Elle était passée toute proche lors des deux premières journées. Lors de la troisième étape, la plus prestigieuse, qui avait comme conclusion la Super Planche des Belles Filles, la Conti a finalement réussi à concrétiser sur le Tour Alsace. Au sommet de la désormais célèbre ascension vosgienne, c’est Finlay Pickering qui a cette fois su saisir sa chance. Sorti à trois kilomètres du but, le Britannique de 19 ans a résisté en solitaire pour s’offrir son premier succès de la saison, et apporter sa dix-septième victoire de l’année à la Conti. Il s’est par la même occasion porté en tête du classement général.
Les hommes de Jérôme Gannat auraient pu ouvrir leur compteur dès mercredi soir sur le Tour Alsace. Dans un prologue spécifique, disputé par demi-équipes de trois coureurs, il n’avait manqué que quatre dixièmes à la triplette Sam Watson-Romain Grégoire-Laurence Pithie pour rafler la victoire. « On perd l’étape dans un virage où Sam a glissé. Laurence a dû passer sur le trottoir et on a frôlé la chute, racontait Jérôme. Ça s’est joué là, il n’y a pas photo. Avec le recul, on se dit qu’on a peut-être perdu le prologue pour une demi-seconde, mais au moins, tout le monde est rentré à bon port ». Jeudi, les équipes étaient recomposées pour un premier acte très escarpé de 156 kilomètres comprenant trois ascensions en cours de chemin. « La course a été très animée, ça a roulé très vite la première heure car toutes les équipes se méfiaient de cette première étape toujours dangereuse en Alsace, où une échappée peut prendre beaucoup d’avance, reprenait Jérôme. C’est sorti un peu avant les bosses. Finlay est rentré sur l’échappée, c’était un bon point d’appui pour nous, mais il y avait des clients devant. Plus tard, Reuben a suivi les attaques dans le Champ du Feu, puis a réussi à rejoindre ce qu’il restait de l’échappée. Ils se sont retrouvés à six devant, avec Finlay et Reuben. L’essentiel était alors d’aller à l’arrivée et de prendre un maximum de temps sur le reste de la concurrence. Reuben a attaqué à deux kilomètres de l’arrivée, sachant qu’il n’était pas le plus rapide. Ça n’a pas fonctionné mais je leur dis bien assez souvent d’essayer… Globalement, c’était une bonne journée, qui nous a permis de placer deux coureurs au général ». Quatrième et cinquième de l’étape, le Néo-Zélandais et le Britannique ont attaqué l’étape de la Super Planche des Belles Filles dans ces mêmes positions au général, ce vendredi.
« Je n’avais plus qu’à rouler fort jusqu’au bout », Finlay Pickering
Malgré quelques bosses en cours de route, c’est bien une course de côte sur la montée vosgienne qui se profilait lors de cette troisième étape. « On avait dit à Romain d’accompagner les coups, mais on savait que l’échappée avait très peu de chances d’aller au bout car beaucoup de mecs étaient encore placés, exposait Jérôme. Romain s’est porté en tête, mais il y avait effectivement un mec à deux minutes au général devant. Ça a un peu condamné l’échappée mais ça nous a permis de ne pas prendre la responsabilité de la course ». « C’était une journée difficile, et elle a été parfaitement gérée par l’équipe, ajoutait Finlay Pickering. Romain a fait du super boulot en se glissant dans l’échappée. Cela nous a soulagé d’une certaine pression. Sam, Laurence et Joe ont été incroyables pour nous soutenir, Reuben et moi. Ils ont beaucoup frotté dans le peloton, et ça a été vraiment utile pour garder un maximum de fraîcheur ». Les deux hommes protégés de la Conti ont ainsi abordé l’ascension finale en bonne posture, après que l’échappée a été revue. « Il était prévu que les mecs fassent le pied, et Sam a effectué la première partie avant que l’équipe du leader ne roule », ajoutait Jérôme. « Quand on est arrivés dans la Planche, le rythme était super rapide, et je veux encore saluer les mecs pour leur grosse journée, rappelait Finlay. Reuben était très fort dans la montée. Il a attaqué et forcé les autres à chasser ».
Une accélération peu avant la mi-ascension a ainsi permis au « Kiwi » de prendre quelques longueurs d’avance. « Reuben avait dit qu’il attaquerait pour faire une première différence avant le premier replat, qui précède le mur de l’ancienne arrivée, précisait Jérôme. C’est ce qu’il a fait, ça a provoqué une grosse sélection, puis quand c’est rentré, Finlay a contré ». « J’étais à la limite, mais c’est revenu et j’y suis allé à mon tour, complétait l’Anglais. Si on m’avait pris en chasse, Reuben aurait sans nul doute pu y retourner. L’attaque de Reuben a clairement servi de tremplin à mon offensive. J’y suis allé, et personne n’a répondu. Alors, je n’avais plus qu’à rouler fort jusqu’au bout ». Détaché à trois kilomètres du terme, Finlay Pickering n’a plus réfléchi. « C’était le bon moment, il a repris du temps sur le replat puis a su maintenir cet écart jusqu’à la dernière rampe, saluait Jérôme. Il a eu la capacité mentale et physique d’y aller quand tout le monde était un peu à fond. J’ai discuté avec l’ancien maillot jaune Roland Thalmann plus tard, et il m’a dit qu’il ne pouvait pas aller chercher l’un puis l’autre. C’était un peu du tableau noir, mais fallait-il aussi pouvoir attaquer ». Grâce à une solide avance avant la partie gravillonneuse menant à la Super Planche des Belles Filles, le jeune homme de la Groupama-FDJ a donc été en mesure de résister aux ultimes contres provenant de l’arrière.
« Ils se révèlent un par un », Jérôme Gannat
Sur la ligne, il a alors signé sa toute première victoire de l’année, son premier succès chez les Espoirs, en devançant son premier concurrent de dix-neuf secondes. « C’était un moment très émouvant pour moi, car j’ai subi beaucoup de revers cette année, confiait-il plus tard. Dernièrement, j’ai encore eu un gros problème au genou, et c’était d’autant plus frustrant que je me sentais arriver à un gros niveau de forme. Toute ma frustration s’est exprimée dans un geste à l’arrivée, et je m’excuse si cela a pu choquer. Je suis en tous les cas super heureux et tout ça n’aurait pas été possible sans le soutien et l’aide de l’équipe ». La Conti, justement, continue d’enchaîner. Ce vendredi, elle a acquis son dix-septième bouquet de la saison, le cinquième en deux semaines. « C’est un beau total, mais ce qui est vraiment intéressant, c’est que 10 de nos 13 ont gagné cette année, soulevait Jérôme. C’est relativement exceptionnel. C’est un très bon cru d’un point de vue individuel, mais il y a toute une équipe autour qui participe à tous ces succès. Concernant Finlay, il est en forme depuis la Vallée d’Aoste, où il a beaucoup travaillé pour l’équipe. Ce n’est peut-être pas celui qu’on attendait le plus, même si on sait qu’il grimpe bien. C’est intéressant car ils se révèlent un par un. Bien qu’on connaisse leur potentiel, ça peut parfois passer inaperçu dans un collectif. Finlay m’avait déjà impressionné hier dans la montée du Mont Saint-Odile, où il avait quand même Reuben, Gloag et Van Eetvelt dans la roue. Il n’a que 19 ans et il a eu un début de saison compliqué avec des ennuis de santé et un programme qui ne lui correspondait pas complètement. Lors de son entretien, il nous disait qu’il se voyait en tant que grimpeur-rouleur, mais il n’avait jamais grimpé un col de plus de dix kilomètres. On avait vu ses capacités en bosse à l’entraînement, mais ça reste malgré tout une éclosion à ce niveau-là ».
Une éclosion spectaculaire qui s’est accompagné d’une prise de pouvoir au classement général du Tour Alsace. À deux étapes du terme, Finlay Pickering dispose de quatorze et vingt-sept secondes d’avance sur ses deux premiers poursuivants. Quatrième, Reuben Thompson est lui à 1’03. « On sait que Sam peut gagner demain ou après-demain, mais la priorité est de conserver le maillot jaune jusqu’à dimanche, concluait Jérôme. Il va maintenant falloir protéger notre première place et contrôler ».
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