d’une déception personnelle, mais la fin d’année m’a quand même conforté dans l’idée que je pouvais jouer la gagne sur les courses et qu’il fallait juste que je fasse deux-trois changements vis-à-vis de moi-même pour gagner en confiance. Il y avait la satisfaction de pouvoir me dire « ok je suis là », mais maintenant, il ne faut pas que je plafonne avec des petits podiums ou des fonds de top-5. Ce n’est pas ce qui m’intéresse, ni ce que l’équipe attend de moi, je pense. J’ai le niveau pour arriver frais dans le sprint, et c’est maintenant à moi de faire les petits réglages pour pouvoir mettre la balle au fond.
Tu as évoqué un manque de confiance…
Je pense que c’est surtout ça qui m’a fait défaut. Je n’avais plus trop confiance, bizarrement. Je ne sais pas trop pourquoi. Dans les finals de course, je sentais une différence psychologique. J’étais peut-être complexé, alors que je n’aurais pas dû. Chez les grands, c’est parfois un peu bizarre de se dire qu’on affronte les mecs qu’on voit généralement à la télé, qu’on regarde depuis qu’on est petits. Mais il faut aussi se sortir de la tête que la Conti, c’est passé, les classes 2, c’est fini, et qu’il va falloir performer dans les grandes courses. J’ai bien compris ça pendant l’hiver, j’ai bien cogité, et je suis mentalement prêt à tout bien faire chez les grands. La confiance est aussi vachement liée à la concurrence. Chez les Espoirs, on rencontre souvent les mêmes équipes. Alors, quand on gagne une ou deux fois, on se dit qu’on va retrouver les mêmes mecs sur les courses suivantes et qu’il est donc possible de faire la même chose. Quand on arrive chez les grands, il y a plus de monde, et tout est à refaire. On a tout à reprouver, et en particulier à soi-même.
« Je veux surtout gagner quand il y a des gros noms au départ »
Quel est ton état d’esprit à la veille de ta première course WorldTour ?
Je ne pense pas trop à la classification de la course. En regardant la startlist, il y a quand même pas mal de mecs avec qui j’ai déjà couru et avec qui j’ai déjà bataillé. Pour moi, c’est plus cela qui importe. Je sais que c’est possible de lutter. Je suis en forme. Je suis juste excité de remettre un dossard, j’ai envie de bien faire et de commencer la saison sur une bonne note. Je pense juste à être performant et que tout se passe bien avec l’équipe.
T’attends-tu à un gros challenge malgré tout ?
Totalement, surtout que tout le monde dit que lorsqu’on arrive au niveau WorldTour, il y a plus d’enjeux, et plus d’implication de chaque équipe. On peut être sûr que toutes les équipes qui ont un sprinteur seront super bien organisées. Mais c’est aussi ça qui me fait envie. C’est toujours cool de gagner telle ou telle course, mais je veux surtout gagner quand il y a des gros noms au départ. C’est ça qui donne envie de s’entraîner. Ça me fait plaisir qu’il y ait de bons sprinteurs ici, ça me permettra de voir où on en est au niveau de la préparation. C’est aussi l’occasion de voir ce qui peut encore me manquer, ce qu’on peut améliorer et quels points diffèrent par rapport au calendrier français. J’ai déjà bien parlé avec Arnaud, mais je veux voir de mes propres yeux comment ça se passe pour ensuite ajuster tout ça.
Quel est ton objectif ici ?
Je viens pour gagner, clairement. C’est ambitieux, mais d’un autre côté, c’est aussi ce qui me donne envie de m’entraîner tous les jours. Je viens ici pour gagner une étape et je pense que ce n’est pas impossible. Je veux bien sûr me jauger, mais le but premier est de gagner. Je pense à cette course depuis que j’ai repris l’entraînement.
Et tu seras notamment accompagné de trois anciens coéquipiers de la Conti !
Ça fait bizarre. On a presque l’impression d’être encore tous les quatre en Conti et de faire une course avec la WorldTour (sourires). On s’est quittés il n’y a pas très longtemps, et c’est chouette de se dire qu’on se retrouve tous en WorldTour aujourd’hui, sans que cela change nos habitudes. Je vais aussi retrouver Laurence pour les sprints, on a déjà des automatismes, et tout le monde s’entend super bien.
« C’est bien d’avoir une vitesse pure, mais il faut l’avoir en fin de course »
En parlant de sprints, que penses-tu des étapes proposées sur le Tour Down Under ?
Il n’y a qu’une étape qui a 99% de chances d’arriver au sprint, mais pour les autres, ça va être usant ! On a vu lors des championnats d’Australie que Caleb Ewan et Michael Matthews étaient en forme dans les bosses. Il y a aussi de grosses équipes qui ont amené de bons coureurs mais pas de sprinteurs. Ça peut changer la donne si certains veulent attaquer fort pour le général. Personnellement, avec ma forme actuelle, je pense que ça peut le faire dans les bosses. Je me dis que si Caleb Ewan les passe, je devrais normalement être là aussi.
À l’occasion de ton portrait il y a deux ans, tu disais justement que tu souhaitais devenir un sprinteur qui passe les bosses. Comment juges-tu ton évolution ?
Depuis, j’ai pas mal changé physiquement, et on a bien travaillé ça avec Joseph [Berlin-Semon] à la Conti. Ça a bien porté ses fruits. Sur les Coupes de France, malgré des circuits difficiles, j’ai vu que ça marchait bien. J’étais vraiment content de ça. J’espère cette année passer ce dernier petit cap qui me permettra d’être encore plus frais en fin de course, et surtout d’être là sur une course WorldTour. Tout le monde dit que le rythme dans les bosses n’est quand même pas le même, donc on verra. Miles me disait aussi que tous les Néo-Zélandais et Australiens étaient déjà hyper en forme, que c’est un peu leur « Tour ». Je pense que quand la course va se lancer, ça va vraiment faire mal. Il faudra voir où j’en suis et si je suis capable de passer les bosses à ce niveau-là. J’ai travaillé ces efforts sur 5-10 minutes. C’est un peu le même effort que sur une fin de course sur le plat, en termes d’intensité. C’était vraiment important de le travailler, car c’est bien d’avoir une vitesse pure, mais il faut l’avoir en fin de course. Maintenant qu’on a bien bossé ça, je pense qu’on va pouvoir plus insister sur le sprint, avec notamment la préparation physique que j’ai mise en place, à travers la musculation. C’est un investissement en plus des entraînements et c’est quelque chose qui je pense va m’apporter.
Tu vas aussi retrouver Caleb Ewan, dont tu te disais proche en termes de profil.
Je faisais surtout le parallèle au niveau de la position, du poids. Lui aussi passe bien les bosses, on l’a déjà vu à Sanremo. C’est toujours quelqu’un que je regarde. C’est un adversaire comme un autre, mais j’ai encore plus envie de bien faire face à lui.
« J’ai vraiment envie de gagner cette année »
De manière générale, qu’attends-tu de cette saison 2023 ?
Dans ma tête, la partie découverte est finie. J’ai fait deux ans et demi en Conti, j’ai fait pas mal de courses avec la WorldTour, et c’est déjà pas mal. Pour moi, toutes les courses lors desquelles j’avais été promu étaient de l’apprentissage. Le résultat n’était que du plus. Maintenant que je suis dans la WorldTour, j’ai beau être néo-pro, je ne fais presque plus de différences entre moi et les plus anciens. L’équipe attend de moi des résultats, même si elle pense encore à mon développement et à l’expérience que je peux acquérir. Moi, je pense vraiment plus aux résultats et j’ai vraiment envie de gagner cette année.
Quel a été le discours de l’équipe à ton encontre ?
Les attentes restent mesurées. On m’a beaucoup parlé de la Coupe de France, car je vais participer à quasiment toutes les manches qui correspondent à mon profil et peuvent arriver au sprint. L’équipe veut aussi un peu relancer ce front-là. On ne m’a pas donné d’objectifs précis de victoires, ni mis de pression. Tout ça vient plus de moi-même. Je me dis que je suis quasiment le sprinteur numéro 2 de l’équipe, et que si ça arrive au sprint sur les Coupes de France, ça sera pour moi. J’aurai un rôle à jouer sur ces courses, et j’en suis content. C’est super de se dire qu’assez régulièrement dans l’année, on peut avoir une chance de victoire, d’aller à l’entraînement et de se dire « la semaine prochaine, j’ai une autre opportunité ». Cela donne un bon fil rouge sur toute la saison.
Qu’est-ce que serait une saison réussie pour toi ?
Si j’arrivais à cumuler trois victoires en fin de saison, je pense que je pourrais être content. Je pense en plus que c’est possible. J’ai un calendrier qui peut me permettre ça, si je fais les choses bien. Un objectif doit toujours rester réalisable, mais se dire que c’est possible permet d’être bien motivé toute l’année.
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