Vingt-et-une secondes. C’est ce qu’il aura manqué à Rudy Molard pour conserver son maillot rouge de leader, ce jeudi sur le Tour d’Espagne. Vingt-quatre heures après avoir pris les rênes du classement général, le Rhônalpin a bataillé en direction du sommet de Pico Jano, où les grands favoris de l’épreuve ont commencé à se découvrir. Protégé durant toute la journée, et même ramené dans le peloton par ses coéquipiers avant l’ascension finale, le coureur de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ a tout lâché mais n’a pu rallier la ligne à temps. Il est ce jeudi soir deuxième du général, désormais dominé par Remco Evenepoel. Une belle parenthèse se referme, mais d’autres aventures sont à venir.
Pour la cinquième fois de sa carrière, Rudy Molard s’est réveillé en qualité de leader du Tour d’Espagne, ce jeudi matin. Quatre ans après sa dernière expérience en rouge, le Français était donc au centre de toutes les attentions à Bilbao au départ de la sixième étape. La première de montagne. « C’était génial, racontait-il. Ayant déjà connu ça, je savais qu’il fallait que je savoure. Je voulais vraiment profiter de cette journée car je sais que ce sont des moments quand même éphémères, d’autant qu’au vu de l’étape du jour, du dénivelé et des conditions, je n’étais pas sûr de le garder ». Plus de 4000 mètres de dénivelé positif figuraient ainsi au programme en direction du Pico Jano (12,5 km à 6,6%), et la Groupama-FDJ a malgré tout abordé la journée en gardant ses options ouvertes. « On avait décidé de s’adapter à la situation de la course, mais contrairement aux autres jours, l’échappée est partie très vite, au bout d’une quinzaine de kilomètres, expliquait Philippe Mauduit. On aurait pu jouer l’étape si la bagarre avait été plus longue et que l’échappée était sortie dans une bosse, auquel cas où on aurait pu mettre Thibaut, Quentin ou Seb. Ça ne s’est pas passé comme ça. On s’est alors entièrement concentrés sur la défense du maillot, et les gars l’ont très bien fait ». En tête, dix hommes ont pu prendre les commandes, et le mieux placé d’entre eux était Jan Bakelants, à plus de cinq minutes du maillot rouge.
« On ne pouvait pas faire beaucoup mieux », Philippe Mauduit
L’équipe a alors assumé ses responsabilités. « Miles et Fabian ont roulé pendant toute la première partie, précisait Rudy. Ils ont fait un super boulot. Bruno est venu rouler aussi, puis on a eu l’aide de Quick Step-Alpha Vinyl ». « Après sa grosse journée hier, Jake était un peu en réserve et au soutien de Rudy aujourd’hui, ajoutait Philippe. Heureusement d’ailleurs, car un peu après la mi-course, il a été obligé de donner son vélo à Rudy. Il y avait une cassure dans le peloton et on ne pouvait pas intervenir ». Dans la dernière heure, le paquet a encore accéléré et s’est rapproché à moins de deux minutes de l’échappée avant la Collada de Brenes (6,3 km à 8,6%), avant-dernier col de l’étape. À la suite de chutes et cassures, l’équipe a dû fournir un effort supplémentaire pour recoller à la première partie du peloton. À peine la jonction effectuée qu’une grosse sélection a commencé à s’opérer. « Rudy avait quand même mal aux pattes suite à sa journée à l’avant hier, confiait Philippe. Il ne se sentait pas super dans les cols. Il nous a prévenu dans l’avant-dernière difficulté, en nous disant qu’il était à bloc ». Le maillot rouge a malgré tout tenu sa place jusqu’à un kilomètre du sommet, moment où il a été distancé. Il a alors bénéficié du soutien de Quentin Pacher alors que la pluie redoublait d’intensité avant le final de l’étape. « On a laissé Seb et Thibaut devant, car avec les conditions météo et la descente qui se profilait, on savait qu’il leur serait compliqué de rester avec Rudy, commentait Philippe. Quand on est arrivés en bas de la descente, ils se sont relevés pour attendre Rudy et Quentin ».
C’est alors une véritable course-poursuite qui s’est mise en place sur une dizaine de kilomètres pour boucher une demi-minute d’écart sur un peloton loin d’être apathique. Sébastien Reichenbach et Quentin Pacher ont passé de gros relais sur les portions plutôt plates, puis Thibaut Pinot a fourni le dernier effort dans les contreforts de l’ascension finale pour permettre à Rudy Molard de reprendre sa place dans peloton. Ce fût le cas à quatorze kilomètres du but, soit à 1500 mètres du Pico Jano. Le maillot rouge s’est immédiatement attaché à se repositionner, et a d’abord bénéficié d’un léger moment de temporisation sur les premières pentes. Mais la grande bagarre a finalement débuté assez rapidement, à quasiment dix bornes du sommet. Remco Evenepoel a notamment fait craquer ses adversaires un par un alors que Jay Vine s’en allait réaliser un joli numéro pour obtenir la victoire d’étape. Rudy Molard a finalement rejoint le sommet 4 minutes et 51 secondes après le coureur belge. Soit vingt-et-une secondes trop tard pour conserver son maillot rouge. « Même quand Rudy a été en difficulté, l’équipe a continué à bien bosser en se disant que ça pouvait passer, disait Philippe. Ça aurait pu passer, si on n’était pas tombés sur un grand Evenepoel. On ne pouvait pas faire beaucoup mieux. Par rapport à tous les autres favoris, Rudy aurait pu garder son maillot, mais il y avait Evenepoel… »
« On a quand même vécu une super journée », Rudy Molard
« Sans les gars, je pense que je n’aurais pas perdu le maillot pour seulement vingt-et-une secondes, affirmait Rudy. Après tout le travail qu’a fait l’équipe, je ne pouvais pas lâcher et j’ai vraiment tout donné jusqu’à la fin. J’ai dû fournir deux efforts plus tôt dans la course qui m’ont coûté de l’énergie. La pluie a aussi rendu la course difficile. Ce ne sont pas des conditions que j’adore. Je préfère quand il fait 40°C. J’avais aussi la journée d’hier dans les jambes, mais j’ai donné le maximum. Au bout du compte, il ne me manque rien… Si Remco n’avait pas été au-dessus du lot, il y aurait peut-être eu moyen de garder le maillot. J’avais quelques écarts dans la montée, et je savais que ça allait se jouer à pas grand-chose. Vingt-et-une secondes… C’est dommage. J’aurais vraiment voulu garder le maillot une journée de plus pour remercier l’équipe ». Ce jeudi soir, Rudy Molard pointe donc au deuxième rang du classement général, seulement précédé par Remco Evenepoel. « On a quand même vécu une super journée, disait-il malgré tout. J’aurais préféré une belle journée ensoleillée, mais j’ai quand même bien profité du maillot ». « On est forcément déçus de lâcher ce maillot aussi vite, mais d’un autre côté, je suis fier du travail qui a été fait par les coureurs et toute l’équipe aujourd’hui, concluait Philippe. Et puis, la Vuelta continue ! »